SWISSLEAKS, QUE FAIRE ?
La justice sénégalaise doit confirmer les noms des 309 Sénégalais et non Sénégalais résidant au Sénégal concernés. L’Assemblée nationale devrait aussi initier une commission d’enquête
Les faits connus sous le nom de SwissLeak ont maintenant fait scandale dans tous les pays du monde !
Rappelons qu’il s’agit d’un montant total de 180,6 milliards de dollars détournés par 100 000 nationaux 203 pays à travers le monde et placés dans des comptes ouverts auprès de HSBC Private Bank, filiale suisse de la banque britannique HSBC, deuxième plus grande banque au monde, puis ventilés auprès de 20.000 sociétés dans des paradis fiscaux à travers la planète. Ceci au cours de la seule période comprise entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007.
Parmi les clients de la banque suisse figurent 309 personnes basées au Sénégal, dont 15% détenteurs de passeports sénégalais qui détenaient 188,5 millions de dollars américains soit pas moins de 100 milliards de francs Cfa au cours du jour de la monnaie américaine.
Ces faits sont maintenant établis. La banque britannique les reconnait désormais du reste.
Les faits ont été révélés dés fin 2008 par un informaticien alors employé de la banque, Hervé Falciani, qui a fourni le listing détaillé au fisc français.
Ils ont été par la suite transmis sous la forme d’un énorme fichier informatique au quotidien français Le Monde qui «afin d’en assurer le traitement le plus exhaustif et le plus rigoureux possible» mobilise, à travers le Consortium International du Journalisme d’Investigation (International Consortium for Investigative Journalism), 145 journalistes à travers le monde.
Notre confrère OuestAfNews a ainsi participé à l’analyse du fichier.
Il s’agit maintenant de bien comprendre ce que ce scandale d’envergure mondiale nous apprend et ce qu’il convient au Sénégal de faire.
Notons d’abord- ce qui n’est pas sans intérêt pour la lutte contre «l’enrichissement illicite en cours au Sénégal- que la banque suisse ne s’est pas contentée de recevoir des fonds détournés et volés à des Etats ou acquis par les trafics criminels de toutes sortes. Elle a «démarché» ses «clients», les a activement conseillé, et surtout les a aidé à blanchir leurs magots et à le camoufler.
Pour ce faire, elle a créé pour chacun d’entre eux de multiples comptes, établis dans des centaines de paradis fiscaux, effectuant ainsi des transactions quasiment impossibles à reconstituer.
On comprend dés lors, que retracer les circuits des fonds ainsi manipulés devient quasiment impossible : ce qui est précisément le but recherché.
Dés lors qu’est-ce que le Sénégal doit et peut faire ?
D’abord, bien identifier les «clients» de HSBC Private Bank, sénégalais de nationalité ou opérant au Sénégal.
D’après les listings de SwissLeak parmi les 309 propriétaires de comptes opérant à partir du Sénégal, 15% sont détenteurs de passeport sénégalais et donc 85% sont des nationaux d’autres pays résidant au Sénégal ou opérant à partir de notre pays.
La justice sénégalaise doit au plus tôt confirmer les noms et profils de chacune de 309 Sénégalais et non Sénégalais résidant au Sénégal qui détenaient des comptes auprès de HSBC et dans des paradis fiscaux .
Ceci ne devrait du reste pas être très compliqué.
Tout le monde les connait en effet.
Il ne s’agit pas seulement de quelques «Lybano-Syriens» connus pour leurs pratiques mafieuses mais aussi de Sénégalais bon teint, soit disant capitaines d’industrie, membres éminents de professions libérales bien établis, dignitaires religieux, artistes de renom, hommes et femmes politiques ayant occupé depuis toujours ou occupant encore d’importantes fonctions publiques…
L’Assemblée nationale devrait aussi prendre l’initiative de mettre en place une commission d’enquête.
C’est ce que les députés britanniques viennent de faire.
Mais il faudrait aussi initier une procédure en justice contre la HSBC.
C’est ce que la France a fait.
Les autorités judicaires françaises ont en effet mis en examen la banque britannique en tant que personne morale pour «démarchage bancaire et financier illicite» et «blanchiment et fraude fiscale» en rapport avec les 3000 Français figurant dans le listing de ses clients.
La HSBC a dû dés lors collaborer avec la justice française.
La confrontation directe avec la HSBC s’impose donc.
Il s’agit d’amener la banque britannique à coopérer !
La HSBC a ventilé les fonds dans un si grand nombre de comptes à travers tant de paradis fiscaux qu’ils seront difficilement réparables sans sa coopération.
Par ailleurs, Hervé Falciani, le «lanceur d’alerte», celui qui a livré les données sur les malversations de la banque aux autorités françaises, vient de faire une déclaration intéressante à deux niveaux.
Intéressante d’abord en ce qu’il affirme que les données qu’il a livré aux autorités françaises n’ont pas été toutes révélées : «Plusieurs millions de transactions sont également répertoriées dans les documents que j'ai transmis. Ces chiffres peuvent donner une idée de ce que peut être le dessous de l'iceberg.»
Il se pourrait donc que les sommes détournées du Sénégal et camouflées dans des paradis fiscaux soient encore plus importantes et que plus «bandits à cols blancs» soient à démasquer encore !
La sortie du «lanceur d’alerte» est intéressante aussi parce qu’il déclare formellement qu'il «est impossible que des grandes banques françaises ne soient pas concernées» par ce scandale».
Si des banques françaises sont impliquées dans SwissLeak, étant donné la «proximité» de la France et du Sénégal, on peut penser qu’elles ont «traité» la clientèle «sensible» : celle de la Françafrique, c'est-à-dire celle des hommes et des femmes politiques et leurs «porteurs de valises».
Est-ce pour cela que l’information a semble t-il été expurgée ?
Par ailleurs le quotidien Le Monde nous apprend que c’est dés 2008 que la France a reçu le «fichier HSBC» des mains de Hervé Falciani et qu’elle l’a, dés 2010 «partagé» avec «plusieurs pays amis» concernés, notamment les USA, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, l’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Irlande, l’Inde, la Belgique et l’Argentine.
La France a-t-elle également partagé l’information avec le Sénégal ?
Si non, pourquoi ?
Il faudrait alors se poser des questions sur le statut de pays ami du Sénégal ?
Si le Sénégal a été informé depuis 2010, qu’est ce qui a été fait de l’information ?
Pourquoi les Sénégalais n’ont pas été informés par les autorités de ce pays ?
Dans tous les cas, ce scandale illustre bien ce propos de ce chercheur qui déclarait que «…c’est la faute de l’Afrique si les pays du continent ne sont pas encore développés », pour indiquer qu’alors que le Continent recevait en 2012 environ 40 milliards de dollars d’aide extérieure, les flux financiers illicites vers des banques comme la HSBC et les paradis fiscaux étaient supérieurs à ce montant.
En savoir plus sur SwissLeak
http://www.icij.org/project/swiss-leaks/explore-swiss-leaks-data