KEN BUGUL OU LA PAROLE LIBÉRÉE
L’autrice sénégalaise revient avec un nouveau roman, « Le Trio bleu ». Son thème central : les tourments engendrés par la migration
Sept ans après Cacophonie, Ken Bugul, de son vrai nom Mariètou Mbaye Bileoma, signe en ce début d'année un nouveau roman, Le Trio bleu, paru aux éditions Présence africaine. Sous une plume plus que jamais aiguisée qui mêle réalité poignante, lyrisme poétique et univers fantasmagorique, la célèbre écrivaine sénégalaise s'attaque au sujet brûlant de la migration et « des systèmes pervers ».
L'exil et le rêve du retour
Dans chacun de ses romans, il existe toujours une partie d'elle. Et ce questionnement permanent qui la hante : rester, partir, pourquoi et pour où ? Dans ce nouveau roman, la quête incessante du lieu surgit de nouveau. Cette fois-ci, c'est sous l'angle de la migration forcée que l'écrivaine choisit de l'aborder. Ken Bugul mêle ici sa voix à celle de Goora, un jeune trentenaire, un « jolof-jolof » qui a quitté sous la contrainte sa province sénégalaise natale, le « Jolof », pour la France, « Réewma » (« le pays », en wolof). Une migration imposée et un déracinement douloureux qu'il a malheureusement du mal à supporter. Ainsi, durant toute la durée de son exil à Réewma, il place toutes ses espérances dans un seul et même objectif, celui de rentrer chez lui au Jolof et d'épouser Jojoo, « la plus jolie fille du monde ».
Un rêve qu'il aime à partager avec ses deux amis : François l'Auvergnat et Suleiman, un jeune réfugié politique syrien. Mais à son retour, rien ne se passe comme prévu. Des trahisons familiales et des déceptions l'attendent. Après un périple douloureux et des années d'inadéquation et de déracinement en Occident, Goora se trouve de nouveau confronté aux « langues déliées » et au « système pervers » qu'il avait préalablement fui. Sous ses yeux se déroule, en effet, le spectacle d'un pays qu'il ne reconnaît plus, en perte de valeurs, abruti par le capitalisme et l'argent. Une fois encore déraciné, Goora, l'immigré, est aussi un étranger chez lui.