ETHNICISME NEEDO KO BANDAM, VIOLENCES ET PRÉDATION SOUS MACKY SALL
EXCLUSIF SENEPLUS - En instrumentalisant les liens ethniques et communautaires traditionnellement facteurs de cohésion, le précédent pouvoir a établi un réseau clientéliste permettant le contrôle total de l'appareil d'État

Toute analyse faite, la particularité du système Macky Sall a été une gouvernance mue par l’ignorance, la cupidité et la peur. L’ignorance a développé l’esprit de soumission à l’impérialisme et le mépris des siens, le peuple sénégalais. La cupidité a nourri la prédation inouïe des biens et des ressources et aussi entretenu la peur de tout perdre. Cet état de fragilité psychologique a imprégné toute sa gouvernance orientée vers un seul but, celui de perpétuer cette prédation par le moyen déclaré de « réduire l’opposition à sa plus simple expression » ! Cette conception de la « réduction » est celle de la « négation », de « l’élimination » de l’adversaire politique perçu comme une menace. Une telle conception animée par la crainte de l’adversité se traduit nécessairement sur le terrain politique par le recours à la violence répressive et aux pratiques corruptrices. C’est dans cette direction que le président Macky Sall a cherché sa légitimé et sa cohérence en référence au Needo Ko Bandam, un trait culturel dubBien vivre ensemble, commun aux sociétés apparentées de cette partie de l’Afrique de l’Ouest appelée Sénégambie. Cette valeur d’appartenance identitaire est ici travestie dans un nouveau contexte comme facteur culturel de structuration de son groupe politique. L’objectif est dès le départ pour cette minorité d’accaparer l’appareil d’Etat et d’exercer son contrôle total sur le pays.
Le Needo ko Bandum. Une tradition de Téranga
Le Needo ko Bandum signifie en Pular, « l’homme, c’est sa parenté ». Autrement dit, seule l’appartenance à la même communauté ethnique, parlant la même langue définit l’individu. Cette parenté communautaire est primordiale car elle établit un lien sacré de solidarité entre tous ses membres. Ce lien de dépendance personnelle de l’individu à l’égard des membres de sa famille, de son ethnie et de sa communauté est tout à fait naturel et a constitué la base sociale et affective de la cohésion sociale des communautés africaines dans la longue histoire. La préservation des liens sacrés de cette parenté s’est faite par la gestion des inégalités à travers de puissants et subtils mécanismes de domestication de la violence. La culture de la paix (jàmm) s’est ainsi maintenue depuis des siècles à travers les générations dans la vie des différentes communautés en présence. Ainsi la Téranga (l’hospitalité) et le (Kal) le cousinage à plaisanterie, sont devenus à travers les âges, un patrimoine collectif précieux, un trait essentiel commun de civilisation à ces communautés diverses et apparentées. La sociabilité musulmane sufi des confréries a fortement renforcé cette culture traditionnelle d’unité, de cohésion sociale et de culture de la paix, lorsque à partir du 19é siècle, les confréries ont assuré la réorganisation des sociétés défaites militairement et ont porté l’élan puissant de leur renouveau.
Un montage dans l’imaginaire
La volonté de contrôle total sur le pouvoir d’Etat s’est appuyée sur l’appartenance du groupe dirigeant à la même communauté de langue et de culture qui dans le passé, aurait une suprématie sur les autres. Naturellement, il faut pour cela une terre d’origine ancestrale fondatrice de la légitimation de ce pouvoir, un territoire, un village de naissance. Cet ancrage dans l’espace et le temps conjugués donne un caractère sacré au pouvoir en place. Celui-ci est alors frappé du sceau de l’intemporel et devient par nature un pouvoir fort, non contestable, celui du Roi, Buur Guede ! On assiste ainsi à un reclassement politique des rapports de forces par leur transfert à un niveau purement symbolique, mais avantageux. Il s’effectue un effet de surimposition à la suite duquel le pouvoir d’Etat républicain porte en même temps la figure du royaume imaginaire construit par le Griot. Deux périodes historiques forts éloignées dans le temps et complètement différentes, sont recomposées en une même séquence présente, assurant au clan du président Sall, noyau dirigeant de l’APR, la légitimité historique de sa domination politique sur le pays.
L’instrument politique d’un groupe
Ce mélange implicite et diffus d’émotions et de croyances rétrogrades repose sur une perception floue de l’histoire, un fantasme sur sa propre identité de groupe. Une telle falsification a pour fonction de renforcer l’unité d’appartenance du groupe dirigeant et la légitimité de sa position hégémonique au sein de l’Etat. Cette opération mystificatrice est en même temps une dangereuse auto-aliénation du groupe lui-même et a sa propre décadence inévitable. Elle a en effet enfoncé davantage le pouvoir dans l’aveuglement politique et dans une logique implacable de répression massive des mouvements de contestation. Ainsi une gouvernance prise dans les flux des émotions, pulsions et des présupposés idéologiques, a entrainé la détérioration des fondements institutionnels, juridiques et moraux de la République. Elle a rejeté alors la transparence et les dispositifs consensuels et démocratiques garantis par la Constitution du Sénégal. Pour rester au pouvoir coûte que coûte, le président Macky Sall a encouragé les pratiques de manipulation dont l’ethnicisme Al Pular, au risque de la dislocation du pays. L’ethnicisme Needo Ko Bandam est donc ce lien d’appartenance culturel et linguistique utilisé sciemment pour assoir un clientélisme politique de privilèges et de corruption multiforme. En l’introduisant de manière diffuse et confuse dans la sphère dirigeante de l’Etat, le président Macky Sall et son clan l’on utilisé comme instrument d’efficacité politique, d’organisation et de déploiement opérationnel de l’APR.
Le binôme Macky-Farba
Cette démarche ethniciste dans les rapports politiques a permis de justifier la concentration extrême du pouvoir aux mains d’un groupe restreint. Ce dernier s’est donné la légitimité d’occuper la haute direction politique du pays afin de s’enrichir et de jouir abondamment des biens et privilèges. Le cas du griot de Farba Ngom est très illustratif de cette fabrique de parvenus dont l’APR a été le foyer.
En effet, Farba Ngom a été au cœur de la stratégie, de l’organisation du modèle ethniciste qu’il incarnait lui-même de manière ouverte. Parti de rien de son village natal pour immigrer à Dakar où il a exercé plusieurs petits métiers, il est parvenu à être l’ami et le griot attitré du président Macky Sall et un des principaux animateurs de son parti, l’APR. Personnage très influent, il est devenu très rapidement un puissant homme d’affaires multimilliardaire et ne s’en cachait pas. Ami écouté, griot et bras droit du président, il jouait un rôle clé dans la configuration de la gestion politique ethniciste et politico-affairiste de l'Etat. Une des particularités de ce mode de gouvernance est le binôme formé par le président Macky Sall à la tête de l’Etat, gérant la haute politique et son griot animateur, gérant sur le terrain les réseaux affairistes. Autour de ce binôme tournaient en connexion différents cercles de soutien et de service : les alliés complices de Benno Bok Yakaar, certains responsables de la haute administration, des finances et du contrôle territorial, des marabouts et des griots influents, des commerçants importateurs, des quotataires, des gens du business privé, de nombreux courtisans, des journalistes et hommes de main à solde. Une telle structuration de gouvernance politique et de compromission affairiste et clientéliste a permis leur hégémonie chaotique sur le pays pendant douze ans. En effet, le président Macky Sall s’est appuyé sur les moyens de l’Etat pour exercer un acharnement sur le Pastef, son leader, ses cadres, sur la jeunesse et les populations, exerçant violences psychologique et morale, manipulations judiciaires, procès arbitraires, emprisonnements, tortures et tueries de manifestants. Tout cela dans une ambiance d’arrogance de certains membres du « cercle Al Pular » envers les opposants.
Le cercle Al Pular
En effet, pour assurer l’hégémonie politique du groupe dirigeant, le président Macky Sall a mis en place un dispositif institutionnel de nominations aux postes stratégiques de l’Etat. Ce maillage administratif assurait un contrôle politique stratégique à caractère ethnique Al Pular au cœur même de la gouvernance de l’Etat. C’est ainsi que de nombreux postes de décision, de contrôle et de sécurité au plus haut niveau de l’Etat ont été confiés à des responsables de l’APR originaires du Fuuta ou d’appartenance Al Pular. Ce mode d’organisation clanique reposait au plan économique sur la cooptation et la promotion d’éléments incompétents, mais rusés et efficaces dans le fonctionnement des réseaux affairistes d’enrichissement facile et rapide. L’économie du pays était ainsi sous l’emprise de trois catégories constituées par : - l’attelage d’hommes d’affaires milliardaires, industriels, chefs d’entreprises, banquiers, en particulier du régime libéral précédant, - des hauts fonctionnaires corrompus de l’administration bureaucratique classique en place depuis le président Senghor, et - des gens de la débrouillardise, issus des milieux précaires et des trafics illicites de tout genre qui ont prospéré à la faveur d’une économie mondiale de réseaux financiers et de trafics de tout genre. De cet ensemble composite, certains ont été promus et se sont retrouvés en connexion dans les instantes influentes de l’APR, sous la Direction du président Sall et de son griot Farba Ngom.
L’appareil APR
L’Alliance pour la République, APR garantissait - l’efficacité des pratiques de contrôle absolu du chef sur les membres du clan, -l’enrichissement scandaleux de ces derniers et la garantie de leur impunité, - la corruption organisée de tous les segments des élites du pays, - l’encadrement de la violence répressive sur l’opposition et les manifestants. Une telle structure renforce le pouvoir redoutable du Maitre sur les membres du clan, en contrepartie d’avantages de protection, de promotion et de possibilités ouvertes d’enrichissement personnel. Le Needo ko Bandam est somme toute un dérivé local du mode d’organisation caractéristique de la mafia, sans le code d’honneur de celle-ci.
Autour du président et du cercle Al Pular ont gravité des personnages troubles, souvent issus de nul part, courtisans, démarcheurs, nervis, prostituées, passeurs et aventuriers de tout bord. Ces arrivistes ignorants et arrogants promus au sein de l’APR se sont très vite immensément enrichis et ont renforcé la culture de la violence pour préserver leurs privilèges et le système lui-même. En effet, tous n’avaient qu’une seule patrie : le monde glauque de l’argent, celui des milliards, de milliers de milliards amassés, détournés, blanchis ! Il leur fallait avoir le contrôle de tous les leviers institutionnels de l’Etat pour s’accaparer impunément des biens et brader les ressources du pays. Ce réseau sélectif ethniciste et mafieux en connexion à de puissants intérêts étrangers, opérait dans tous les secteurs de l’Etat, de l’économie et du commerce par des pratiques de corruption, falsification et dissimulation.
Le favoritisme prévalait selon les proximités avec le cercle, s’agissant des recrutements et des promotions, de l’octroi des avantages et prébendes, des deals sur les marchés publics, le foncier, les patrimoines de l’Etat, les ressources minières, etc. Tout cela servait à consolider au détriment de la République, le pouvoir affairiste d’un clan, d’une famille et de nombreux lobbies. Ainsi, l’ethnicisme ambiant sous le régime du président Macky Sall a renforcé la cupidité avec laquelle un petit nombre a dépossédé le pays de ses biens, spolié ses richesses et marché sur des corps juvéniles fauchés par les balles, inertes, avec le drapeau du Sénégal entre les mains.
Ostracisme et pulsions de mort
Le gouvernement du président Macky Sall a même pratiqué un ostracisme ethniciste à l’égard de la région de la Casamance en bloquant délibérément les activités économiques et le commerce avec le reste du pays, cela pendant de longs mois. Ce fut une manière de punir les communautés et la jeunesse acquises au projet de Ousmane Sonko et conquises par son leadership. Cette répression contre la région fut un acte véritable de trahison de la Nation ! Le Neddo Ko Bandam imprégnait les rapports politiques, mais par sa nature fluide-obscure, son caractère ethno-raciste implicite ne pouvait s’exprimer au grand jour. Il n’avait pas la dignité d’une idéologie, n’en avait ni les capacités, ni les arguments, ni la raison morale, ni même le courage. C’est peut-être pour cela, qu’elle s’est rétractée, confinée à l’intérieur d’elle-même, nourrie de ses propres démons : l’ignorance, la cupidité et la haine. Mais l’intensification du conflit politique et les confrontations sur le terrain ont poussé le président Macky Sall à recourir pour se maintenir, à son fort penchant psychique, la « réduction » : procéder à des emprisonnements massifs, aux tortures et tueries. Les pulsions de mort ont donc explosé dans les maillons extrémistes du cercle dirigeant, les poussant à organiser la répression contre le peuple, recrutant des nervis mêlés aux Forces de Défense et de Sécurité, FDS. Certains cadres et militants, députés, journalistes, « insulteurs » du camp de l’APR, ont même publiquement appelé au meurtre des dirigeants de l’opposition patriotique, sans jamais être inquiétés. Le régime du président Macky Sall a laissé ainsi librement se développer une culture de la haine et de la criminalité politique dans le pays. Certains ont appelé cela « un gangstérisme d’Etat » !
Le Bloc de résistance
Cependant face à cela et aux manœuvres de division ethniciste, régionaliste et aux manipulations d’accusation de terrorisme, les dirigeants du Pastef et le peuple dans son ensemble, ont fait preuve de grande responsabilité et d’esprit citoyen, en restant focus sur les objectifs de la victoire électorale démocratique, préservant ainsi l’unité du pays et la cohésion sociale. Les communautés elles, dans leur diversité culturelle, religieuse confessionnelle, s’en sont toujours tenues au respect du pacte ancestral de paix et de solidarité entre elles. Dans tous les cas, les armatures communautaires, lignagères, familiales et les héritages spirituels du bien vivre ensemble ont constitué et restent des remparts à toute tentative de division et de séparatisme au Sénégal. L’échec de l’expérience du MFDC est à cet égard édifiant, de même celui du projet ethniciste Needo Ko Bandam qui s’est effondré. Aujourd’hui l’engagement citoyen et panafricaniste de jeunesse sénégalaise constitue une puissante force contre tout mouvement ou idéologie prônant l’obscurantisme séparatiste. Désormais la réunification politique du continent pour l’abondance, la puissance et le rayonnement est le vaste horizon de ses rêves et de son engagement.
La transition révolutionnaire
Le cauchemar semble fini à présent, bien que se prolongent encore des attaques répétées dangereuses contre le nouveau pouvoir et les institutions. C’est une logique propre à toute situation de transition. Les forces centrifuges du régime déchu appuyées sur des réseaux de soutien extérieurs, s’organisent pour saper les ruptures salutaires mises en œuvre. Le peuple et ses dirigeants doivent faire face aux actes sabotage, de désinformation et de déstabilisation à tous les niveaux. La transition politique est complexe avec ses défis et ses promesses de grands succès. Elle exige des taches théoriques, celles de renforcer les nouveaux paradigmes de rupture conceptuelle et éthique, conditions de la reprise de l’initiative historique. Elle exige particulièrement à la direction politique et stratégique du Pastef de mener à bien les taches suivantes :- une révolution culturelle, linguistique et pédagogique qui puise dans le génie culturel du peuple et potentiel subversif de ses traditions, - une intelligence collective dans la direction politique stratégique du pays,- une sécurisation de la révolution et de ses dirigeants,- une mobilisation politique des masses,- une économie productive moderne d’abondance,- une politique des égalités sociales et territoriales,- une stratégie de souveraineté politique régionale et panafricaine. Ces conditions parmi d’autres, exigent chacune des politiques adaptées dont -la formation politique et idéologique des cadres et militants dans les pures traditions des résistances africaines, et des expériences révolutionnaires dans le monde,- la communication permanente avec les masses pour leur éveil de conscience élevé, - la montée en puissance de la jeunesse sur les lignes de front de l’expertise scientifique et de l’innovation technologique de pointe,- une refonte profonde de l’Administration et des Académies scientifiques, enfin et surtout la mobilisation des intellectuels et savants, des artistes, architectes, ingénieurs et créateurs dans la préfiguration du nouveau monde à naitre.