MIGNANE DIOUF DU FORUM SOCIAL SENEGALAIS REAGIT FACE AUX PRIORITES HYDRAULIQUES DU SENEGAL
Dans un contexte de changement climatique, Mignane Diouf appelle à reconsidérer les priorités nationales en matière de gestion de l'eau, pointant les récentes crues dans les régions du nord et de l’est du Sénégal
Le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dieye, a récemment annoncé l’annulation du contrat de l’usine de dessalement d’eau de mer sur la Grande Côte, signé sous l'ancien président Macky Sall, soulignant que cette installation présenterait des coûts de production élevés et ne constituerait qu'une solution temporaire. Dans un entretien sur 2Stv, M. Dieye a confirmé que, bien que le gouvernement ne soutienne pas ce projet, il avait encouragé ACWA Power à explorer d’autres perspectives d’investissement au Sénégal. Cette décision de renégociation du projet a suscité des réactions vives de la société civile.
Pourtant, à son retour de voyage qui l’a mené en Turquie et en Arabie Saoudite, le président Bassirou Diomaye Faye a surpris en déclarant que le gouvernement va renégocier avec ACWA Power, en vue de relancer ce projet. Invité à s'exprimer sur le sujet, Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social Sénégalais a précisé que cette décision est "une source de confusion". "Nous avons appris par voie de presse cette déclaration du chef de l'État qui affirme que le Sénégal va renégocier avec les Saoudiens ce projet-là de dessalement sur la Grande Côte," a-t-il déclaré. Pour Mignane Diouf, cette initiative suscite des interrogations : "À l'époque, quand le ministre avait déclaré que ce contrat était arrêté, nous avions applaudi de deux mains, car dès le départ, nous étions contre ce projet en raison des risques environnementaux et des dégâts potentiels " renseigne ce dernier.
L’acteur de la société civile exprime des réserves sur le manque de justification de ce type de projet, rappelant qu'un programme de dessalement est déjà en cours au phare des Mamelles. "Il n'y avait pas donc à notre avis la pertinence d'en faire un deuxième," affirme-t-il. Pour lui, le Sénégal dispose d'une quantité abondante d'eau douce se déversant dans l'Atlantique, notamment à partir de Saint-Louis. Selon lui, il serait plus judicieux d'exploiter cette ressource plutôt que d’investir dans un coûteux processus de dessalement. "Est-ce que ce n'était pas mieux de voir comment orienter toute cette quantité là où on en a besoin au lieu de dépenser des milliards et des milliards de dollars pour un projet de dessalement ?" questionne le coordonnateur du Forum Social Sénégalais.
Les critiques portent également sur le coût du mètre cube d'eau dessalée, jugé "très cher" en raison des coûts de production élevés, ainsi que sur l'impact environnemental des résidus salins qui pourraient nuire à l’écosystème marin. "Les spécialistes nous disent que quand vous les entassez en mer, ça crée des situations qui obligent les poissons à fuir," explique-t-il. Enfin, dans un contexte de changement climatique, Mignane Diouf appelle à reconsidérer les priorités nationales en matière de gestion de l'eau, pointant les récentes crues dans les régions du nord et de l’est du Sénégal, qui ont provoqué des inondations à Matam, Ferlo, et Ranérou. "Compte tenu de tout cela, on aurait dû avoir la priorité ailleurs que d'aller vers un projet de dessalement," conclut-il.
Mignane Diouf rappelle que d'autres renégociations, notamment celle du contrat de gestion de l'eau avec Suez, devraient également être priorisées, en raison de la hausse des factures et des fréquentes coupures d'eau. "Notre position n'a pas varié : environnementalement, économiquement et financièrement, nous pensons qu'on ne gagne pas grand-chose avec ce projet," affirme-t-il, renouvelant son opposition au projet de dessalement de la Grande Côte.
Pour rappel, l’ancien président Macky Sall et Acwa Power avaient signé un contrat de construction et d’exploitation d’une usine de dessalement d’une capacité nominale de 400.000 m3/jour. Ce contrat signé à 6 jours de la fin du mandat de Macky Sall va engager l’Etat du Sénégal sur une période de 30 ans.