DES CAUSES PROFONDES À L’ORIGINE DE RÉALITÉS TENACES ET INQUIÉTANTES
NOMBREUX CAS DE GROSSESSES ET MARIAGES PRÉCOCES EN MILIEU SCOLAIRE

Vingt pour cent (20%) des accouchements en Casamance concernent les filles âgées de 18 à 19 ans. Ce qui fait que l’écrasante majorité des filles tombe enceinte avant la classe de Terminale. Pas mal d’autres indications ont été données par la responsable de la Santé de la reproduction à la Région médicale de Ziguinchor, qui estime que les causes de grossesses et mariages précoces en milieu scolaire sont profondes et inquiétantes.
Existe-t-il une thérapie miracle aux phénomènes comme les mariages et grossesses précoces, qui gangrènent la région naturelle de la Casamance ? De Bignona à Oussouye en passant par Ziguinchor et sa périphérie, ces cas exponentiels inquiètent les acteurs de l’école et de la santé, interpellent les parents et mobilisent les partenaires du Sénégal.
20% des accouchements concernent les filles de 18 à 19 ans
L’avant-goût de ce qui se passe dans les zones précitées est parti de la région médicale de Ziguinchor où la responsable de la Santé de la reproduction peint un tableau sombre. Une situation qui fait froid dans le dos.
Mariama Sarr Diop regrette qu’au niveau régional, les taux de grossesses et de mariages précoces dans les Cem et lycées dépassent l’entendement. «20% des accouchements concernent les filles de 18 à 19 ans. Dans les lycées, une bonne partie des filles tombe enceinte avant la Terminale», gémit Mme Diop.
Ce qui n’est pas sans conséquences : grossesses nos désirées et difficiles, recrudescence des avortements provoqués avec son corollaire, taux important de mortalité et de morbidité maternelles, cas de fistules obstétricales entre autres...
D’où la nécessité selon Mariama Sarr Diop, d’accentuer le plaidoyer auprès des parents et de sensibiliser davantage les élèves à travers les clubs Evf (Education à la vie familiale). Seulement à propos des parents, le plaidoyer risque de n’être efficace qu’à très long terme, du moins si l’on se fie aux préoccupations de la responsable Sr de la région médicale de Ziguinchor. Mme Diop indique en effet, que dans ces zones, les grossesses précoces sont quasiment banalisées, même si elle précise néanmoins, que c’est selon les communautés et les ethnies.
De la responsabilité des parents
Elle explique que dans certaines communautés (on se garde de les citer pour ne pas stigmatiser), être une adolescente de 14 à 17 ans et avoir un enfant n’est pas mal vu par les parents, qui se chargent volontiers d’élever l’enfant au moment où la maman retourne dans les salles de classe. Il y a même des parents qui réfèrent la fille déjà mère et sans époux, aux services de santé pour l’encourager à se soumettre à la planification familiale, pour ne pas rapprocher ses grossesses.
Des croyances locales vont jusqu’à présenter la fille déjà mère et sans époux, comme celle-là qui a plus de chance de trouver un mari, parce qu’elle a déjà fait ses «preuves», en ayant un enfant «très jeune.»
Naturellement, on ferait vite de jeter la pierre aux parents, mais Mariama Sarr Diop est formelle : «les parents savent que les adolescents pour la plupart, ont une pratique sexuelle très intense, raison pour laquelle, ils les encouragent à recourir à la contraception.» Ce n’est pas bien sûr tous les parents qui le font, mais ceux qui parlent en leur nom n’y voient pas d’inconvénient si c’est seulement la protection de la fille qui est recherchée.
Après avoir reconnu l’acuité des grossesses et mariages précoces en Casamance, Ousmane Diémé et Alpha Barry, respectivement président de l’Association régionale des parents d’élèves de la Casamance et Secrétaire général de l’Association des parents d’élèves et étudiants du Cem de Tété Diadhiou à Ziguinchor assurent qu’il y a un plaidoyer qui est développé.
«On organise des réunions sectorielles dans toutes les écoles pour sensibiliser les parents d’élèves, surtout contre les mariages précoces, mais on les encourage également à discuter avec les enfants sur leur sexualité, parce que c’est important. On leur demande de veiller sur les enfants de 10 à 15 ans si l’on sait que c’est durant cette tranche que l’enfant apprend beaucoup de choses à l’école et dans la rue.
On leur demande aussi de surveiller davantage les enfants qui sont de la 6ème à la 3ème parce qu’ils sont très exposés durant cette phase. On comprend aussi qu’avec la pauvreté, certains d’entre nous donnent leur fille en mariage sans se rendre compte du préjudice qu’ils peuvent causer à la fille», indique Ousmane Diémé.
Alpha Barry va plus loin en déclarant avoir plusieurs fois organisé des séances d’animation en tant que structure, pour inviter les jeunes à mettre des préservatifs au moment de l’acte sexuel, s’ils ne peuvent pas s’abstenir.
Manifestement, ils reconnaissent tous leur impuissance, devant ces phénomènes, avant de solliciter des moyens qui leur permettront en tant que parents d’élèves élus au niveau régional, de sensibiliser davantage leurs pairs qui sont entre Oussouye, Bignona ou encore Ziguinchor.