MORTEL, MADIBA !
DISPARITION DE NELSON MANDELA
On aurait voulu le garder à nos côtés des décennies, des siècles durant. Mais on en oublie que Madiba est mortel ! Nelson Mandela a tiré sa révérence hier, jeudi 5 décembre, dans sa résidence de Johannesburg. Comme Socrate, il a regardé, impassible, la faucheuse exécuter le décret divin.
Il attendait son heure, dans un calme olympien, comme Socrate… La faucheuse, non plus, ne s’est pas dérobée. Elle a exécuté le décret divin. Et Nelson Mandela n’est plus de ce monde. Madiba est désormais assis à la droite du père, après avoir rendu son dernier souffle hier, jeudi 05 décembre, à l'âge de 95 ans à son domicile de Johannesburg.
La mort de Mandela a été annoncée par le président sud-africain Jacob Zuma, en direct à la télévision nationale publique. «Notre cher Madiba aura des funérailles d'Etat…et les drapeaux seront en berne à partir de ce vendredi et jusqu'aux obsèques».
L’on aurait souhaité que cette nouvelle soit une fausse alerte, une plaisanterie de mauvais goût, comme d’autres qui avaient annoncé la fin de la «légende». Hélas !
Celui en qui l’ancien Président américain, Bill Clinton, voyait « le triomphe de l'esprit humain, le symbole de la grandeur d'âme née dans l'adversité », restera incontestablement une des figures emblématiques de l’Afrique et même du monde. Un modèle de courage et d’abnégation, il avait fait don de sa vie pour combattre l’injustice, sous toutes les formes dont l’apartheid, sa face hideuse. Les mots qu’il avait prononcés dans une plaidoirie historique qui avait duré quatre heures d’horloge, à son procès du 20 avril 1964, raisonnent encore dans nos têtes: « J'ai dédié ma vie à la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu la domination blanche et j'ai combattu la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l'harmonie, avec d'égales opportunités. C'est un idéal que j'espère atteindre et pour lequel j'espère vivre. Mais, si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.» Ce texte avait fait le tour du monde, ce qui n’était pas du goût du régime blanc de l’apartheid qui en avait interdit la diffusion.
Tandis qu’on le célébrait à travers le monde, à travers des rues et des édifices qui portent son nom, des Etats qui lui tressent des lauriers… Madiba lui, ne s’est jamais hissé à ce niveau dans sa tête. Au contraire, l’homme était d’une simplicité et d’une humilité déconcertantes. «Humain, trop humain », pour reprendre les mots du philosophe allemand, Nietzsche, il lançait, chaque fois que l’occasion se présentait, à ceux qui voulaient le déifier, ces mots : «je ne suis ni un saint ni un prophète». L’on peut alors comprendre sa gêne, disons son dépit, face à une caricature qui voudrait le présenter comme un «demi-dieu». A l’inverse, Mandela insiste sur ses «erreurs», ses «hésitations», ses «insuffisances», voire ses «impatiences». Il y a, comme qui dirait, quelque chose de très socratique dans l’attitude de cet homme exceptionnel.
Madiba a marqué son temps à travers la lutte sans concession qu’il a livrée pour libérer son peuple du joug de l’apartheid.
C’est en 1962 que son combat contre l’apartheid a commencé à s’internationaliser, lorsqu’il a pris part, après avoir quitté clandestinement l’Afrique du Sud, à une conférence panafricaine en Ethiopie. Il se rendra par la suite en Algérie où il bénéficiera d’une formation pour la lutte armée.
C’est surtout le massacre de Sharpeville en 1960 où de jeunes noirs sont abattus alors qu’ils protestaient contre le port du Pass (passeport intérieur), qui a amené Nelson Mandela à opter pour la méthode dure dans le combat contre l’apartheid. Il constitue autour de lui un front du refus. L’homme accorde cependant une grande importance à la réflexion. Il devient ainsi le leader incontesté de l’ANC. Cette autorité naturelle s’explique peut-être par ses origines. Il est né le 18 juillet à Mvezo au Transkei de parents chefs de village.
Le jeune Nelson Mandela a été étudier le droit à l’université de Fort Hare, le seul établissement d’enseignement supérieur qui acceptait les Noirs sud-africains.
Malheureusement, il sera renvoyé après avoir participé au boycott des règlements de l’établissement. Mais le jeune Mandela va s’enfuir à Johannesburg avec un cousin pour fuir échapper au mariage forcé. Ce goût prononcé de la liberté amène Madiba à choisir le métier d’avocat. Avec son ami Oliver Tambo, il fonde ainsi le premier cabinet d’avocats noirs en Afrique du Sud.
Si son parcours est ponctué, dès 1962, de fréquents séjours en prison, c’est en 1964 qu’il sera condamné par le régime de l’apartheid à perpétuité pour ses activités politiques clandestines. Il était détenu sur l’îlot-bagne de Robben Island sous le matricule 46664
Dans cette prison, son épouse Winnie lui rendait visite deux fois par an. Les mouvements anti-apartheid mènent le combat. Les artistes, les intellectuels se mobilisent à travers le monde pour sa libération. Le régime de l’apartheid est sous la pression de la communauté internationale. C’est ainsi qu’en décembre 1998, il décide d’une libération partielle avec mise en résidence surveillée, assortie de certaines conditions. Il refusa toute libération lui interdisant de faire de la politique après tant d’années passées en prison. Une liberté totale ou rien. Sa détermination finira par payer. Il est libéré le 11 février 1990 et obtient la réhabilitation de l’ANC déclaré parti hors-la-loi en 1960.
L’homme n’est pas sorti indemne de 27 ans de prison.
Le Président Frederik de Klerk et Nelson Mandela vont engager les discussions pour une nation réconciliée. Ce qui a valu, en 1993, aux deux hommes le prix Nobel de la paix.
La présidentielle de 1994 va consacrer la victoire de l’ANC et Mandela deviendra ainsi le premier président noir post apartheid. Il respecte ses engagements en mettant en place un gouvernement d’union nationale, avec Frederick de Klerk comme vice-président. Ce sont les jalons d’une nation arc-en-ciel qui sont mis en place. Il fera juste un mandat, Mandela quitte le pouvoir en 1999 pour se consacrer à la fondation qui porte désormais son nom.
Son épouse Winnie, mêlée dans à des affaires de corruption et de meurtre, se verra quittée par Madiba en 1996 qui prend l’initiative du divorce. Deux ans après, Mandela épouse Graça Machel, la veuve de l’ancien président du Mozambique.