RICHARD ROBERTS, MADEMBA SÈYE FAMA DE SANSANDING
Cet ouvrage est centré sur Mademba, fils d’un chef du Oualo, né en mars 1852 à St-Louis du Sénégal, où il entamera des études à l’issue desquelles il obtiendra dix-sept ans plus tard un poste de commis dans le service des postes et télégraphes
Cet ouvrage est centré sur Mademba, fils d’un chef du Oualo, né en mars 1852 à St-Louis du Sénégal, où il entamera des études à l’issue desquelles il obtiendra dix-sept ans plus tard un poste de commis dans le service des postes et télégraphes.
Ce sera le début d’une carrière dont la banalité va emprunter un nouveau chemin avec la charge qui lui sera imputée de construire au Soudan français une ligne télégraphique et d’organiser le service y afférent. Tout ceci participait à une stratégie visant à encourager l’implication des autochtones dans la pénétration française en Afrique.
La conquête coloniale avait en effet compris qu’elle avait aussi besoin de chevaux de Troie en somme de supplétifs locaux pour arriver à ses fins. Pour services rendus, les Français en feront ensuite un Fama (roi en bambara), à Sinsani, à douze heures en bateau de Segou, sur la rive gauche du fleuve Niger. Alors qu’il se vivait comme le maître absolu de son territoire, ne se refusant rien, il se verra destitué et assigné en résidence surveillée à Kayes par l’administration coloniale, suite aux nombreuses allégations de malversations et de crimes.
Les enquêtes ayant permis de mesurer que Mademba était victime des jalousies qui distillaient de fausses rumeurs en vue de l’atteindre et de le couler, il sera réhabilité. Un des temps forts de sa rédemption aura été sa visite en France, en particulier le mois passé à Paris, ponctué de plusieurs rencontres avec les journalistes et qui ont permis de réenchanter son récit colonial. Il sera présenté comme la «simplicité même», préférant «être appelé «monsieur» comme un simple blanc».
D’une modernité époustouflante, il méprisait le protocole complexe des visites royales. On découvre dans cet ouvrage que pendant la phase de conquête, les colons avaient pris l’habitude de récompenser les troupes loyales par des parts de butin, en particulier les femmes capturées. Les soldats français prenaient parfois les femmes capturées comme servantes et « épouses de brousse ». Mademba qui fut un « pionnier » pour avoir rendu possible la conquête française en posant les lignes télégraphiques si nécessaires à l’effort militaire nous renseigne ainsi « sur la nature du colonialisme, sur le pouvoir et sur les luttes contre le pouvoir durant la première phase du colonialisme français au Soudan. Comme un déroulé d’archives, l’ouvrage « Mademba Sèye. Fama de Sansanding », nous livre des pans entiers de la tentative de contrôle, de domestication voire de pacification de l’espace colonial avec la mise en collaboration de supplétifs locaux utilisés pour lui servir de bras armés. On y découvre les contradictions internes au projet colonial et leurs répercussions en Afrique occidentale française.
C’est ainsi qu’à la fin des années 1890, la 3e république était secouée par une instabilité politique avec notamment des changements fréquents de titulaires du ministère des colonies. Ce qui n’était pas sans conséquence sur la déroute de la politique coloniale. Mademba, c’est le récit d’un parcours de vie extraordinaire qui met en lumière quelques facettes des mécanismes d’exploitation et de contrôle de la gouvernance coloniale.