MARCHER SUR L’EAU DE AÏSSA MAÏGA, PHOTOGRAPHIE D’UNE VIE DEVASTEE PAR L’EAU
Au Nord du Niger, le village de Tatiste, victime du réchauffement climatique, se bat pour avoir accès à l’eau. Chaque jour, Houlaye 14 ans, comme d’autres jeunes, marche des kilomètres pour aller puiser l’eau, essentielle à la vie du village.
Le réchauffement climatique a des conséquences sur la vie des populations insoupçonnées. Houlaye, jeune fille de 14 ans, se voit propulser à la tête de sa famille à cause de ce problème. Son père, éleveur, passe ses journées dans la brousse pendant que sa mère est à la recherche de la pitance en ville. Elle se démène pour occuper leur place dans la famille, tout en s’accrochant à ses études. Récit d’une vie difficile que l’eau aurait pu simplifier.
Au Nord du Niger, le village de Tatiste, victime du réchauffement climatique, se bat pour avoir accès à l’eau. Chaque jour, Houlaye 14 ans, comme d’autres jeunes, marche des kilomètres pour aller puiser l’eau, essentielle à la vie du village.
Cette tâche quotidienne les empêche, entre autres, d’être assidus à l’école. L’absence d’eau pousse également les adultes à quitter leur famille chaque année pour aller chercher au-delà des frontières les ressources nécessaires à leur survie. Pourtant, cette région recouvre dans son sous-sol un lac aquifère de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Or, il suffirait d’un forage pour apporter l’eau tant convoitée au centre du village et offrir à tous une vie.
C’est ce que Aïssa Maïga, la réalisatrice sénégalo-malienne, a voulu montrer dans son documentaire Marcher sur l’eau. En compétition au Fespaco, le documentaire a été projeté mardi dernier. «Ce qui m’a vraiment intéressée, c’est de mettre mon attention sur une communauté, un village, avec des personnes à travers lesquelles le spectateur pourra s’identifier. J’ai voulu aborder, par le problème du manque d’eau, l’impact sur les enfants, sur l’école, la façon dont les femmes sont frappées de plein fouet, etc. L’important a été que tout le monde soit représenté. Maintenant, il est vrai que les voix féminines ont retenu un peu plus mon attention. Notamment à travers le parcours des jeunes filles et des mamans. Elles sont impactées de façon très frontale par le réchauffement climatique, ne serait-ce que quand elles donnent naissance ou qu’elles doivent faire les toilettes. Cette question est cruciale chez elles», a-t-elle expliqué.
Derrière le prétexte du réchauffement climatique se cache la forte capacité de résilience de la gent féminine. En effet, dans ces contrées, les hommes occupés à faire brouter le détail n’ont pratiquement pas le temps pour leur progéniture. Les femmes, à la recherche de la pitance, s’éloignent du village pour travailler comme femmes de ménage dans les villes et abandonnent leurs enfants.
C’est dans ce contexte que Houlaye, adolescente, joue à la fois le rôle de père et mère pour ses frères et sœurs tout en essayant de continuer ses études. «Dans cette communauté peulh wadaabé, les femmes sont souvent amenées à quitter le village pour trouver des moyens de subsistance, faire des tresses, vendre de la pharmacopée, faire du ménage, être employées de maison dans les capitales des pays voisins, etc.
Pendant ce temps-là, elles laissent leurs enfants au village. Ce qui m’a encore plus intéressée c’est comment les enfants se comportent quand leurs mamans ne sont pas là et que leurs papas partent aussi avec les bétails dans les pâturages. Il était intéressant de voir comment une jeune fille est mise à la tête de sa famille, tout ce qu’elle doit endurer et ce à quoi elle doit faire face», explique Aïssa Maïga.
«Houlaye a 14 ans quand ses parents partent et qu’elle doit prendre soin de la petite famille tout en continuant à aller à l’école, l’approvisionner en eau, s’occuper de ses petits frères et surtout garder le moral malgré le manque qu’elle ressent. Donc, la question de comment rendre à l’écran l’extraordinaire force que toute une génération doit mettre en œuvre et la dignité du peuple sahélien était primordiale», a argumenté la réalisatrice sénégalo-malienne.