SALL AIR DE L’AMBIVALENCE
On ne peut reprocher au PS de tirer profit d’une situation confuse. Faute d’éclairage sur la tenue du référendum, tout autre parti en questionnement sur son équilibre aurait aussi adopté la prudence

Y a-t-il une contradiction entre assumer un bilan gouvernemental et présenter un candidat à l’élection présidentielle, forcément, contre le chef de la majorité ? Peut-on être à la fois partenaire et adversaire ? C’est à ces questions cornéliennes que devra certainement répondre le maire de Dakar, Khalifa Sall, donné pour futur candidat du PS en 2017. Si évidemment élection, il y aura !
Cet exercice sémantique, amène le responsable de la vie politique du PS a beaucoup de circonvolutions. Chercherait-t-il à maintenir le flou ou le mystère sur sa très probable candidature ? Ou tout simplement veut- il s’aménager le maximum de temps pour affiner ses préparatifs, sans compromettre la présence de son parti dans l’attelage gouvernemental ? On pourrait se poser toutes les questions du monde que l’intéressé lui-même serait le seul à même d’éclairer la lanterne des Sénégalais qui lui tendent les oreilles.
Mais à n’en point douter, l’ambivalence du discours profite au PS, pour autant que ce clair-obscur, érigé en stratégie de marketing politique, ne s’éternise pas. Une perduration de cette valse-hésitation lui donnerait à terme- contrairement à l’AFP-, l’image d’une formation indécise qui peine à choisir simplement entre partir ou rester dans le gouvernement.
En réalité la dualité du discours de Khalifa Sall repose sur deux postulats. D’une part, assumer le bilan présidentiel, et en tirer les conséquences logiques d’une solidarité qui s’imposerait dans ce échéant. Ou alors accepter d’assumer un destin historique et atavique en présentant un candidat en 2017, comme le PS l’a, au reste, toujours fait. Au risque d’apparaître déloyal vis-à-vis d’une coalition et probablement d’un Président qui a fait des socialistes, un allié de premier choix.
Il est vrai que les incertitudes qui continuent d’entourer la tenue des élections présidentielles de 2017, contraignent aussi Khalifa Sall et le PS à de telles contorsions. Déclarer sa candidature et quitter le gouvernement alors que de fortes hypothèques pèsent sur le scrutin de 2017, pourraient conduire les socialistes à se délester de deux ans de présence dans les lambris dorés du gouvernement. Alors qu’une attitude attentiste- voire prudente-, le temps que les décisions sur la tenue du référendum sur la réduction du mandat, leur conférerait la possibilité d’y gagner encore deux de présence. En attendant la tenue certaine alors de l’élection de 2019, consacrant le septennat de Macky Sall.
Calculs politiciens ? Certes, mais en politique maîtriser et faire de la prospective, c’est savoir vivre, exister et sauvegarder ses intérêts. Mais ce jeu d’équilibrisme sur une corde raide, recèle des conséquences à plus ou moins long terme, fâcheuses. Le climat de méfiance qu’il installe dans la coalition Benno Bokk Yakaar est nuisible à son équilibre. Et cette situation délétère prépare le lit aux transhumants et autres activistes politicards pressés de profiter des moindres failles dans la coalition pour s’y incruster.
En réalité, il revient au PS cet impérieux devoir de clarification et d’explication de texte. Que signifie assumer un bilan gouvernemental et quelles en seraient ses conséquences ? Que recouvre l’idée de présenter un candidat du PS ? Serait-il propre au PS avec un projet socialiste forcément aux antipodes du projet libéral actuel ? Quelles seraient alors les grandes lignes de l’argumentaire électoral qui soutiendrait cette démarcation politique et stratégique ? Et, troisième élément de la tripodie, quelle décision immédiate devrait en tirer ce parti en restant ou quittant le gouvernement ?
Mais, à y regarder de très près, personne ne peut reprocher au PS de tirer profit d’une situation politique confuse pour développer sa stratégie. En fait, faute d’éclairage réel sur la tenue du référendum, la gestion de trois élections en un an (référendum en 2016, législative et présidentielle en 2017), tout autre parti en questionnement sur son équilibre structurel aurait aussi adopté une attitude de prudence. C’est cela aussi le salaire de l’expérience politique tirée de cinquante ans d’existence. Et Khalifa Sall, actuelle tête de gondole du parti senghorien, aurait-il tort d’en tirer profit ? Et le PS pourrait bien se dédouaner en se défaussant légitimement de cette ambivalence installée.