"EN AFRIQUE, LES GENS N’ONT JAMAIS FAIT ASSEZ POUR LE MONDE DE L’ART"
Baaba Maal, artiste, chanteur, compositeur
Le Leader de Daandé-Lenol, Baba Maal connu et reconnu à travers le monde de par sa musique, mais aussi de par sa culture vient de lancer un mouvement. "Nann-K", c’est le nom de ce mouvement, qui entend apporter une nouvelle dynamique "active et citoyenne" pour la promotion de l’agriculture.
Cela, en évoluant dans 3 domaines d’activités que sont donc l’agriculture, mais aussi l’élevage et la pêche. Ainsi que les Technologies modernes (Tic) et l’artisanat (art et culture). Pour le lancement, l’artiste a convié ses invités au King Fahd Palace, avant-hier, autour d’un dîner de gala avec son orchestre. Profitant de l’occasion, nous l’avons interpellé sur ce mouvement, mais aussi sur son nouvel album international "The Traveller" (le voyageur).
Album "The Traveller"
"C’est un album de 9 titres. Pour le Sénégal, la Mauritanie et l’Afrique, nous avons formaté d’autres singles qui se nomment ‘Africa United’ que nous avons interprétés avec un grand artiste de la musique urbaine, Xuma ; mais aussi ‘Oumassier’ où nous parlons de voyage. Il y a un titre qui a été interprété avec Essa qui nous vient du Malawi. Et il y a un single qui est très particulier qui s’appelle ‘Foulani Rock’, la musique rock, mais c’est la musique Foulani, du Foulbé. C’est pour montrer à la face du monde que nos langues nationales sont très importantes, pour dire des messages que l’Afrique voudrait délivrer au reste du monde. Ça nous permet de crier notre colère et nos ambitions de corriger l’image de l’Afrique. Pas de cette Afrique qui tend la main, mais de l’Afrique qui propose au reste du monde beaucoup de choses et beaucoup de richesses. Parce que, l’Afrique c’est un continent très riche.
J’ai interprété deux titres de l’album. ‘Kaladio’ qui veut dire l’aventurier, celui qui voyage. Nous savons que tous ces jeunes sont partis en Europe, aux Usa pour d’autres opportunités ou apprendre quelque chose et revenir. C’est des gens du voyage. Et les gens du voyage apprennent la vie. Ils ont beaucoup d’expectation sur leurs épaules. Donc, il y a toute une famille entière qui pense que quand ils reviennent, ils vont venir changer leurs conditions de vie. C’est toujours triste de voir quelqu’un partir, mais on ne sait pas à quel degré on sent la charge du voyage de nos enfants qui partent".
C’est quoi "Nann-K" ?
"’Nann-K’ c’est un mouvement de développement, après une collaboration de plusieurs décennies avec des organisations internationales. Pour booster le développement dans le monde, je me suis rendu compte qu’il fallait commencer par ici quelque chose. Je fais la promotion de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche dans le monde entier. Quand je travaillais avec Oxfam International, nous avons vu que nous avons de grands cours d’eau, des associations de femmes très bien organisées qui ne voulaient que travailler. Mais il leur manquait un grand plan agricole, mais aussi de la voix. Quand j’élève la voix, les gens me répondent. Donc, c’est une occasion pour amener les gens à aller vers le développement".
Un mouvement pas seulement dédié à la communauté "Halpulaar"
"’Nann-K’ n’est pas un mouvement pour la seule communauté ‘Hapulaar’. Non ! pas du tout. C’est vrai que le nom sonne très Pulaar. Mais c’est parce je me suis dit le Pulaar c’est une langue internationale qui est parlée dans plus d’une dizaine de pays sur le continent africain. Mais quand j’ai lancé le mouvement, j’ai reçu l’adhésion de gens de la Mauritanie, de la Casamance, du Sénégal Oriental… Pour commencer, il fallait quand même le faire avec la communauté qui m’a toujours accompagné. Cet acquis culturel et historique de ma communauté m’a permis de représenter ce que je représente dans le monde.
Le ‘Dandé Lenol’, on l’a vu naître en 1985 avec feu Mbassou Niang, (Paix à son âme). Nous avons joué tellement de concerts au stade Amadou Barry de Guédiawaye que les gens se permettaient de faire des railleries parfois pour dire que le ‘Dandé Lenol’ se limite au stade Amadou Barry. Mais ce n’était pas fortuit. C’est parce qu’à chaque fois qu’on jouait dans ce stade, c’était toujours pour des associations de développement des villages du Fouta, de part et d’autre du fleuve Sénégal. Elles venaient nous dire nous avons des projets et soit c’était pour acheter des pirogues, ou encore réfectionner des salles de classe. Et tout récemment, à Aéré-lao, c’est des salles de classe informatisées pour les collèges et des lycées. C’est ainsi que des institutions comme les Nation unies ont pu comprendre qu’à travers Baaba Maal et sa collaboration avec ces associations de développement, la culture peut être au service du développement et qu’ils m’ont nommé ambassadeur. Fort de tout cela, je me suis dis que charité bien ordonnée commence par soi même. D’où le choix de monter un mouvement dédié au développement".
Connexion économique et le mouvement
"Le cri que j’ai lancé, et qui peut se vérifier avec la chanson que j’écrit avec Daraa-J, c’est où sont nos 10% pour l’agriculture ? Ça 3 à 4 ans, c’était avant même qu’au Sénégal on ne comprenait pas qu’il y a un élan vers l’agriculture et l’élevage comme soubassement du développement. En 2012, durant les élections, j’étais en Mauritanie avec Oxfam et ma réponse c’était pourquoi il n’y a pas tant temps de programmes agricoles de la part de nos gouvernements. Parce qu’on a tout ce qu’il faut pour réussir l’agriculture et l’élevage".
Fonds d’aide aux artistes
"Je pense qu’en Afrique, les gens n’ont jamais fait assez pour le monde l’art. C’est un début et je l’apprécie. Je pense que ça peut-être très profitable pour certains artistes qui en ont vraiment besoin. Mais il faut approfondir, au-delà de subventionner les artistes, réfléchir sur la condition des artistes, des musiciens. Par exemple, on voit qu’il y a au-devant de la scène des gens qui ont des noms qui ont une certaine notoriété qui peuvent se faire de l’argent. Mais derrière, il y a des musiciens qui n’arrivent pas à voyager parfois avec des ces gens. C’est des instrumentistes, c’est des gens qui travaillent dans des studios d’enregistrement, c’est des techniciens de spectacle, etc. Toutes ces personnes sont confrontées à des problèmes quand elles sont malades et ne peuvent pas se soigner. Donc, il faut s’arrêter un moment, réfléchir ce qu’on a apporté à la musique sénégalaise, à l’Afrique et essayer de rendre la monnaie à tous ces artistes qui ont fait connaître notre continent à travers le monde entier".
Choix 8 mars pour lancer le mouvement
"Je pense que chacun d’entre nous garde au fond de soi une partie de la femme. Il y a deux énergies qu’il va falloir toujours mettre en avant si nous voulons aller de l’avant. C’est la jeunesse africaine qui, malgré la pauvreté, les conflits, n’a jamais baissé les bras. A côté de cette jeunesse il y a les femmes dans tous les secteurs d’activités. La femme m’a tout donné. J’adore ma mère qui a été mon inspiration, que je chante toujours. J’adore la maman de mon feu fils qui m’a beaucoup aidé… Tout au long de ma carrière les femmes m’ont accompagné, je suis arrivé à Dakar, elles m’ont accueilli à bras ouverts. Voilà pourquoi j’a choisi le 8 mars. C’est pour leur rendre encore hommage".