ILLÉGITIMITÉ POLITIQUE ET LÉGITIMITÉ MÉDIATIQUE
C’est une technique éprouvée en politique, celle dite de la Carte postale. Le but consiste à en poster une par jour de sorte à occuper les médias et à être omniprésent dans l’espace public.
Beaucoup d’hommes politiques ont adopté cette technique. Ils n’ont pas l’envergure politique requise pour acquérir la légitimité qui va avec, ils n’ont ni de fief politique ni la confiance de leurs concitoyens, mais ils savent contourner le système.
Il suffit, pour ce faire, de solides amitiés journalistiques, se faire interroger sur tout et sur rien, donner son avis sur des questions que l’on ne maîtrise pas forcément, se faire inviter à la télé et s’attacher à souffler la réussite.
Dans son ouvrage « Gouverner, c’est paraître », Jean-Marie Cotteret explique les raisons de cette attitude. « Pour réussir en politique », écrit-il, « il faut faire partie des plus apparents. L’élection n’est plus la seule source de légitimité des hommes politiques au pouvoir.
Ceux qui possèdent l’aptitude à communiquer, la maîtrise des moyens audiovisuels, bénéficient d’une autorité sans égale : Le pouvoir appartient aux plus apparents ».
Dans nos démocraties qui relèvent, le plus souvent, d’un régime représentatif, la légitimité politique est d’abord une légitimité électorale. Le pouvoir est, avant tout, pour ceux qui sont régulièrement élus.
Dès lors que l’on a été choisi par ses concitoyens, à l’échelle nationale (président de la République, député, sénateur) ou à l’échelle de la ville ou de la région (élus locaux), l’on dispose d’une légitimité politique très forte pour parler et agir, pour soi et pour les autres, dans l’espace public.
C’est cette légitimité qui fonde le statut de médiateur des hommes politiques. Ils ont la confiance des citoyens qu’ils représentent.
Cette légitimité politique est souvent usurpée par des politiciens, habiles rhéteurs, qui parlent « au nom des Sénégalais » tout en poursuivant des objectifs bassement alimentaires. Chez nous, la mode est aux mouvements politiques, de sinueuses voies de contournement politiques pour rejoindre le pouvoir et éviter l’étiquette de transhumant.
Mouvements à l’audience confidentielle qui guettent la moindre décision du président de la République pour se répandre dans les médias et applaudir bruyamment des mains, des pieds, de la langue et de la tête. Les responsables de ces mouvements politiques visent une autre légitimité : celle que Cotteret appelle « la légitimité cathodique ».
Elle se nourrit des médias pour entretenir l’illusion d’une représentativité. Les plus malins l’utilisent à leur profit. Ils manipulent les médias pour obtenir des avantages qu’ils seraient incapables d’acquérir par des voies traditionnelles.
L’exemple qui nous vient à l’esprit est celui de cet ancien porteparole de Wade, ancien du Ps, de l’Urd et du Pr de Agne, candidat de diversion à la candidature du Pds à la prochaine présidentielle devenu subitement contempteur de son parti.
Il n’a ni fief politique ni représentativité élective, et le mouvement politique qu’il vient de mettre sur pied ne vise rien de moins qu’une place de choix dans la proximité du président Macky Sall.
Un des cerveaux de l’Idewa (Initiative pour le départ de Wade), il refuse à l’opposition actuelle le droit de se constituer en alternative au pouvoir actuel. Sourire. Il jure qu’il ne fera rien pour « faire revenir un candidat du Pds au pouvoir ».
Rires. A-t-il une seule fois porté quelqu’un au pouvoir ? Le voilà, pourtant, qui théorise une alliance entre Macky Sall, Karim Wade et Malick Gackou. Cette fois, le sourire se crispe. Rictus. Un célèbre homme politique sénégalais disait à un groupe de presse de la place : « Parlez de moi, en bien ou en mal, mais parlez de moi ».
Il a raison, cela lui permet d’exister. Pour autant, certains politiciens méritent-ils vraiment qu’on parle d’eux pour tromper l’opinion et entretenir l’illusion ?