«L’ADHESION DES JEUNES AUX GROUPES TERRORISTES EST PLUS ECONOMIQUE QUE RELIGIEUSE»
Le journaliste Mouhamadou Mouth Bane se signale avec un troisième ouvrage. Apres Le crime organisé dans le Sahel et Les Sénégalais de Boko Haram, il a présenté Lutte contre le terrorisme et la criminalité au Sahel : la nouvelle stratégie du Sénégal.
«Lutte contre le terrorisme et la criminalité au Sahel : la nouvelle stratégie du Sénégal» est le nouvel ouvrage du journaliste Mouhamadou Mouth Bane. L’auteur, avec une recherche fouillée, retrace les faits sur lesquels il s’est basé pour inviter à redoubler de vigilance pour que le Sénégal ne soit contaminé par la situation vécue dans le Sahel.
Le journaliste Mouhamadou Mouth Bane se signale avec un troisième ouvrage. Apres Le crime organisé dans le Sahel et Les Sénégalais de Boko Haram, il a présenté Lutte contre le terrorisme et la criminalité au Sahel : la nouvelle stratégie du Sénégal. Un 3e ouvrage qui s’inscrit dans la même perspective que les précédents. «La question du terrorisme et de la criminalité au Sahel est un problème complexe et qui ne se pose pas de la même façon dans cet espace sahélien où chaque pays a ses réalités propres, que ce soit sur le plan économique, politique, sécuritaire, militaire et sociologique. Sans compter que sur cette même problématique, surgissent de nombreuses questions : l’utilisation du numérique dans la propagande djihadiste, sujet de mon premier livre, et quand on a vu des Sénégalais dans les rangs de Boko Haram, je me suis intéressé à eux, ce fut le thème de mon deuxième ouvrage», annonce Mouhamadou Mouth Bane lors d’une cérémonie de dédicace il y a quelques jours. Il soutient ainsi que le Sénégal a pris, dès le départ, la question très au sérieux en impliquant toutes les composantes utiles «pour assurer à nos concitoyens et autres personnes vivant sur notre territoire, quiétude, sécurité et paix». Sans langue de bois, M. Bane tire la sonnette d’alarme. «Disons-le très clairement, le terrorisme frappe à nos portes», prévient-il. Même si le législateur sénégalais ne dégage pas le profil du terroriste et parle plutôt de «l’acte terroriste» et des délits connexes, l’auteur donne sa propre définition du terrorisme : «c’est une idéologie galvanisée par un discours qui se traduit par un comportement qui aboutit à des actes violents», tient-il à souligner. Il poursuit : «Dorénavant, il faut détacher le terrorisme de l’islam, car des non-musulmans sont souvent jugés pour terrorisme. Par ailleurs, notre proximité avec le Mali, contaminé par l’Algérie et plongé dans une crise politique née des offensives terroristes sous le régime de Amadou Toumani Touré, fait du Sénégal, un pays exposé à l’expansion terroriste au sudest, sans négliger sa partie nord, vers la Mauritanie. Des déplacements de populations entre le Sénégal et le Mali, le Sénégal et la Mauritanie, le Sénégal, le Niger et le Nigeria, le Sénégal, le Niger et la Libye, exposent notre pays aux infiltrations d’individus ou de groupes suspects», indique l’auteur. Seulement, prévientil, ces «terroristes» sont «des compatriotes sénégalais qui adhérent à l’idéologie extrémiste, dans une posture inoffensive, mais dynamique», affirme-t-il. «D’ailleurs, récemment, à Wouro Himatou, dans le département de Kidira, trois hommes ont été arrêtés par les éléments du Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (Garsi).» Le Sahel connait une propagation de la menace terroriste qui a touché aujourd’hui le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Tchad, le Cameroun, la Libye et le Mali.
Les régions pauvres, cibles privilégiées
Les groupes terroristes ne s’installent que dans les régions où les populations sont pauvres. Dans ces localités démunies, la frustration et la colère des jeunes inspirent le discours des leaders radicaux et de certains acteurs politiques, souligne Mamadou Mouth Bane en estimant qu’il urge de déconstruire les discours religieux et politiques violents. Le Sénégal compte des milliers de jeunes sans emploi et sans formation, rappelle l’auteur qui indique que «dans le Sahel, l’adhésion des jeunes aux groupes terroristes est plus économique que religieuse». «Un jeune qui gagne bien sa vie en Afrique, ne rejoindra jamais les groupes terroristes. Des enquêtes effectuées au Niger, au Nigeria, au Tchad ont démontré que tous les jeunes terroristes repentis sont issus de familles démunies. La majeure partie de ces jeunes n’ont aucune activité durable productrice de revenus. Une enquête réalisée par les autorités nigériennes sur les jeunes repentis de Boko Haram a révélé que 9, 50% des jeunes étaient couturiers, 2, 5% coiffeurs, 8% chauffeurs taxi-moto, 12, 25% maraîchers, 15% pêcheurs, 13% dans le petit commerce, 15% chômeurs, 5% dans la boucherie, 8% boutiquiers, 2, 5% chauffeurs, 5, 5% éleveurs de bétail, 3, 75% autres», renseigne-t-il. «La meilleure manière de détacher les jeunes des cercles extrémistes, c’est de leur offrir de meilleures conditions de vie», recommande-t-il tout en précisant que le Sud-est du Sénégal est menacé.
Des efforts de l’Etat
Face à cette menace, l’Etat du Sénégal a engagé des réformes juridiques et sécuritaires. «Par l’anticipation, les Fds ont réussi à déjouer tous les plans des groupes terroristes, intramuros et au niveau des frontières. En matière de lutte contre le terrorisme, le Sénégal a réussi des prouesses importantes. L’acquisition d’équipements militaires de dernière génération et en quantité, les recrutements massifs, la formation continue, le maillage sécuritaire territorial, la coopération interétatique par les échanges de renseignements avec des pays partenaires ont permis aux Fds d’endiguer la menace», souligne-t-il. Toutefois, estime le journaliste, il faut également encourager l’alerte précoce en créant un lien entre la police, la gendarmerie et le citoyen. «Les confréries, dans leur mission d’éducation, d’éveil des consciences, de sensibilisation, ont un rôle central à jouer dans la prévention et l’anticipation», prône-t-il. Il souligne que «les médias, la Société civile, les chefs de villages situés au niveau des frontières, les transporteurs et les conducteurs de motos Jakarta dans les zones frontalières, les orpailleurs dans le département de Kidira, de Saraya, les «Badienu gox», les imams, les associations des jeunes et les femmes, les prêcheurs et animateurs religieux, etc, doivent également être impliqués dans la stratégie de lutte contre cette menace. Au plan idéologique, des formations politiques comme les Frères musulmans en Egypte, le Tawassul en Mauritanie, Ennahda en Tunisie, le Hezbollah au Liban, les Frères musulmans au Soudan fondé par le défunt tuteur de Oussama Ben Laden, Hassan Al Turabi, ont réussi à influencer plusieurs jeunes Sénégalais. L’existence des tarikha au Sénégal heurte leur doctrine religieuse. Or, le Sénégal sans ces tarikha est comme le drapeau national sans son étoile verte au milieu», fait-il savoir.