LE DERNIER REFUGE D'OUSMANE ZOROME SAMASSEKOU
Le Festival international du documentaire à Paris montre, samedi 12 et mercredi 16 mars, «Le dernier refuge», un lieu cinématographique unique créé par Ousmane Zoromé Samassékou.
Le Festival international du documentaire à Paris montre, samedi 12 et mercredi 16 mars, «Le dernier refuge», un lieu cinématographique unique créé par Ousmane Zoromé Samassékou. Le réalisateur malien a posé sa caméra à la Maison des migrants, à Gao, au bord du Sahara, pour nous transmettre plus qu’un film, un état émotionnel. Il y accueille les espoirs et désespoirs des migrants, avant ou après leur traversée du désert.
Pourquoi avez-vous dédié votre film à votre oncle Amadou ?
Au départ, ce film est parti d’une histoire de famille. Mon oncle Amadou est parti à 32 ans et on n’a pas eu de nouvelles jusque-là. Je voulais faire un film sur cette histoire qui est aussi l’histoire de beaucoup de gens qui sont partis, mais hélas, ne sont pas revenus. Au début, il s’agissait juste de collecter des histoires et images représentant le départ, des images parfois poétiques et souvent abstraites. Ensuite, lors d’un atelier organisé par mon coproducteur, j’ai découvert cette Maison des migrants à Gao, au Mali.
Quelle est la particularité de cette Maison des mi¬grants que vous avez filmée à Gao pour Le dernier refuge ?
La particularité de cette Maison, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un lieu accueillant des migrants qui sont de retour, mais aussi elle reçoit ceux qui sont en partance. Ces deux courants et ces expériences différentes se croisent dans cet endroit. Il y a des amitiés qui y naissent. L’espoir et le désespoir s’y croisent. Ce lieu est une forme d’abri pour ceux qui arrivent très fatigués avant leur traversée du désert. Mais, c’est aussi un lieu de connaissance, d’accueil et de prise de parole pour les migrants.
Votre documentaire commence avec une scène sur un cimetière improvisé et le danger de mort reste tout au long du film omniprésent. Le dernier refuge, est-ce une sorte de double portrait, à la fois des deux jeunes migrants burkinabè, Esther et Kady, mais aussi de la mort ?
Oui, absolument. On peut difficilement parler des migrants sans parler des morts, surtout ceux qui y vont clandestinement. Pour moi, ce qui était important, c’est de suggérer la mort sans la montrer. Sans montrer cette barbarie qu’on a l’habitude de voir dans les journaux télévisés, avec des immigrants qui meurent dans les embarcations, dans le désert ou ailleurs. Moi, je voulais avoir une forme de subtilité, ne pas montrer la mort, mais faire comprendre qu’il y a beaucoup de gens qui ont disparu et dont les familles n’ont plus de nouvelles. Pour cela, le film commence avec des tombes qu’on rénove.
Au-delà du récit des migrants, ce qui frappe dans votre film, ce sont les couleurs : le bleu, le turquoise de la Maison des migrants, le jaune ocre du sable…
C’est vraiment une recherche très photographique, très cinématographique. L’immigration a été tellement traitée. Je voulais une dimension cinéma dans ma recherche de couleurs. Le bleu, par exemple, est beau et représente la mer et la gaieté, mais aussi l’eau et la survie. Ensuite, le défi était de trouver une harmonie entre cette Maison des migrants et les autres images du désert.
Ce qui revient toujours dans la bouche des migrants est le mot «Sahara». Cela devient une véritable obsession, une sorte de mythe pour les migrants. Peut-on dire que le Sahara tient le rôle principal concernant l’imaginaire du film ?
Oui, le Sahara est une expérience particulière. Les migrants nous racontent leur expérience de cette traversée. Le Sahara comprend plusieurs pays, et chaque migrant a son propre tracé dans cet endroit où il n’y a pas de puits, pas d’eau, pas de loi. Il y a des terroristes, des trafiquants d’armes, des trafiquants de drogue…
Vous ne montrez pas la migration du point de départ, ni à l’arrivée, mais à mi-chemin. Est-ce une nouvelle façon de filmer ce phénomène ?
Oui, absolument. Dans ma façon de voir les choses, je pense que l’homme a toujours bougé. De l’origine de la terre jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, on vit dans un monde différent. Il y a des barrières, des frontières qu’il faut respecter, il y a des lois mises en place. Et cette Maison des migrants se trouve au milieu de tout cela. Là-bas, on n’est pas originaire de quelque part. On est juste à l’endroit où l’on est, à la recherche d’un endroit qui convient. Ce n’est pas un lieu de départ, ni un lieu d’arrivée, mais un lieu du juste milieu. C’est un endroit qui donne une forme d’humanité et de sécurité et une envie de vivre.