OUI, LE DIABETIQUE JEUNE, MAIS…
Selon Dr Abdoul Aziz Ly, Endocrinologue, Diabétologue, Nutritionniste, Spécialiste des Maladies Métaboliques, Médecine Interne Hôpital Tivaouane, le jeûne chez le diabétique est possible, mais cela peut être source de complications sévères.
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Selon Dr Abdoul Aziz Ly, Endocrinologue, Diabétologue, Nutritionniste, Spécialiste des Maladies Métaboliques, Médecine Interne Hôpital Tivaouane, le jeûne chez le diabétique est possible, mais cela peut être source de complications sévères. Selon lui, il doit être programmé et encadré et cela passe par une consultation pré-Ramadan où le risque pourra être évalué et une éducation thérapeutique dispensée en vue d’un Ramadan sécurisé. La prise en charge du diabétique jeûneur doit être multidisciplinaire, regroupant le diabétologue, le diététicien, le nutritionniste et le malade au centre.
La communauté musulmane démarre le Ramadan, l’un des cinq piliers de la religion islamique, pendant un mois saint durant lequel le jeûne doit être observé du lever au coucher du soleil. Ce calendrier étant lunaire, la période d’abstinence de boire et de manger, varie de 10h à 20h par jour, selon la région géographique.
Face à̀ cette restriction, plusieurs modifications de l’organisme sont nécessaire, selon Dr Ly Abdoul Aziz, Endocrinologue, Diabétologue, Nutritionniste, Spécialiste des Maladies Métaboliques et Médecine Interne à l’hôpital de Tivaouane, pour s’adapter et continuer à exercer son rôle. Dans le cadre du diabète, il a estimé que la majorité́ des personnes vivant avec cette maladie peuvent en être exemptées. Cependant, beaucoup de personnes choisissent de jeuner et parfois contrairement aux conseils médicaux. Le diabétique désirant observer ce rituel devra être éduqué, évalué, accompagné et même parfois dissuadé pour son bienêtre, prévient le Diabétologue.
DIABETE ET RAMADAN
Le jeûne n’est pas recommandé́ pour tout le monde, en l’occurrence pour les personnes atteintes d’un problème de santé. Selon Dr Ly, en 2019, le nombre de personnes atteintes de diabète dans le monde était estimé ̀a 463 millions, avec une augmentation de 51% (700 millions) prévue d’ici 2045. Le nombre de personnes atteintes de diabète dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une région où la plus grande proportion des habitants est musulmane, devrait plus que doubler d’ici 2045. Une augmentation similaire est prévue dans le Sud et à l’Est de l’Asie, une autre région où prédomine l’Islam. Le Ramadan est largement observé dans le monde entier. Il a rajouté qu’une récente enquête menée dans 39 pays sur 38.000 musulmans ; 93 % ont déclaré́ jeûner pendant le Ramadan. L’étude EPIDIAR sur le diabète et le Ramadan (Epidemiology of Diabetes and Ramadan) réalisée en 2001 a révélé́ aussi que 42,8% des personnes atteintes de diabète de type 1 et 78,7% des diabétiques de type 2 jeûnaient pendant au moins 15 jours durant le Ramadan.
De même, l’étude CREED de 2010 a rapporté́ que 94,2% des participants atteints de diabète de type 2 ont jeûné pendant au moins 15 jours et 63,6% tous les jours du Ramadan. Plus récemment, l’étude DAR-MENA (Diabète et Ramadan – Moyen_Orient et Afrique du Nord), sur le diabète de type 2, a révélé́ que 86% des participants jeûnaient pendant au moins 15 jours.
Au Sénégal, en 2023, dans une étude menée à l’hôpital Abass Ndao, 52,1% avaient jeûné tout le mois. Il est donc clair que le jeûne du Ramadan est une pratique très importante et a un impact majeur sur la prise en charge du diabète dans la population musulmane ; d’où̀ l’intérêt d’une bonne éducation thérapeutique, souligne Dr Ly.
CONSULTATION PRE - RAMADAN
Pour Dr Ly, une évaluation préalable avant le Ramadan doit idéalement avoir lieu 6 à8 semaines avant le début du Ramadan. Ici, les soignants pourront obtenir un historique médical détaillé́ et effectuer une évaluation des risques. Cette évaluation se base, selon le médecin, sur les recommandations émises par les sociétés savantes. Elles comprennent des conseils sur la sécurité́ du jeûne avec des scores de risque faible ou modéré́ ou enlevé́, des stratégies pour modifier la dose et le régime de traitement. Les principaux objectifs d’une visite pré-Ramadan sont, selon le spécialiste, l’éducation axée sur le Ramadan et des conseils en matière de nutrition. Par la suite, les personnes qui décident de jeûner devront suivre des directives sur la gestion de leur diabète pendant le Ramadan, y compris les changements à la glycémie. Surveiller les horaires et ajuster la posologie des médicaments. Enfin, après la fin du Ramadan, il soutient qu’il est conseillé́d’effectuer un suivi post Ramadan. Un suivi après le ramadan aidera les soignants à obtenir des renseignements cruciaux sur les succès et les défis de la personne pendant le Ramadan et fera en sorte que le Ramadan de l’année suivante puisse être plus efficace. Ce processus doit être entrepris avant chaque mois de Ramadan, car le jeûne réussit d’une année ne garantit pas le succès de l’année suivante.
BIENFAITS DU RAMADAN SUR LE DIABETE
A en croire Dr Ly, une méta-analyse récente de 70 études a examiné́ certains des changements physiques qui peuvent survenir à la suite du jeûne pendant le Ramadan. «On a constaté́ que le poids était significativement réduit après le Ramadan et cet effet a également été́ observé chez différents sous-groupes de l’indice de masse corporelle normal, en surpoids et obèse. En outre, on a constaté́ que la perte de poids pouvait être transitoire, les périodes pré-Ramadan revenant environ 2 à5 semaines après le Ramadan» a-t-il renseigné.
COMPLICATION CHEZ LE JEUNEUR DIABETIQUE
Le jeûne pendant le Ramadan, pour les personnes atteintes de diabète, comporte des risques considérables, malgré que beaucoup d’entre elles insistent encore à jeûner. Le Diabétologue de l’hôpital de Tuvaluane relève que les principales complications durant le jeûne sont l’hypoglycémie et l’hyperglycémie. «Les périodes de jeûne estivales peuvent durer entre 15 et 18 heures par jour et sont souvent effectuées dans des conditions chaudes et humides qui peuvent entrainer des complications, comme la déshydratation» a-t-il fait savoir. Et d’ajouter : «récemment, l’étude sur le diabète de type 1 menée par Diabetes and Ramadan - Middle East and North Africa (DAR-MENA) a révélé́ que 48,5% des participants jeûnaient pendant tout le mois du Ramadan. L’incidence des hypoglycémies confirmées et graves était semblable ̀à celle de la période précédant le Ramadan. Dans l’étude DARMENA sur le diabète de type 2, il a été́ démontré que l’hypoglycémie augmentait significativement pendant le Ramadan, par rapport ̀à avant le Ramadan, 10,4% - 4,9% respectivement».
ACTIVITE PHYSIQUE ET RAMADAN
Il est conseillé́ de maintenir un niveau d’activité́physique raisonnable pendant le jeûne du Ramadan, en évitant les activités intenses dans les heures précédant le coucher du soleil, lorsqu’une hypoglycémie est plus probable. Encourager une activité́ physique adaptée après la rupture du jeûne, en assurant un apport hydrique suffisant. Les prières multiples de «tarawikh» (surérogatoires ou «nawafil») seront comptabilisées dans l’activité́ physique.
PLAN NUTRITIONNEL DU RAMADAN POUR DIABE TIQUE
Selon le médecin nutritionniste, Dr Ly, il est conseillé pour les diabétiques jeûneurs, la consommation d’une quantité́ adéquate de calories quotidiennes. «Les calories doivent être réparties entre le «Suhoor» («kheudd» avant l’aube, ndrl) et l’«Iftar» (rupture au coucher du soleil, ndlr), et 1 à 2 collations saines peuvent également être consommées si nécessaire». Revenant sur les repas, il a estimé qu’ils doivent être bien équilibrés, avec des glucides totaux comprenant environ 40 à50% et de préférence d’une source de faible IG ; la teneur en protéines, dont les légumineuses, poisson, volaille ou viande maigre, doit représenter 20 à 30% ; et les graisses doivent comprendre 30 à35%. Les graisses saturées devraient être limitées à moins de 10% de l’apport calorique quotidien total. La méthode de «l’assiette du Ramadan» devrait être utilisée pour concevoir les repas. Et les desserts à forte teneur en sucre devraient être évités après l’«Iftar» (rupture) et entre les repas. Une quantité́ modérée de dessert sain est autorisée, par exemple un morceau de fruit. Quant aux glucides, ceux à faible indice d’IG devraient être choisis, en particulier ceux qui sont riches en fibres de préférence les grains entiers. La consommation de glucides provenant dès légumes cuits et crus, des fruits entiers, du yogourt, du lait et des produits laitiers est encouragée. Par contre, la consommation de glucides provenant du sucre et des céréales hautement transformées dont farine de blé́ et amidon comme le maïs, le riz blanc et les pommes de terre devrait être évitée ou réduite au minimum.
Le médecin déclare aussi qu’il est essentiel de maintenir un niveau d’hydratation adéquat, en buvant suffisamment d’eau et de boissons non sucrées aux deux repas principaux ou entre les deux, et il faut l’encourager. Il faut cependant éviter les boissons sucrées, les sirops, les jus en conserve ou les jus frais avec sucre ajouté. La consommation de boissons caféines comme café́, thé ainsi que les boissons au cola doivent être minimisées car elles agissent comme des diurétiques pouvant entrainer une déshydratation. «Prenez Suhoor («kheudd» en wolof, ndlr) aussi tard que possible, surtout si vous jeunez pendant plus de 10 heures. Consommez une quantité́ adéquate de protéines et de matières grasses chez Suhoor, car les aliments qui contiennent des niveaux plus élevés de ces macronutriments et des niveaux plus faibles de glucides ont généralement une plus grande capacité́ satiétogène», souligne Dr Ly. Et d’attester : « L’Iftar (la rupture, nldr) doit commencer par beaucoup d’eau, pour surmonter la déshydratation du jeûne, et 1 à 3 petites dattes séchées ou fraiches pour augmenter les niveaux de glucose dans le sang». Pour Dr Ly, si nécessaire, une collation plus saine comme un fruit, une poignée de noix ou des légumes peut être consommée entre les repas. «En général, chaque collation devrait avoir entre 100 et 200 calories, mais cela peut être plus élevé́ selon les besoins caloriques de l’individu. Certains individus peuvent avoir un goûter (goûter d’«Iftar») pour rompre leur jeûne, suivi de la prière du Maghrib (prière de coucher du soleil, ndlr), puis manger le repas d’Iftar plus tard dans la soirée», conseille-t-il.
SURVEILLANCE
Le jeûne doit être rompu en cas de signes d’hypoglycémie et si la glycémie est inferieure à0,7 g/l ou supérieure à3g/l. En fonction du degré́ de risque, la surveillance devra être adaptée, insiste Dr Abdoul Aziz Ly.