L'AGRICULTURE AU PRIX DE L'AUTONOMIE
Les femmes sénégalaises sont de plus en plus indépendantes économiquement à grâce au secteur agricole
« Manger local »: avec ce concept à la mode chez les urbains occidentaux, la Sénégalaise Aissatou Tissé a lancé un restaurant qui l’a propulsée au rang de notable à Nganda, commune rurale proche de la Gambie, à cinq heures de route de Dakar.
A une centaine de kilomètres de là, Daba Dione, femme et handicapée, nourrit quant à elle sa famille grâce à un élevage de poules et à une formation avicole qui l’a transformée en référence vétérinaire pour ses voisins de la petite localité de Niakhar, au sud-est de la capitale sénégalaise.
Comme Aissatou et Daba, de plus en plus de Sénégalaises, jusque dans les campagnes reculées, deviennent des piliers d’un système de production agricole largement dominé par les hommes, qui ne parvient pas encore à assurer la sécurité alimentaire de ce pays d’environ 15 millions d’habitants.
Un phénomène encouragé par le Fonds international de développement agricole (Fida), une agence de l’ONU basée à Rome, qui accorde une place croissante aux femmes – et aux jeunes – dans les dizaines de programmes qu’il soutient en Afrique et en Asie, généralement pour une durée de cinq à sept ans.
Les femmes « doivent accéder, au même titre que les hommes, aux capacités financières et aux instances de décision » car elles « jouent un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire en Afrique », explique Khadija Doucoure, responsable technique pour l’Afrique de l’Ouest du Fida.
Si les femmes représentent 43% des travailleurs agricoles dans le monde, ce chiffre grimpe dans certains endroits d’Afrique et d’Asie à plus de 50%, selon un rapport publié par le Fida en 2014. Et les études montrent qu’en fournissant aux agricultrices le même accès aux ressources productives que les hommes, on pourrait sortir de la pauvreté 150 millions de personnes, souligne le Fida.
Sur la période 2010-2015, les aides de ce fonds onusien ont touché 139 millions de personnes dans le monde, dont 11,6 millions de femmes qui ont bénéficié d’initiatives d’autonomisation.
– Moutons, chevaux, semences –
« Je trouve cela très bien si cela contribue à accélérer le développement de l’agriculture » en Afrique, où « les femmes ont plus de difficultés à accéder aux financements, aux semences et aux engrais », commente Jean-Christophe Debar, président de la fondation FARM, un think tank spécialiste de l’agriculture internationale.
Attention toutefois à ne pas « donner l’impression qu’il suffirait de tout focaliser sur les femmes pour que tout aille bien », ajoute-t-il, alors que « les deux principaux problèmes de l’agriculture en Afrique » sont bien plus vastes: « l’accès aux moyens de production (terres, semences, engrais) et l’accès au marché, avec la possibilité de vendre les récoltes à un prix rémunérateur ».