TAMBOUR SANS MAJOR
Décès de Doudou Ndiaye Rose - Reportage, témoignages des artistes et dernières volontés du défunt
24 heures après avoir accompagné à sa dernière demeure son ami Vieux Sing Faye, Doudou Ndiaye Coumba Rose le rejoint auprès de Dieu. Le célèbre percussionniste a rendu l’âme hier après un malaise. Le monde de la culture a perdu l’un de ses plus illustres ambassadeurs.
Parents, amis et des curieux ont été nombreux hier à convergé au domicile de Doudou Ndiaye Coumba Rose dès l’annonce de son décès. Ils étaient assis sous des bâches, la mine triste, les regards perdus pour ceux dont on pouvait voir les yeux. Certains se camouflent avec des lunettes noir fumée. D’autres, mouchoir à jeter entre les mains, pleurnichent. Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre.
Ces dernières, vêtues d’habits traditionnels, agitent pour la plupart des éventails bravant ainsi la chaleur de l’après-midi. On en voit qui errent à travers les voitures, portable collé à l’oreille et passant des coups de fil interminables. Tous sont envahis par l’émoi et la consternation.
"Impossible, pas lui ! On était ensemble ce matin à la mosquée pour la prière. Par la suite, il a demandé à l’iman de prier pour lui", entend-on dans la foule grandissante qui est venue s’amasser devant la demeure située aux Hlm du célèbre percussionniste. C’est un grand homme de culture qui a tiré sa révérence. En témoignent la présence et les réactions des icônes du secteur quelques heures à peine après sa mort. Youssou Ndour, Didier Awadi, Pape Faye, Doudou Ndiaye Mbengue, El Hadji Pape Dieng… n’ont pas manqué d’entourer de leur affection la famille du défunt.
"Doudou Ndiaye Rose est décédé 24 heures après l’inhumation de son ami Vieux Sing Faye", rappelle-t-on dans la foule. Et certaines confidences de préciser qu’il a rejoint Allah hier matin pendant qu’on lui préparait son petit-déjeuner. "Il n’a pas eu le temps de le goûter", regrette-t-on. "Le Sénégal perd une fois de plus un grand ambassadeur culturel", a pour sa part affirmé son fils Birame Ndiaye.
Doudou Ndiaye était le plus grand percussionniste du pays connu partout à travers le monde : d’Asie en Amérique en passant par l’Europe. Il a su porter très haut les couleurs du Sénégal grâce à la culture. Récemment, l’ambassade des Etats-Unis lui a rendu hommage lors de son anniversaire. Une cérémonie en marge de laquelle il avait confessé son regret de n’avoir pas été célébré dignement de son vivant par le Sénégal. Le défunt Tambour-major, jusqu’à hier Trésor humain vivant de l’Unesco sera inhumé ce jeudi à 11heures au cimetière musulman de Yoff. Paix à son âme !
Témoignages… Témoignages… Témoignages
El Hadj Nar Mbaye (ami d’enfance)
"Doudou Ndiaye était une personne exceptionnelle"
Doudou Ndiaye Coumba Rose a été un musulman très digne, un pratiquant. Il adorait travailler. Il était généreux et d’un commerce facile, une personne qui aide ses pairs pour qu’ils puissent bien pratiquer leur religion. Il a amené des personnes faire le 5ème pilier de l’islam. Il était bien éduqué, un fervent talibé de Serigne Babacar Sy qui aimait sa famille plus que tout. C’était une personne exceptionnelle. Tous les musulmans et toute la tarikha Tidiane ont perdu un être cher.
Sen Kumpa (rappeur)
"Il a été un grand monument"
C’est tous les hommes de culture, les sportifs qui ont perdu. Si je regarde le passé dans les années 2002, les images qui me reviennent sont la période de la Coupe monde qu’il a marquée de son empreinte. Doudou Ndiaye était partout pour valoriser la culture sénégalaise. Il avait une dimension extraordinaire. Nous ne pouvons pas imaginer ce que nous avons perdu. Il faut que la génération qui vient revoie ses images. C’est là qu’ils sauront que c’est une référence. Il a été un grand monument.
Golbert Diagne (comédien)
"Il faut qu’on prête une grande attention à ceux qui nous restent"
On perd nos grands hommes et on n’a plus de référence. Donc, il faut qu’on prête une grande attention à ceux qui nous restent, et tout ce qu’on peut faire pour eux, qu’on le fasse. Que ce qui vient de se passer avec Doudou Ndiaye Coumba Rose ne se produise pas pour les autres. Pensons à El Hadj Mansour Mbaye. Que tout le Sénégal prenne l’initiative de lui rendre hommage ! Il y a aussi Khar Mbaye Madiaga et d’autres monuments qui sont là.
Didier Awadi (rappeur)
"Je n’ai pas pu réaliser toutes mes ambitions pour lui"
C’est une personne qui disait toujours : "Tout ce que vous faites pour moi, faites-le de mon vivant. N’attendez pas que je meurs pour me faire des hommages." Quand on travaillait ensemble, il me trouvait chez moi et me disait : "Il faut qu’on termine notre travail. Je suis un vieux maintenant. Pas un jeune homme. Viens on va aller travailler c’est mieux." Tout ce que j’ambitionnais de réaliser avec lui, je n’ai pas pu le terminer. Je dirai que je n’ai pas eu le temps de faire tout ce que j’avais envie de faire pour lui.
Simon (rappeur)
"Un monument est parti sans son école"
Doudou Ndiaye Coumba Rose nous disait souvent qu’il voulait créer une école et envoyait toujours des courriers aux autorités pour qu’elles puissent faire quelque chose. Mais personne n’a pris en compte son souhait. Aujourd’hui, il n’est plus. Il nous demandait toujours de l’aider pour la réussite de son école. Personne n’a su connaître sa valeur dans ce pays. C’est désolant de voir que ce sont les Américains et les Japonais, des étrangers qui lui rendent hommage alors que nos autorités sont là à ne rien faire. Aujourd’hui, c’est une journée de tristesse. Je l’ai appelé au Grand Théâtre contre vents et marées pour qu’il participe à mon dernier anniversaire et j’ai eu toutes les critiques du milieu du hip-hop comme quoi je transforme le rap en mbalax… Un monument est parti sans son école.
Coumba Gawlo Seck (artiste)
"Mon cœur est meurtri"
Mon cœur est profondément meurtri. Je ne sais quels mots utiliser ni par quel bout commencer. Tellement je suis sous le choc. Je suis anéantie. Mon père, mon ami, notre symbole, le monument de la musique sénégalaise, comme je l’appelle souvent, vient de partir sans crier gare. Papa Doudou Ndiaye Rose s’en est allé sur la pointe des pieds… Notre duo sur la chanson Cool marque et marquera à jamais les esprits. Repose en paix papa Doudou ! Notre symbole…
Keyssi Bousso (Administrateur du Grand Théâtre national)
"Quand j’ai eu mon premier enfant, il a été le seul à me donner 25 mille francs"
Nous avons perdu un baobab. Doudou Ndiaye était un baobab. En 1974, il a été mon professeur à l’Ecole des arts. Il m’a enseigné à la Mudra. Mais il y a quelque chose de spécifique qui m’a définitivement lié à lui. C’est qu’en 1980, lorsque j’ai eu mon premier enfant, il a été le seul à me donner 25 mille francs Cfa pour m’aider. A l’époque, cela représentait beaucoup. C’est un geste que je n’ai jamais oublié. Et c’est pourquoi j’ai décidé de lui rendre un grand hommage au Grand Théâtre. Nous étions en discussion pour l’organisation. Malheureusement, il est parti. Mais je ferai cet hommage.
Ses regrets et ses dernières volontés
"Quand je ne serai plus de ce monde, j'attends des uns et des autres des prières"
"Récemment, un journaliste me demandait si on a donné mon nom à une école ou une rue? Je lui ai répondu non. En général ici au Sénégal, on donne le nom de quelqu'un à une rue ou une école ou autre que lorsque la personne est morte. Et quand je serai mort, qu'on ne donne pas mon nom à l'un de ces endroits. Ce n'est pas la peine, car je ne serai plus sur terre donc j'en saurai rien. Une personne, quand on lui rend hommage, on doit le faire de son vivant. Mais là, c'est les Américains et les Japonais qui me rendent hommage et vous savez que c'est des personnes qui ne font rien dans la futilité. Le problème au Sénégal est que les gens attendent toujours ta mort pour te rendre hommage. Quiconque me le fait, je ne le lui pardonnerai pas. On me jette des fleurs partout. Les autorités à chaque fois que je les rencontre, elles disent que je suis un exemple pour les jeunes, qu'elles sont reconnaissantes pour ce que j'ai fait pour le pays. Mais aucune d'entre elles n'a pensé me rendre hommage de mon vivant. Organiser une journée juste pour moi serait salutaire. Je n'ai pas encore la chance d'être dignement célébré par mon pays. C'est regrettable, mais je n'y peux rien. Quand je ne serai plus de ce monde, j'attends des uns et des autres des prières (fatiha et 11 likhlass)".