MANAGEMENT DE L’ACTE 3

1. La nouvelle architecture territoriale : une cohérence territoriale articulée et une meilleure lisibilité des échelles de Gouvernance
Dans sa volonté de faire le bilan de la politique de décentralisation, au Sénégal, Monsieur le président de la République a indiqué clairement l’option de «construire le renouveau de la modernisation de l’Etat, à travers une décentralisation cohérente dans ses principes et performante dans sa mise en œuvre».
Cette option irréversible axée sur «la refondation majeure de l’action territoriale de l’Etat» est aujourd’hui déclinée à travers une réforme importante dénommée Acte III de la décentralisation et matérialisée par la loi n 2013-10du 28-12-2013.
Ainsi, le nouveau dispositif décentralisé compte, au terme des élections de juin 2014, 602 collectivités locales dont 42 départements et 560 communes pour 2 340 élus au niveau départemental tandis qu’au niveau communal, l’on note 25 688 élus dont 356 issus des 3communes de ville de la région de Dakar.
Au plan organisationnel, ce dispositif nous offre une architecture territoriale à trois échelons : la commune, désormais échelon de gestion de proximité et de développement à la base ; le département, échelon intermédiaire entre le pôle de développement et les communes ; enfin, le pôle territoire : échelon du développement durable et du rayonnement des territoires.
Ces trois échelles de Gouvernance constituent les jalons pour l’avènement d’un Sénégal émergent et solidaire dans un Etat de droit.
Cependant, dans la phase II de la réforme, en cours de finalisation, les pôles territoires, articulés autour de huit (08) entités éco-géographiques et économiques viables et compétitives, pourraient être envisagés à la fois comme collectivités locales et (circonscriptions administratives) à l’instar du département dans sa conception actuelle.
A ce niveau, l’enjeu de la réforme est le pari d’une approche de développement économique qui fait du territoire, la centralité dans les planifications économiques et sociales et le rééquilibrage des investissements selon le principe d’équité et de solidarité.
Le territoire, lieu d’impulsion de la Gouvernance, devient, désormais, le support de la territorialisation des politiques publiques au niveau des pôles territoires, échelons du développement durable et du rayonnement des Collectivités locales propices à une intégration régionale, sous-régionale, continentale voire transcontinentale.
Pour rappel, l’aménagement du territoire, le développement local et la décentralisation constituent des préoccupations majeures dans le troisième pilier du Pse qui vise, entre autres, «la promotion de la viabilité des territoires et des pôles de développement et le renforcement des capacités des collectivités locales».
Ainsi, le renforcement des capacités des pouvoirs locaux et la gestion de proximité à travers les réformes précitées favoriseront «la correction des inégalités spatiales et l’avènement de territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022».
2. Planification et déclinaison territoriale des politiques publiques de développement : une opportunité cohérente et originale jamais offerte au Sénégal à travers l’Acte III et le Pse
Le dispositif décentralisé précité offre ainsi un cadre plus rationnel et cohérent de contrôle territorial et d’impulsion du développement économique car il repose sur les exigences d’aires territoriales homogènes au plan socioculturel, éco géographiques et économiques.
La Collectivité locale reste, incontestablement, un échelon pertinent d’expérimentation et de territorialisation de toutes les politiques publiques, à travers la réalisation de projets et programmes de développement (infrastructures, projets productifs et sociaux.) sur la base de la valorisation de leurs atouts et de leurs potentialités respectives. Ces collectivités locales demeurent les principaux clients du Pse.
C’est dans ce contexte d’approche de développement économique que s’inscrit l’Acte III sous-tendu par une vision et une approche intégrée qui se veut une déclinaison territoriale et opérationnelle du Pse, désormais, notre Référentiel en matière de politique économique et sociale sous le leadership éclairé (et éclaircissant ?) du Président Macky Sall. Une opportunité inestimable axée sur 27 projets phare structurants et 17 réformes structurelles.
Ce Référentiel, dans son premier phasage, est articulé autour d’un Programme d’actions prioritaires (Pap), 2014-2018, avec des projets/ programmes axés sur onze secteurs d’activités économiques dont six prépondérants en sus de 190 Actions prioritaires (42%) sur 451 actions et mesures identifiables. Le tout adossé à un Programme d’investissement triennal (Pit), dont la cohérence et l’originalité en techniques de mobilisation de ressources et en nombre de projets sociaux réalisables restent jamais égalées dans notre histoire au Sénégal (...)
Au bilan, le socle de l’Acte III reste indubitablement la qualité des ressources humaines disposant de pré requis avérés comme décliné dans le pilier N3 du Pse. Cet axe est, même dans une approche de déconstruction / reconstruction, un intrant pédagogique qui favorise les gages d’un «développement solidaire, inclusif et durable» : second pilier du Pse.
Ce second pilier ou axe est lui même suscité par le premier pilier «la transformation structurelle de l’économie et croissance inclusive» qui passe, nécessairement, par notre agriculture soutenue, aujourd’hui, par une politique rurale et agricole cohérente à travers des mesures d’accompagnement incitatives très, très, très courageuses (....)
En définitive, tous les trois piliers sont d’égale dignité, ils sont interactifs , intégrés, et ils constituent les principales dessertes de la connectivité qui convergent toutes vers un seul Itinéraire, un seul horizon : un Sénégal Emergent et Solidaire dans un Etat de droit.
3. La Planification locale : une compétence transférée au service du développement territorial mais parasitée par des contraintes institutionnelles, organiques et stratégiques.
La décentralisation prenant appui sur la planification (articles 314 et 315 du Cgcl) et l’aménagement du territoire (316 et 317 du même Code) rend l’objectif de développement local plus crédible. En vertu des dispositions de l’article 314, le département reçoit les compétences suivantes : «L’élaboration et l’exécution du Plan départemental de développement (Pdd) en articulation avec les stratégies et les politiques nationales ; la mise en œuvre du contrat plan avec l’Etat pour la réalisation de projets de développement.»
Quant à la Commune, en vertu de l’article 315, elle reçoit les compétences suivantes : «L’élaboration et l’exécution du plan de développement communal (Pdc), en articulation avec le Plan de développement de la ville (Pdv) ; la mise en œuvre du contrat plan avec l’Etat pour la réalisation de projets de développement.»
Au regard de toutes ces dispositions, les Pouvoirs publics démontrent, à nouveau, la centralité de la planification dans la programmation et la promotion du développement local à travers des instruments du développement territorial urbain qui facilitent des relations fonctionnelles entre l’Etat et les citoyens.
Au demeurant, le phasage de la réforme de l’Acte III ayant conduit le renouvellement des Conseils élus a posteriori de la formulation de certains projets et programmes, semble réduire la Planification locale dans un retard stratégique et placer les collectivités locales (communes et départements) dans une démarche descendante comme un espace d’application et de redéploiement des politiques publiques nationales.
En effet, plus de onze (11) mois après l’installation des Conseils Elus, la quasi-totalité des 602 collectivités locales doivent soit élaborer, soit réactualiser leur plan de développement local avec identification participative des Projets ainsi que la programmation des investissements. Ce retard stratégique mérite d’être compensé et envisagé comme une «approche ascendante» afin de permettre aux entités de jouer leur rôle d’échelon de mise en cohérence des outils de planification des actions de développement, dont les projets phare du Pse, et ce dans un espace socio-économique et culturel approprié.
En somme, faire de la base, une échelle de Gouvernance prioritaire qui alimente la prospective nationale. A cet effet, les Pôles territoires doivent, finalement, être les relais entre la planification nationale et la planification à la base des communes et des départements et avoir un rôle fondamental de coordination des programmations nationales, départementales et communales à travers des contrats plans entre les représentants de l’Etat et les gestionnaires locaux.
Cette approche instrumentale permettra aux Pôles territoires d’impulser et de rythmer le développement territorial, d’amorcer, en rapport avec les départements et les communes, une véritable politique de reconstruction des tissus économiques, de leurs espaces respectifs conformément à la vision du Président Macky Sall.
Au total, ce dispositif de planification «à double détente» permettra à tous les segments de la Nation de s’exprimer et à l’Etat d’arbitrer car l’objectif de développement territorial n’est pas automatiquement porteur de consensus national. Quid de l’évolution des villes et des zones rurales en, respectivement, pôles d’excellence et pôles de compétitivité dans le contexte de l’Acte III ?
Le législateur sénégalais, dans la loi n 64-46 du 17 juin 1964 portant Domaine national (non encore abrogée), a accordé une place centrale aux «terroirs villageois» dans la définition des limites territoriales des communautés rurales.
Cependant, les nombreuses incohérences nées de certains découpages administratifs arbitraires font que certaines populations se retrouvent, à ce jour, partagées entre «plusieurs terroirs villageois», non homogènes, de surcroît distants du villa-siège de la communauté rurale, d’au moins cinquantaine à soixante km.
Ces incohérences toujours en vigueur du fait de la communalisation radicale (pardon intégrale ou universelle) des 385 anciennes communautés rurales du Sénégal, ne facilitent guère l’avènement des pôles d’excellence et des pôles de compétitivité précités. En effet, ces distorsions et incohérences fragilisent davantage certaines communautés rurales promues «brutalement» communes sans jamais y être préparées.
Paradoxalement, la commune est considérée, dans l’Acte III, comme l’échelon le plus proche, le plus décentralisé ; l’échelon de proximité et de développement à la base, en dépit des limites territoriales excentriques notées au niveau de certaines d’entre elles.
Elles ouvrent, de facto, l’ère des communes créées non pas à partir des quartiers mais par un ensemble de quartiers et /ou villages (Article 71 du Cgcl) en violation des notions de «liberté» et de «proximité», deux principes directeurs consubstantiels à la décentralisation.
Ces faiblesses organiques vont influer inévitablement sur la conception des outils de planification du développement territorial (Pdc, notamment) et entraîner la relecture de leur méthodologie d’élaboration (pré zonage, zonage, conduite du diagnostic).
Désormais, tout projet de composition-recompositionfusion des terroirs devra refléter, à terme, une cohérence géographique, sociologique et économique de manière à créer un sentiment d’appartenance et de solidarité propre à mobiliser les énergies et valoriser les potentialités (...)
En outre, la disponibilité d’un cadastre rural comme référentiel d’évaluation des réserves foncières des différentes collectivités locales du Sénégal complétée par la promotion et la gestion durable des ressources naturelles du terroir, permettront de mieux concevoir et surtout affiner, de manière ascendante, une véritable politique de planification et de développement des terroirs.
4. Financement du développement en mode Ppp dans un contexte de planification territoriale des politiques publiques.
De nouvelles opportunités sont offertes dans le cadre du Plan Sénégal (Pse) où les sources de financement sont ainsi diversifiées avec les ratios suivants : Etat pour 4 804 006 milliards soit 47%. Les Partenaires techniques et financiers (Ptf) 3 909 milliards soit 38%. Le PPP 1 574 milliards soit 15%.
L’Acte III de la décentralisation est incontestablement le cadre opératoire du Pse, sa déclinaison territoriale et le lien géométrique entre les différentes échelles de gouvernance.
Dans cette optique, le Partenariat Public-Privé qui mettrait en jeu les Collectivités locales et les Acteurs privés, dans les nouvelles stratégies de mobilisation de ressources additionnelles pour le financement du développement territorial décentralisé, à raison de 30% pour la participation publique contre 70% aux Privés, constitue un levier innovant.
Dans une dynamique inclusive, le président de la République, Macky Sall, a demandé, le 7 avril 2014, au directeur général du Bureau opérationnel de suivi (Bos) du Pse et à celui de l’Apix, de s’atteler à la présentation des opportunités de financement des projets phare du Pse en mode Ppp.
C’est dire l’opportunité et la pertinence de la douzième session du Conseil Présidentiel de l’investissement (Cpi), tenue le 1 juin 2015, entre le secteur privé national et l’Etat pour jeter les jalons d’un partenariat gagnant-gagnant. Ainsi, toutes ces bonnes opportunités permettront aux Collectivités locales de porter davantage, elles-mêmes, leur propre développement et notre pays pourrait, assurément, être plus attractif et plus compétitif dans le Cadre du Doing Business, du rapport de Davos du Forum économique mondial et du rapport Mo Ibrahim sur la compétitivité.
A cet effet, les défis liés à la relance de notre économie à travers le Programme de réformes pour l’amélioration des affaires et de la compétitivité (Preac) sont largement pris en compte avec la réalisation de 40 mesures sur les 56 préalablement consignées, en 2012, dans le plan d’action, selon le directeur général de l’Apix.
Force est de reconnaître que toutes ces mutations ont concouru à une transformation structurelle de notre économie et ont permis de remonter le Sénégal dans les classements internationaux : 9ème pays en termes d’amélioration de la Gouvernance économique sur les 52 états du classement Mo Ibrahim.
Cependant, les défis sont énormes face à des enjeux de développement oblitérés toujours par des faiblesses et pesanteurs d’ordre institutionnel, organique, stratégique et financier, qui, à terme, peuvent constituer des facteurs handicapants à la réalisation du Pse. (...)