SENGHOR BALISE LE CHEMIN A ABDOU DIOUF
LE TEMPS DES REFORMES ET DE L’OUVERTURE DEMOCRATIQUE EN MARCHE
Avec les réformes constitutionnelles entreprises par le Président Senghor et l’instauration du poste de Premier ministre confié à Abdou Diouf, le Sénégal de la décennie 1970-1980 connait un pouvoir présidentiel modéré et déconcentré. Ce régime va bouleverser le mode de gouvernement, consacrer une large ouverture démocratique et surtout baliser le chemin à Abdou Diouf jusqu’à la magistrature suprême.
Au sortir de cette grande tempête de mai 68 qui a fait vaciller le régime, le pouvoir senghorien évolue rapidement vers deux révisions constitutionnelles majeures. Senghor et son parti (l’UPS), ayant certainement tiré les leçons de l’effervescence du front social, amorcent une ouverture démocratique. Elle se traduit par la libération des détenus politiques dont Mamadou Dia et ses compagnons graciés après onze années d’emprisonnement. Jusqu’en 1974, l’ordre, la stabilité et le monopartisme restent toutefois de rigueur.
Le 31 juillet 1974, Abdoulaye Wade crée le Parti démocratique sénégalais (PDS). Senghor accepte de reconnaître le mouvement, même s’il confie à ses proches « ne pas prendre au sérieux ses dirigeants », qu’il soupçonne de vouloir surtout marchander des portefeuilles ministériels. Senghor institue néanmoins une révision constitutionnelle qui instaure, en 1976, un tripartisme: l’UPS (devenue Parti socialiste, PS) sera « socialiste et démocratique », les autres formations devant choisir entre les étiquettes « libérale et démocratique » et « marxiste-léniniste». Wade ne se sent pas particulièrement « libéral », mais le président-poète ne lui laissera pas le choix, le Parti africain de l’indépendance (PAl) porte l’étiquette de «marxiste». la plus forte opposition au régime de Senghor provient du Rassemblement national démocratique ( Rnd) du professeur Cheikh Anta Diop.
Cette ouverture démocratique s’accompagne également par une liberté d’expression dont la presse bénéficiera. L’organisation des premières élections pluralistes de février 1978 marque un tournant dans la vie politique du Pére de l’indépendance. En obtenant un cinquiéme mandat, il balise aussitôt le chemin à Abdou Diouf jusqu’à la magistrature suprême. Ce sera par le biais de la proposition de loi introduite par 7 députés et visant à donner au Premier ministre le titre de dauphin constitutionnel du président de la République si ce dernier venait à se retirer ou à décéder.
Le 21 octobre 1980, c’est le quotidien français Le Monde qui se charge d’annoncer une probable démission de Senghor. Mais celui-ci laisse ses concitoyens dans l’incertitude. Le communiqué officiel adressé au peuple qui sera publié le 3 décembre confirme cette décision minutieusement préparée sur le plan juridique et pratique. Un chapitre de la vie politique du Sénégal se refermait avec le départ, à 74 ans du Président poète.