VIDEOINTERDIT AUX MOINS DE 18 ANS !
PROCÈS DU CARLTON : POUVOIR, ARGENT ET SEXE
(SenePlus.Com, Dakar) - Interdit aux moins de 18 ans ! Cet avertissement est de rigueur avant de plonger au fond du procès du Carlton où le champ lexical de la sexualité est exploré dans ses moindres détails et sans gants : fellations, sodomies, pénétrations vaginales…
L’audience s’est ouverte mardi à Lille. D’un côté des prostituées ; de l’autre des hommes d’âge mûr et, surtout, d’influence. Les plus célèbres : Fabrice Paszkowski, entrepreneur du Pas-de-Calais, David Roquet, ex-directeur d’une filiale d’Eiffage, Jean-Christophe Lagarde, ex-commissaire de police et, le plus gros morceau, Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur général du Fmi.
Les prévenus sont poursuivis pour proxénétisme aggravé. Les faits qui leur sont reprochés ayant été commis, selon l’accusation, en bande organisée.
Mais selon le journal français Libération, ce n’est pas que le procès de DSK qui s’est ouvert ce mardi dans le Nord de la France. "Ce n’est pas seulement le procès de la prostitution, cette ‘activité’ aux contours juridiques extrêmement flous qui permet à beaucoup de s’enrichir sur le corps. C’est aussi le procès de la société, et donc de chacun d’entre nous", défend l’éditorialiste de Libé Alexandra Schwartzbrod.
Qui développe : "Car ces femmes meurtries qui témoignent en pleurant, nous savons qu’elles existent à Lille, Lyon, Marseille, Paris ou ailleurs, partout où se trouvent des hommes de pouvoir et aussi des hommes ordinaires. Nous les côtoyons, nous les croisons, en détournant le regard parfois."
En dehors de Béatrice Legrain, la compagne du proxénète belge Dominique Alderweireld, qui "aime ça", toutes les prostituées du procès du Carlton affirment avoir pris ce chemin par nécessité. Destins brisés pour les unes, difficultés financières pour les autres.
Jade est la plus connue. Grande, mince, casque de cheveux auburn pour cacher son visage. Elle a été payée 500 euros (327 500 francs Cfa) pour une "partie fine" avec DSK en 2009 dans un club échangiste belge. À la barre, rapporte Libé, elle raconte comment elle a basculé : "Je venais de me séparer. Je devais beaucoup d’argent. J’étais seule avec mes enfants. Un jour, j’ai ouvert mon frigo, j’ai vu qu’il était presque vide, je savais que j’allais avoir une enquête sociale." Et paf !
Septième d’une fratrie de neuf, M. a subi une agression sexuelle d’un de ses frères avant d’être vendue à 20 ans par sa famille à un ministre des Émirats arabes unis. Fuite. Prostitution. Elle arrête avant de replonger, sept ans plus tard, à la suite de sa rencontre avec l’avocat Emmanuel Rigiaire, un des prévenus. "Gros ennuis d’argent", à l’époque. "Si je n’avais pas eu de problème d’argent, je n’aurai jamais fait ça", se défend-t-elle à la barre.
Laura. En pleurs. "La plus fragile", commente Libération. "Un passé très douloureux". Pige de trois mois dans une maison close tenue par Dominique Alderweireld alias Dodo la Saumure. "Les clients ne sont souvent pas très propres. Ce ne sont pas des beautés. Et certains sont pervers, décrit-elle à la barre. C’est vrai que Dodo dit que nous sommes libres de venir chez lui ou pas. Mais dans la prostitution, on n’est jamais vraiment libres. On est alignées en robe sexy pour être choisies par le client, comme une marchandise."
Jade, qui a travaillé dans un autre bordel de Dodo, enfonce le clou : "On était présentées... comme de la viande sur des crochets. Des petites, des minces, des grosses, des Noires, des Asiatiques, des brunes, des blondes."
Le business est lucratif. Du moins pour les proxénètes. Chaque prostituée touche la moitié du prix versé par son client, 40% en général. Pour espérer gagner plus, il faut pousser le client à acheter des bouteilles. C’est 30% des gains. Ça c’est dans les bordels crasseux.
Dans des endroits plus huppés comme l’hôtel Carlton à Lille, les prostituées sont mieux traitées. Du moins, a priori. Parce que si ces palaces sont aseptisés et qu’on peut être payée 200 euros (131000 francs Cfa) la passe, il se passe des choses pas très catholiques hors des vues.
Bruxelles, automne 2009. David Roquet et Fabrice Paszkowski, amis de DSK, remettent 500 euros à Jade. Sa mission : raccompagner celui qui était alors directeur général du Fmi à son hôtel. Une heure de trajet. On parle de prostitution, strip-tease, relation sexuelle. Arrivée à l’hôtel DSK propose de terminer la soirée à trois. Lui, Jade et une fille qui l’accompagnait. Elle accepte. "Comme j’avais été payée pour une prestation et que je n’avais encore rien fait, j’y suis allée", raconte la prostituée.
Libération rapporte : "Elle fond en larmes lorsque le président lui demande de raconter ce qui s’est passé dans la chambre, une sodomie brutale." Elle dit : "J’ai subi… une pénétration à laquelle j’aurais dit non s’il m’avait demandé. Parce que je ne veux pas de ça. À chaque fois que je vois sa photo, je revis cet empale- ment de l’intérieur, qui me déchire dedans. Aucun autre client ne s’est jamais permis ça avec moi ! Alors peut-être ce client-là pense qu’il peut tout faire parce qu’il a un niveau social supérieur."
"Client", le terme qui pose problème à DSK. Si l’ancien patron du Fmi ne nie pas avoir entretenu des rapports sexuels avec Jade, il soutient avoir cru avoir rencontré une "libertine". Il dit : "Rien de tout cela ne me permet de déduire qu’elle est prostituée. Je ne mets pas en cause la perception qu’elle a eue de notre rapport sexuel. Mais je ne l’ai pas ressenti de la même manière. Je pense que je dois avoir une sexualité, je le découvre dans ce dossier, par rapport à la moyenne des hommes, plus rude. Mais j’ai exactement le même comportement sexuel avec toutes les femmes."
Fidèle à cette ligne de défense, consistant à affirmer qu’il ignorait le statut de prostituée de sa partenaire, DSK a été suivi par deux des prévenus, Jean-Christophe Lagarde et Emmanuel Riglaire. S’il est reconnu coupable de proxénétisme aggravé, l’ancien patron du Fmi risque dix ans de prison et 1,5 million d’euros d’amende.