POUR SORTIR DE LA TUTELLE MONÉTAIRE
Alors que le Sénégal relance le débat sur le franc CFA, l'économiste Kako Nubukpo préconise quatre mesures d'urgence : mettre fin à sa dénomination coloniale, abandonner la garantie française, réviser la gouvernance de la zone franc...
Lors d'un entretien accordé à Radio France Internationale, Kako Nubukpo, commissaire à l'UEMOA en charge du département de l'agriculture, des ressources en eau et de l'environnement, a plaidé pour une relance du processus de réforme du franc CFA, la monnaie utilisée dans quatorze pays d'Afrique de l'Ouest.
Saluant la décision du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye de remettre cette question sur la table, Nubukpo a déclaré: "C'est important parce que le débat sur le CFA a longtemps été interdit. Et le retour de ce débat, au fond, c'est un peu comme le retour du refoulé. Et quand c'est porté par les autorités en charge du destin des nations, c'est tout de suite beaucoup plus sérieux et beaucoup plus important."
Selon l'économiste togolais, quatre mesures doivent être prises rapidement. Premièrement, "changer le nom de la monnaie" car "pour les jeunes Africains, CFA, c'est toujours Colonie Française d'Afrique." Deuxièmement, revoir la garantie apportée par la France, qu'il juge inutile. "À mon avis, il faut l'abandonner parce qu'elle n'a jamais vraiment servi," a-t-il affirmé.
Troisièmement, Nubukpo préconise de "revoir la gouvernance au sein de la zone franc" et "fusionner les deux traités" régissant actuellement l'espace économique et monétaire ouest-africain, afin de permettre "une meilleure articulation politique monétaire, politique budgétaire."
Enfin, la question cruciale du régime de change de la future monnaie unique doit être discutée "d'emblée avec la CEDEAO", l'organisation régionale regroupant quinze pays d'Afrique de l'Ouest.
Pour relancer les discussions, l'économiste a appelé à l'organisation de "nouveaux états généraux de l'eco" en mai 2025, à l'occasion du 50e anniversaire de la CEDEAO. "Ce serait très bien qu'on puisse avoir une deuxième édition des états généraux de l'eco," a-t-il lancé, suggérant que le Sénégal pourrait accueillir cet événement majeur.
Bien que perturbés par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les coups d'État dans la région, les efforts visant à remplacer le franc CFA par une monnaie commune à l'ensemble de la CEDEAO semblaient au point mort ces dernières années. L'appel renouvelé de Kako Nubukpo pourrait insuffler une nouvelle dynamique à ce processus aux enjeux économiques et politiques considérables pour l'Afrique de l'Ouest.