UNE MAGISTRATE AU PLACARD
L'ancienne présidente de la Chambre administrative interdite d'exercer ses fonctions et mutée de la Cour suprême
Le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature (Cms) a sorti le sabre contre la magistrate Fatou Habibatou Diallo pour insubordination. L’ancienne présidente de la Chambre administrative est interdite d’exercer les fonctions de président de chambre et a été mutée d’office de la Cour suprême en attendant le prochain Conseil supérieur de la magistrature qui devra décider de son prochain point de chute.
Rebondissement dans l’affaire de la crise à la Cour suprême. Le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, statuant sur la saisine du président de la haute juridiction Mamadou Badio Camara contre Fatou Habibatou Diallo, a ordonné la mutation d’office de la magistrate, mais aussi son interdiction d’exercer les fonctions de présidente de chambre. Cette institution disciplinaire essentiellement composée de magistrats regroupe tous les membres du Conseil supérieur de la magistrature à l’exception du président de la République et du garde des Sceaux qui en sont respectivement président et viceprésident. Cette décision fait suite au refus de la magistrate de procéder à la passation de service avec son successeur. Ce qui constitue, selon certaines sources du milieu judiciaire, une violation de la loi organique régissant la Cour suprême qui confère au premier président le pouvoir de nomination à tous les postes.
En effet sitôt promu, le nouveau premier président de la Cour suprême, Mamadou Badio Camara, a procédé à un réaménagement à la faveur duquel Fatou Habibatou Diallo, ci-devant présidente de la Chambre administrative, devient la patronne de la Chambre civile et commerciale. Elle est remplacée par Mouhamadou Diawara tandis que les juges Abdourahmane Diouf et Jean Paul Toupane ont pris les destinées des Chambres criminelle et sociale. Avalant difficilement la couleuvre de la promotion de Mamadou Badio Camara qu’elle a devancé au grade de président de chambre de 4 ans, Fatou Habibatou Diallo a refusé de passer le témoin à son successeur, justifiant sa décision par son expérience dans le domaine administratif. En réalité, c’est à la suite de la fusion entre le Conseil d’État et la Cour de cassation pour donner naissance à la Cour suprême en 2008, qu’elle a quitté le Conseil d’État pour atterrir à la nouvelle juridiction avec le même titre de président de Chambre, situé à un cran supérieur à celui de Mamadou Badio Camara, jadis secrétaire général de la Cour de cassation.
Toutefois, il urge de préciser qu’elle n’est pas plus ancienne que ce dernier à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) si l’on en croit nos sources. Elle a bénéficié d’un concours de circonstance qui a fait qu’elle est devenue présidente de chambre avant ce dernier à l’image de tous les présidents de section au niveau du défunt Conseil d’État. On se rappelle qu’à l’époque, le Sénégal a eu droit à deux présidents Pape Oumar Sakho et Mohamed Sonko, car le dernier cité qui était président du Conseil d’État ne pouvait pas être rétrogradé après la suppression de la juridiction qu’il dirigeait. Il a ainsi gardé ce titre jusqu’à sa nomination au Conseil constitutionnel. Malgré les échanges épistolaires enflammés entre les deux hauts magistrats, Fatou Habibatou Diallo n’avait pas obtempéré. Et l’invocation des articles 11 et 17 de la loi sur la Cour suprême qui confère au premier Président de la Cour suprême le droit de l’administration et de la discipline de la Cour n’y changera rien.
Partant du fait qu’elle n’en était pas à sa première rébellion, puisqu’elle avait eu un bras de fer avec Pape Oumar Sakho (le nouveau président du Conseil constitutionnel), Mamadou Badio Camara a activé le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature qui a abouti à la lourde sanction prononcée contre le juge Fatou Habibatou Diallo. Désormais, elle ne fait plus partie des juges de la Cour suprême, mais aussi est interdite d’exercer les fonctions de présidente de chambre.
En attendant le prochain Conseil supérieur de la magistrature qui décidera de son redéploiement, elle risque de se tourner les pouces au grand dam des associations féminines qui vont ruer dans les brancards.