Vous avez dit «Yermandé*» !
D’un côté, ils veulent que l’on applique la peine de mort au Sénégal, parce que, disent-ils, c’est la justice divine ; de l’autre, ils demandent aux autorités étatiques de faire preuve de clémence dans la traque des biens supposés mal acquis.
Un bien curieux discours, surtout venant de la part de ceux qui sont supposés (Allah reconnaîtra les siens) proches de Dieu. Depuis le début de l’opération de la traque des biens supposés mal acquis, c’est le branle-bas pour «sauver» du naufrage des personnes sur qui pèsent de profonds soupçons de détournements de deniers publics.
«Na ngène si dawal yermandé (faire preuve de clémence, en wolof)» ! Ce qui gène dans ce discours, c’est le non dit ou ce qu’il suggère : passer les biens mal acquis au compte de pertes et profits (Biens perdus). C’est inacceptable. Ce «yermandé» ne sera pas non plus une prime à la mal gouvernance et au népotisme. En attendant le châtiment de la tombe, tous ceux qui se sont salis les mains, doivent répondre de leurs actes.
Car, faire preuve de clémence à l’endroit de supposés prévaricateurs, serait en même temps se montrer injuste envers ces millions de Sénégalais qui végètent du fait de la faute lourde de ceux qui se sont accaparés le bien de tous.
De plus, « Yeurmeundé » ne peut être parcellaire car, il serait gravement injuste d’appeler à la clémence pour les uns et pas pour les autres, dans une société où l’on proclame, à souhait, le retour des valeurs et vertus sociales et républicaines. Pendant qu’on y est, pourquoi n’a-t-on donc pas demandé clémence pour tous ceux-là qui croupissent, depuis des lustres, dans les geôles sans jamais être jugés ?
Allons plus loin d’ailleurs, en faisant libérer tous les détenus de droit commun ou politique s’il en est. Au nom du « yeurmeunde ». Non, il est des précédents dangereux qu’il faut se garder de commettre. Ceux qui parlent de «yermandé», pensent-ils, un seul instant, à ces femmes qui meurent en couche, faute de perfusion ; à ces jeunes qui affrontent la mer en furie, à l’appel des sirènes, faute d’emplois ; à ces étudiants dont l’avenir est obstrué, faute de projet de société clair ; à ce paysan pris dans le tourbillon de la disette, parce que victime de la loi du marché etc. Tous ont quelque chose en commun : la source de leur malheur est à chercher dans cet argent du contribuable détourné et qui a pris la destination de paradis fiscaux ou autres comptes bancaires.
Espérons que le Président Macky Sall n’entendra pas cet appel à «faire preuve de clémence» à l’endroit de ceux qui sont supposés avoir pillé ce pays. A moins de penser que la République est son bien personnel pour «faire preuve de clémence». La loi doit s’appliquer de façon implacable à toute personne dont la culpabilité a été établie, sans distinction de religion, encore moins de «tarikha». Ceux qui parlent de «Yermandé», ont-ils lu ou relu la Sourate, Al-Anam (Les bestiaux), Verset 93, où Dieu parle du châtiment de la tombe destiné aux injustes parmi les hypocrites et les mécréants : «Et si tu voyais les prévaricateurs lorsqu'ils seront dans les profondeurs de la mort, tandis que les anges tendront les mains et diront : que vos âmes apparaissent, aujourd'hui vous allez être rétribués du châtiment de l'humiliation pour le mensonge proféré contre Dieu, et pour vous être écartés de Ses signes en vous enflant d'orgueil.»
Dieu est juste et il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir le verset : « La secousse, Sourate 99, 7 et 8 : « Quiconque fait un bien fût-ce du poids d'un atome, le verra ; Et quiconque fait un mal fût-ce du poids d'un atome, le verra.» C’est à Lui qu’il faut demander clémence.
Mais en attendant le jour du Jugement dernier, soldons nos comptes avec tous ces prédateurs qui sèment la graine du mal dans le sol de la République. Pas de pitié pour ces gens dont le crime, s’il est établi, serait des plus abominables. Nous ne voulons pas de ce «pansement affectif », pour parler comme le psychologue Serigne Mor Mbaye. Prenons le risque de regarder dans le miroir pour nous libérer de nos aliénations. Le vrai «Yermandé » ou clémence se trouve là.
Vous avez dit « Yermandé » et quoi encore.
* : mot wolof qui signifie : faire preuve de clémence