COLONEL, GÉNÉRAL…, TOUS DES JUSTICIABLES
Que les autorités fassent ce qu'ils veulent du colonel ou du général, ce sont des humains et à ce titre sont appelés à faire face aux risques de la vie, c'est le destin de tout le monde. Mais de grâce qu'ils songent à préserver nos institutions et notre société de l'apologie de l'hypocrisie, faite au nom du devoir de réserve.
L'hypocrisie est le fourgon mortuaire de première classe des vertus. Lorsque des faits prévaricateurs sont perpétués à quelque niveau de la hiérarchie administrative que ce soit, il est du devoir civique de tout citoyen, qui aurait l'avantage d'en avoir été bien informé, d'utiliser tout moyen à sa disposition pour y mettre un terme définitif.
Évoquer le devoir de réserve corporatif, la raison d'état ou quelque autre argutie pour couvrir telles forfaitures, au point de sacrifier publiquement un des plus éminents principes de vertu, qu'est le courage, n'est que hallucination.
Ce que tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui est que l'opinion publique doit être impérativement édifiée à propos des allégations du colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, auteur du livre Pour l’honneur de la gendarmerie, et pouvoir situer le fourbe et le probe dans cette histoire. Notre État en a les moyens et nous citoyens, attendons de nos autorités une volonté avérée de promouvoir la justice en toute circonstance.
Le choix remarquable du colonel
Le colonel a choisi comme médium le livre et il en a écrit deux. Un fait loin d'être anodin, qui semble échapper à ceux qui s'empressent d'avancer à travers les médias des réponses réprobatrices. Le livre, à la différence d'autres moyens couramment utilisés pour dénoncer de tels actes dans les institutions et milieux professionnels, a la faculté technique de prolonger les capacités humaines de communication au-delà de l'espace et du temps. Les autorités auraient par conséquent tort aujourd'hui de choisir la censure, et s'attaquer ainsi impertinemment au droit à la libre expression et à l'édition.
Le colonel est déjà entré dans l'histoire du Sénégal. Un exemplaire de ses livres est sûrement déjà archivé dans une douzaine de lieux appartenant à la bibliothèque nationale de France où, son éditeur en aurait fait un dépôt légal. Ce qui nous garantit que dans des dizaines ou centaines d'années à venir, nos descendants pourront étudier en toute objectivité ce qui est arrivé chez eux dans les années 2000, sous le règne des présidents Wade et Sall. Alors autant leur léguer des actes didactiques dont ils seraient fiers, en privilégiant la pertinence dans la réponse à inscrire à cette page de l'histoire.
Rien de toute façon ne peut laver les soupçons qui pèsent sur le général Abdoulaye Fall, ancien Haut commandant de la gendarmerie, et nul ne peut l'en disculper mieux que lui-même, prenant sa défense dans le cadre d'une confrontation judiciaire indubitablement équitable.
La rupture tient là de quoi se mettre sous la dent
La sincérité des autorités se joue là. Au niveau des populations la discussion ne tourne pas autour de l'éthique professionnelle théorique. Elle est pratique et passionnée— un camp dit : «le colonel sera sacqué parce que rien n'a changé avec l'avènement du nouveau régime, tous les mêmes» ; l'autre de se défendre : «il y aura bel et bien cette fois-ci une investigation sérieuse des faits, suivie de sanctions justes, parce que rien n'est plus comme avant depuis la rupture impulsée par le nouveau Président». D'où sévir sur n'importe lequel des antagonistes sans investigations impartiales n'est pas une option pour les autorités.
Il n'est pas question pour eux d'envoyer un message d'invite à la délation tous azimuts au personnel des institutions de la République, en sanctionnant le général sans au préalable astreindre le colonel à prouver ses allégations sous peine de subir de lourdes conséquences. Non plus n'est-il question d'un message qui laisse penser que le devoir de réserve est un principe sacro-saint qui couvre les autorités supérieures coupables de prévarications, que tout subalterne doit se tenir pour dit.
La cohérence politique voudrait que ceux qui prônent la rupture, traitent une telle situation de manière à ce que tous les citoyens épris d'un ordre nouveau plus pertinent, juste et équitable s'y retrouvent. Nous nous retrouvons avec cette histoire, dans ces situations conflictuelles où il faut remiser toutes ses prétentions humaines d'être savant et compter plutôt sur la perspicacité, le professionnalisme.
Pour l'heure, soyons tous gendarmes jusqu'à ce que cette affaire soit bien élucidée et que la gendarmerie sénégalaise retrouve ses galons d'élite.