MA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC GHISLAINE DUPONT
Chers amis et confrères,
Permettez-moi, depuis Madagascar, où j'ai appris la terrible nouvelle de l'exécution de Ghislaine et de Claude, de m'associer à votre peine et à votre colère. Inutile de vous dire que, depuis hier, je suis sans voix !
J'ai appris à connaître Ghislaine après notre première rencontre en 1991 à Cotonou, au Bénin. J'étais alors en reportage pour Jeune Afrique. Elle, envoyée spéciale de RFI. Nous avions fait le déplacement pour assister à l'investiture du président nouvellement élu Nicéphore Soglo, frappé d'une mystérieuse maladie, évacué sur Paris, ramené sur une civière de l'hôpital militaire parisien du Val de Grâce pour la circonstance à bord d'un avion médical français pour éviter au Bénin de connaître un vide constitutionnel.
Ghislaine, je m'en souviens, était vêtue ce jour-là d'un ensemble deux-pièces béninois en tissu Wax. Nous avions fait pour l'occasion des photos que j'ai retrouvées dans mes archives et partagées vingt ans plus tard avec elle. A la vue des photos, nous avons tous les deux éclaté de rire et conclu qu'on avait gagné, depuis, quelques rides.[...]
Après, nos chemins se sont souvent croisés, en reportage en Afrique, mais aussi à Paris. Avec son timbre de voix à nul autre pareil, Ghislaine était une bosseuse, une professionnelle canal historique, tatillonne jusqu'à l'obstination pour ce qui concerne la vérification des faits. Elle se méfiait des informations et analyses fournies clés en main et des idées reçues, avec ce que cela suppose d'entêtement, voire d'agressivité. Elle avait l'air toujours pressée, semblait ne pas connaître, comme beaucoup d'entre nous, la peur physique.
Il nous est arrivé de déjeuner dans un restaurant du quartier des Halles, au coeur de Paris. Elle me téléphonait parfois pour un échange de tuyaux ou pour confronter l'analyse. Elle écoutait, mais prenait toujours soin au finish de conserver son autonomie de pensée, comme si elle craignait de se faire manipuler. Une réaction qui honore la professionnelle qu'elle était.
Notre dernière rencontre remonte à la mi-octobre, à la veille de mon départ pour Madagascar. Je l'ai croisée alors qu'elle surgissait (ce verbe est utilisé à dessein) du bureau jumeau d'Yves Rocle et de Christophe Boisbouvier, à la rédaction de RFI, à Issy-les-Moulineaux. Nous sommes convenus de déjeuner à mon retour de la Grande Île. Un projet à jamais contrarié par les salauds qui ont ôté la vie à Ghislaine et Claude.
Francis Kpatindé est journaliste et il collabore avec la rédaction internet de RFI