VIDEO"POURQUOI LES RASTAFARI DISENT QU'HAÏLÉ SÉLASSIÉ EST LEUR DIEU"
META DIA, ARTISTE CHANTEUR
Mouhamed Yaya Meta Dia, de son vrai nom, est né et a grandi au Sénégal. Avant d'aller retrouver une partie de sa famille dont son père aux Usa. Mais de rappeur chez Kocc Barma, il passe à reggaeman aux pays de l'oncle Sam. Actuellement au Sénégal, il s'est produit sur la scène du Grand-théâtre hier. Meta Dia (ou Jah) était tout content de jouer pour la première fois dans son pays natal avec son groupe les "Cornerstones". Un grand défi puisque Meta remplit les plus grandes salles du monde avec son groupe et joue dans de très grands festivals. Pourtant, peu de Sénégalais connaissent celui qu'on pourrait appeler le "Akon" du reggae. Dans cet entretien accordé à EnQuête, il retrace son parcours, dévoile sa grande spiritualité. Et parle de son prochain album fortement influencé par le Coran et la religion musulmane.
Parlez-nous de vos débuts dans le reggae ?
J'ai commencé à faire du rap dans les années 1990. C'est en 2001 que j'ai arrêté. J'ai commencé à faire du reggae en 2003 jusqu'à ce jour. Mais vous savez pour le rap comme pour le reggae, c'est la valeur du texte qui est le plus important. Donc, il n'y a pas beaucoup de différence. C'est en allant aux USA retrouver une partie de ma famille qui j'ai pu vraiment comprendre le reggae. Et je ne pouvais pas faire du rap aux Usa. Le rap a son histoire ; musicalement cela peut changer mais dans le fonds, il reste une musique de ghetto. Je ne peux pas être sénégalais et me permettre d'user de leur langage. Je n'en serais pas fier et ma famille encore moins. J'étais allé aux Usa pour étudier. Mon père tenait à ce que je termine mes études. C'est après qu'il a su que c'est la musique qui m'intéressait. Il m'a soutenu dans mon entreprise. C'était difficile au début, je l'avoue. J'ai connu des hauts et des bas. Mais cela n'a jamais été douloureux parce que j'étais passionné. Rien qu'avoir ma guitare chaque matin et aller à la découverte de nouveaux artistes me suffisait. Les Usa étaient un nouveau monde pour moi. J'apprenais la langue et chaque jour, je découvrais diverses choses. Mais aujourd'hui, le rap continue à m'inspirer. Quand j'écoute quelqu'un comme PPS, il m'inspire.
Vous découvriez quoi exactement ?
Vous savez, j'ai grandi à Niayes Thioker. Mon grand-père était l'imam du quartier. Quand vous allez au Fouta où j'habite, il y a une école coranique dans notre concession. Personne chez moi n'a jamais fait de la musique. Je ne savais même pas comment en parler à mon père. Très ouvert, il m'a soutenu quand il l'a découvert. Je ne m'attendais pas à cela. Pourtant, s'il avait dit non, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui parce que je n'ose pas outrepasser ses interdits. Quand j'ai découvert le reggae et que je maîtrisais mieux la langue anglaise, je me suis rendu compte que c'est une musique très spirituelle. Les reggaemen chantent des prophètes. Ils parlent de Joseph, de Souleymane, de Jacob, de Youssoupha et même d'Adam et d'Eve. Tout cela fait partie de la divinité. Certains d'entre eux sont inspirés par la Bible. Et je trouvais qu'il manquait l'histoire de Mouhamad (PSL). Je suis en train d'enregistrer mon prochain album en Angleterre dans le studio de Peter Gabriel. C'est le Coran qui a été ma muse pour tous les morceaux qui composeront l'album. Il y a des titres comme "Bilal". Beaucoup d'Occidentaux entendent l'appel du muezzin venant des mosquées sans comprendre la beauté de l'histoire de ce dernier. Bilal vient d'Ethiopie précisément d'Abyssinie. Comment les reggaemen voient l'Ethiopie ? Il y a une grande connexion à établir entre les deux. On prie cinq fois par jour aussi. Certains pensent que c'est douloureux ou qu'on est conditionné. Je montre à travers une chanson le bonheur qu'on peut ressentir rien qu'en se posant sur un tapis de prière. Je montre également la manifestation de Dieu à travers la sourate "Wa tiini wa zeytoun". Comment l'Homme a été crée par la générosité de Dieu. Je veux que les gens découvrent l'islam à travers sa beauté. Donc, je ne leur ferai pas peur en leur disant que l'enfer est là et qu'on risque de te brûler. Dieu est Beau et il commence par "Bismilahi". Moi, mes héros sont les prophètes et tous ceux qui se battent pour eux.
Quel nom comptez-vous donner à cet album ?
Il sera intitulé "Hira". Cela signifie "cave" et c'est là où Mouhamad (Psl) a reçu le message de Dieu. Encore que certains comprendront à travers "hira" "je suis là". Car en patois, "hira" est la contraction de "here i". Deux définitions se dégagent dès lors. Je ferai un morceau intitulé "Lâ ilâha ila Lah" pour montrer qu'il n'y a de Dieu que Dieu. Une fois encore on retrouve le soubassement du groupe qui est "peace, love and harmony". Vu comment va le monde, comment on associe les noms des prophètes à des choses pas saines, je me dis juste que les gens ne comprennent pas. En tant que musulman qui s'illustre dans le reggae, il est de mon devoir de lever les équivoques à travers ma musique. A l'étranger, les gens ont peur quand ils entendent "Allahou Akbar". Je vais chanter en utilisant ce mot mais dans une parfaite positivité. Les gens comprendront ainsi le sens de ce mot. Avant, je ne pensais pas faire un album de ce genre. Avec le temps, j'ai acquis certaines connaissances et vécu des expériences qui m'ont amené à vouloir faire un album. Ce dernier est presque terminé. Il reste juste à enregistrer avec les invités dont Alpha Blondy. Je suis en train de démarcher d'autres artistes aussi. On essaie de regrouper des artistes de tous les continents pour montrer qu'on est tous pareils.
N'avez-vous pas peur pour votre sécurité vu la montée de l'islamophobie et de l'intégrisme ?
Non, non. Il n'y a pas de quoi avoir peur. Il n'y a pas autre chose que Dieu. Chez chacun de nous, il y a une voix intérieure qui nous parle. On doit se fier à cette voix. Là commence la foi en Dieu. Quand on est sûr de ce que l'on fait, on ne doit pas avoir peur. Je maîtrise ce que je dis et je sais me défendre en posant des arguments sûrs. On ne doit pas avoir peur des critiques et des médisances. Et moi je me suis déjà préparé à ça. Ces gens-là aussi, je ne leur en veux pas. Ils n'ont pas compris certaines choses, je pense. On est une race humaine. Je ne crois pas aux ethnies, tribus et multitudes de races.
Les reggaemen ne pensent pas comme vous. Eux c'est Hailé Sélassié leur dieu...
Il y a un fondement à cette croyance. Il y a une histoire qui fonde cela. Haïlé Sélassié est un descendant de Souleymane. Il faut qu'on se fie aux prophètes. Certains s'en tiennent aujourd'hui à Noé. D'autres pensent qu'après Ismaïl-Isaac, il n'y a plus de prophète. Maintenant pour que ces gens-là comprennent que les choses vont au-delà d'Isaac et de Noé, il faut que ceux qui savent partagent leurs connaissances avec "les ignorants". En réalité, ceux qui disaient "Sélassié Jah rastafari" n'ont pas expliqué à leurs fils pourquoi ils le disaient. Ces derniers ne pouvaient pas non plus le faire avec leur progéniture. C'est pour cela que les dernières générations de rastafari ont cru qu'Hailé Sélassié était dieu. Quelqu'un qui porte une croix et va l'église ne peut pas dire qu'il est dieu. Maintenant, l'histoire de la Jamaïque a démontré que les populations voulaient se connecter à l'Afrique. Ces populations soutenaient : "Nous ne voulons pas d'un dieu blanc. Nous en avons un qui est noir." Cela est une métaphore. Vous trouverez des musulmans en Jamaïque. Les rastafari restent incompris même dans leur pays. Vous savez, il y a des choses qui se passent au Sénégal et qui ne se passent pas pour autant dans d'autres pays musulmans et vice-versa. Il faut comprendre que la culture est mélangée à la spiritualité.
On colle aux reggaemen une étiquette de fumeur de marijuana. Vos parents n'ont-ils pas pensé que vous pouviez tomber dans la perversion ?
Mon père, s'il l'a pensé, ne me l'a pas dit. Je communique beaucoup avec lui. Il vient à mes concerts et on se parle beaucoup. Aussi, quand on a une éducation de base solide, il y a certaines choses qu'on se refuse de faire. Tu les fais, tu vas avoir honte de faire face à tes parents et même de te regarder dans une glace. Et quand on n'a pas l'esprit tranquille, on ne peut pas avancer. Quand on fume de la cigarette par exemple, cela se voit à travers les lèvres ou le visage. En introspection, on se dit "ce n'est ni beau ni bien". Là, c'est toi qui t'éduques. Ceux qui pensent que tous les rastamen sont des fumeurs, on ne leur en veut pas. Parce que c'est l'étiquette dont on veut se débarrasser. Et moi je ne fume pas de marijuana.
Comment s'est passée votre rencontre avec les "Cornerstones" ?
On est 15 dans le groupe. Mais il y a des gens qui travaillent avec l'orchestre à temps plein et d'autres à mi-temps. La composition du groupe dépend d'où on est. Il y a des Français, des Japonais, des Algériens, des Israéliens. C'est ainsi qu'a été bâti le groupe. Cornerstones signifie "pierre". Il y a un fondement et c'est l'orchestre. Moi, je suis le leader. Partout où on va, on essaie de trouver d'autres musiciens avec qui collaborer. Après on en choisit quelques qui intègrent le groupe à mi-temps. Le corps de la bande reste le pianiste, le guitariste et le batteur. Maintenant quand on a une tournée en Australie par exemple, il y a des musiciens, qu'on avait coptés en Nouvelle Zélande, qui nous accompagnent. La collaboration ne pose pas problème parce que maintenant, avec l'internet, tout est devenu facile. On leur envoie la musique par email et ils répètent avant notre arrivée. C'est pour cela que dans nos vidéos, vous voyez toujours des instrumentistes différents selon celle que vous regardez. Quand vous apercevez les deux guitaristes algériens, le batteur ivoirien, cela montre qu'on est du côté de l'Europe par exemple. La bande officielle est basée à New-York et est aussi très métissé. On y retrouve une Japonaise, un Jamaïcain, un Martiniquais et moi je suis un Sénégalais.
Est-ce qu'au Sénégal vous pensez procéder de la même manière?
Oui, on y a pensé. J'ai vu sur internet des groupes comme Timshell band ou un chanteur comme Ombre Zion. C'est la première fois qu'on vient au Sénégal et le temps est court mais avec un Jam session, on pourrait se découvrir et bâtir des choses. On ne peut pas tricher aussi. Ce n'est pas parce qu'on vient quelque part que forcément on y choisit des musiciens. Il faut que ceux qu'on choisit soient professionnels et connaissent la musique.
Est-ce que les Sénégalais connaissent la valeur actuelle de leurs artistes reggae. Car, pour vous comme pour Sun Sooley et Natty Jean, il vous a fallu aller à l'étranger pour avoir une reconnaissance ?
Beaucoup de choses sont dû à l'ignorance. Il y a la barrière linguistique. Beaucoup de textes reggae sont écrits en anglais. Si je pouvais traduire des textes de Jimmy Cliff ou Bob Marley, juste pour que les gens perçoivent leurs messages et voient combien ils étaient sensibles ! Mais partout dans le monde, le problème des gens avec le reggae est les gros dreads et le fait que les chanteurs fument. C'est tout ce qu'ils voient. Au sein de la communauté du reggae, il y a des rebelles aux vérités crues qui se battent contre leur gouvernement. Il faut qu'on fasse une autre présentation de cette musique au Sénégal.
Il vous arrive d'enlever votre bonnet ?
Non jamais, je ne l'ai jamais enlevé en public. Partout où je vais, je le garde. Quand on me demande de l'enlever, j'explique que je ne peux pas. C'est un principe.