LA DEUXIÈME VIE DE L’ÎLOT SARPAN
RÉAMÉNAGEMENT ET EXPLOITATION DES ÎLES DE LA MADELEINE
L’endroit n’est pas connu sous le nom officiel de Parc national des îles de la Madeleine (Pnim), mais est plutôt appelé par ses habitués «îles des serpents». Alors que la vraie appellation est Ilot Sarpan. Saccagée en 2010, à la suite de la mort par balle du pêcheur Moustapha Sarr, cette curiosité naturelle renaît et s’ouvre une nouvelle fois aux touristes. L’expérience merveilleuse commence par la traversée de la mer.
L’écume tourmentée peut dissuader. Mais le repère est fixe et éternel. A force de pagayer, le voilier s’évade du tumulte dakarois. Capricieuse par moments, rebelle par d’autres, la mer se pare tantôt d’un bleu pur et enchanteur, tantôt charmeuse et recouverte d’écumes elle met sa robe de mariée pour se jeter sur les rochers. Il faut tromper les houles.
En mode croisière, la pirogue peut faire le tour des îles. Les colonnes rocheuses sont imposantes. La stratification ne cède pas à l’érosion marine. La grande île ouvre ses portes sur la crique Hubert. Les pirogues peu- vent y faire leur entrée. Il faut manœuvrer pour atteindre la piscine naturelle bordée par les collines rocheuses.
Le débarcadère est opérationnel. Les pieds dans l’eau, on est dans les îles de la Madeleine (Pnim), du moins dans sa partie émergée. Le paysage est pittoresque. Les oiseaux piaillent et vadrouillent. La savane côtière est luxuriante. L’air est sans débris nocifs. Le microclimat est envoûtant.
On ne s’y aventure pas comme dans son jardin domestique. Heureusement que la signalisation fait partie du nouveau visage du parc. Elle indique les sentiers à emprunter pour circuler dans la grande île. Il faut avoir les jambes solides pour escalader la montagne. Tantôt, on tombe sur un «lieu de culte lébou», tantôt sur les oiseaux qui en font un espace de nids.
«Ilot Sarpan» réconcilié avec les pêcheurs
Au sommet, la case de Lacombe Sarpan a perdu sa chaumière. Le nom déformé a donné à l’île l’appellation commune de «l’Ile Serpent». Pourtant, il n’est pas facile d’apercevoir un tel type de reptile dans ce sanctuaire. Les pieds sur le tapis herbacé qui jonche le plateau, on s’offre une vue panoramique sur Dakar.
Des volatiles rares séjournent au Pnim pour leur reproduction ou leur quiétude, loin du regard inquisiteur du chasseur. Le phaéton s’y prélasse. Des clairières artificielles sont aménagées par endroits. Elles peuvent servir de pondoirs. Au pied du plateau est érigée une petite baie sablonneuse. «Ce sont les pêcheurs qui l’ont aménagée.
C’est pour prier», renseigne le sergent- chef des Eaux et Forêts, Diarra. Cette curiosité a été profanée en 2010 à la suite de la mort du jeune pêcheur Moustapha Sarr. Rien de débout n’a été épargné par les pêcheurs en furie. Ces derniers s’étaient rendus au Pnim. Ce fut une partie de casses. Il n’y restait que les lieux de culte.
«Rien n’a été laissé ici», informe un agent du parc. Même les bureaux situés non loin de la Cour suprême ont été saccagés. Tout était perdu. Agents du parc et pêcheurs locaux se regardaient en chiens de faïence. La réconciliation a eu lieu plus de deux ans plus tard.
C’est le ministre de l’Ecologie et du développement durable, Aïdar El Ali, qui a pris son bâton de pèlerin pour rencontrer et rassembler les notables de Soumbédioune et les agents du Pnim.
La traversée à 6 000 F Cfa
Le pacte de paix scellé, l’Etat a enclenché une revalorisation du parc grâce au Programme de renforcement et de consolidation des acquis (Prca) financé à plus de 8 milliards de francs Cfa par les Pays-Bas. Ainsi, le Pnim revit. En effet, les panneaux de signalisation sont installés. Des sentiers sont aménagés.
Le bâtiment qui abrite les bureaux des agents et la salle d’attente des touristes est réfectionné. Un véhicule tout terrain est à la disposition des gardes. Une pirogue motorisée neuve est acquise. Elle facilite le transport des touristes aux îles. Cette activité est confiée aux populations à travers un comité de gestion.
Une vingtaine d’écogardes recrutés au niveau à Soumbédioune et environs sont impliqués à la surveillance du parc. «Suite aux évènements de 2010, le parc était fermé. Maintenant, tous les week-ends, le parc affiche le plein de touristes. Des gens viennent y passer toute leur journée», se réjouit un agent. Pour se rendre au Pnim, le visiteur débourse 6 000 francs Cfa. «Les 5 000 vont dans la caisse des écogardes et les 1 000 francs Cfa au Trésor public», précise le conservateur du parc, le commandant Ndèye Sène Thiam.
Une partie des fonds collectés, dit-on, sont destinés à appuyer des activités sociales à Soumbédioune. La femme-officier en charge du parc dénombre des choses à faire.
«Ce qui reste à construire est l’embarcadère», invite-t-elle. En plus de la nécessité d’intéresser les populations aux avantages du parc, un restaurant serait le bienvenu. Il permettrait aux visiteurs de vaincre le faim et d’éviter de se transporter dans le parc avec des sacs remplis de provisions. Un packtage lourd peut gêner. Une ballade au Pnim se fait par pirogue et à pieds.