FIN DE BUSINESS AUTOUR DU FOOT DANS LES RESTOS ET CAFÉS
SAISON TERMINÉE EN EUROPE
Écrans géants, wifi offert, groupes électrogènes… Voilà des éléments que de plus en plus de cafés et restaurants aménagent dans leurs places pour attirer les passionnés de foot et faire prospérer leurs business. Leurs chiffres d’affaires, qui montent sensiblement pendant les matches, va sans doute subir un coup avec la fin des championnats européens. Reportage dans quelques palaces de Dakar…
La saison 2014-2015 du football européen est bien finie. Une belle boucle pour le FC Barcelone qui a soulevé la Coupe aux grandes oreilles. Et naturellement, les Blaugrana ont fêté leur trophée comme il se doit. Des cris de joie qui ont fait trembler le stade de Berlin (en Allemagne) à la fête achevée lundi au stade Camp Nou, en passant par l’accueil à l’aéroport et la parade dans la ville de Barcelone… le club espagnol a nagé dans le bonheur total.
Tout le contraire pour son adversaire de samedi dernier en finale de la Ligue des champions. Battus (3-1), les joueurs de la Juventus de Turin ont affiché des visages très tristes. Entre la déception du coach Massimo Allegri et les larmes d’Andrea Pirlo, Paul Pogba… le désarroi des Italiens était très expressif.
Mais cette défaite, surtout cette fin, ne fait pas de malheureux qu’en Italie. En plus des fans africains des Bianconeri (les noir et blanc), les propriétaires de bar, restaurant et café au Sénégal vont aussi être tristes. La fin de la saison va avoir un impact sur leurs affaires. Même si la plupart d’entre eux ne veulent pas donner des chiffres. "On réalise une moyenne de 500 000 F Cfa en jour ordinaire tandis que les jours de foot, ce montant augmente sensiblement", avoue Frédéric, gérant du Bazof, avec assurance. Il ajoute : "La possibilité d'offrir les matchs de football aux clients est un plus commercial non négligeable".
Tout pour attirer du monde
Coupe du Monde, Coupes d’Afrique, championnats européens ou Ligue des champions occupent désormais une grande place dans l'offre de service des restaurants, clubs ou cafés de Dakar. L'idée est d’augmenter son chiffre d’affaires en attirant des "amis" ou "adversaires" d'un soir qui veulent vivre une ambiance fun autour du foot. C’est le cas de l’étudiant Mamadou Oury Diallo, trouvé au Swiss Palace du Point E. "Je suis un habitué du lieu parce qu’il y a de l’ambiance. C’est un plaisir de regarder les matchs ici, entouré de mes amis", soutient-il chicha à la main.
La plupart des clients sont étrangers : Tchadiens, Maghrébins ou encore Guinéens… Rien que leur accoutrement montre qu’ils sont des fanatiques : baskets, maillots des grandes équipes européennes avec parfois le nom de leur star préférée floquée derrière. Pour le gérant du restaurant, Mohamed, de nouveaux visages arrivent quand il y a un grand match.
À l’image de l’affiche Paris-Chelsea du mardi 17 février comptant pour les 8es de finale aller de la Ligue des champions. L'endroit s’est rempli 20 minutes avant le début du match. Par petits groupes ou individuellement, ils viennent se mettre en "condition". Dès le coup d'envoi, les regards sont tournés vers l’écran fixé sur le mur.
Les commentaires ne manquent pas. Des hurlements fusent lorsque le gardien de but de Chelsea arrête le coup de tête de Matuidi. Deux minutes plus tard, c’est Chelsea qui ouvre le score. La joie des "Anglais" contraste avec la tristesse des "Parisiens". C'est le moment pour certains de passer la commande, les yeux toujours rivés sur l’écran. Les jeunes serveuses essayent tant bien que mal d'être à l'écoute des clients dans ce désordre et ce brouhaha indescriptibles. On se croirait au marché ou à la foire.
Mercredi 18, 2e journée des 8es de finale. Les Allemands de Schalke 04 défient les Espagnols du Real Madrid. L'Archibar, dans le centre-ville de Dakar, refuse du monde. Teint noir, petit de taille, Mehdi Camara est un habitué des lieux. Il est supporter merengue. "Nous venons uniquement pour suivre la Ligue des champions ou les différents championnats européens parce qu’il y a de l’ambiance et le coin est propre", dit-il au milieu de ses deux amis.
Ici, le propriétaire fait tout pour attirer des clients et faire prospérer ses affaires. Un projecteur permet de voir sur tout le long du mur le match en grand format. Comme au cinéma. Les images sont claires et le son est limpide. Certains clients font face au barman pour se faire servir. La chicha est remplacée par la cigarette.
Quatre personnes de type occidental sont à fond concentrées sur le match, des bouteilles de vin à leur table. L’un d’entre eux, habillé en Tee-shirt et en short, tente de distraire ses amis avec une vidéo qui se trouve dans son téléphone portable tout en jetant de temps à autre un coup d'œil furtif vers l'écran géant. Une occasion ratée du joueur madrilène, Gareth Bale, les replonge tous dans le match. Tout geste technique raté ou réussi est motif pour chambrer son voisin de table.
Ambiance ! Le mot est lâché. La plupart des clients laissent leurs téléviseurs à la maison pour changer d'air et vivre autrement les soirées Ligue des champions. De plus, des serveuses au barman, tous se mettent en mode "football" pour satisfaire les nombreux clients les jours de matchs. "Il y a plus de monde quand les rencontres sont importantes", souffle Saïd, le gérant de l'Archibar… le deuxième but du Real Madrid (80e) l’interrompt.
A l’abri des délestages
Autre endroit, autre ambiance : Nous sommes au Bazof, non loin de l'avenue Bourguiba. L’ambiance est chic. Trois téléviseurs extra-plats, une à chaque pan de mur, font face au bar. L'endroit idéal pour regarder un match de football. Les clients assez nombreux ont l'air concentrés devant le spectacle. En réalité, ce n'est qu'une impression.
"Aujourd'hui, il y a plus d'habitués des lieux que de férus du ballon rond, renseigne Frédéric le gérant. Il fallait venir pendant la CAN, là oui, il y avait du monde pour regarder les matchs". Abdou Joseph, verre à la main, acquiesce. Lui qui suit le foot par intermittence, se sent dans sa maison : "Hier, lors du PSG-Chelsea, il y avait plus de clients, les Sénégalais sont très francophiles et donc suivent davantage les équipes françaises." "Le premier jour du carême explique sans doute le peu de clients-foot ce soir", souligne Bass, employé du lieu.
Jean Paul et Demba font partie des clients. Ils viennent tous les jours surtout pour "prendre du bon temps" et se "vider l'esprit" après une dure journée de travail. Seul, dans son coin, André regarde le match, il est madrilène à vue d'œil avec son maillot blanc. Son saut brusque et ses cris de joie viennent confirmer ce qui n'était au départ que soupçon lorsque Ronaldo trouve le chemin des filets. Il est venu au Bazof spécialement pour le match et attend deux autres amis avec qui il doit suivre la soirée foot.
D'ailleurs, ces derniers ne tardent pas à arriver. Ils ont raté la première mi-temps mais semblent ravis de constater que leur équipe mène et domine les débats. "Nous sommes ici exceptionnellement parce qu'on a peur que les délestages nous privent de ce match", lance André.
"On paye le prix du billet par une boisson"
Ces soirées-foot sont donc attendues par les propriétaires parce qu’elles remplissent les caisses. Si Mohamed du Swiss Palace dit seulement faire un bon chiffre, Saïd gérant de l'Archibar, lui, préfère sourire et se frotter les mains, en guise de réponse. Cela en dit long…Tous l'avouent mais restent évasifs sur les chiffres.
Avec une consommation entre 1000 et 2000 F Cfa, toute personne peut suivre tranquillement toute la partie. C’est le cas d’André et de ses amis : "C’est comme au cinéma, on paye le prix du billet par une boisson et on a notre match". Et le propriétaire se frotte les mains.