LES MILLES ET UNE ASTUCES POUR EMBELLIR SA TÊTE
Adeptes des belles toilettes, les Sénégalaises sont éternellement hantées par le souci d’avoir une belle tête - Pour ce faire, elles font beaucoup recours à des perruques fabriquées, non pas avec des cheveux synthétiques, mais avec des cheveux naturels
Qu’importe, si ces perruques coûtent les yeux de la tête et qu’il faut se saigner pour en acquérir. Ça c’est si on a les moyens, mais si on est de condition modeste on fait dans la location, à l’image de Fatou Guèye. Trouvée dans un salon de coiffure, la jeune dame qui en connaisseur dit porter «une perruque raide, longueur 32 et couleur noire », négocie âprement la location d’une autre perruque.
Celle qu’elle porte a déjà été vue par ses copines et il lui faut une nouvelle pour parader au mariage d’une de ses amies dont la date est imminente. Ayant jeté son dévolu sur une perruque aux cheveux naturels frisés, elle finit par l’obtenir au prix de 30000 FCFA pour une semaine de location.
Aux anges après ce marché conclu, elle lance dans un sourire : « C’est une honte pour une jeune fille de mettre des cheveux synthétiques lors des fêtes ou de certaines cérémonies. Il est également honteux de toujours mettre la même perruque ».
Convaincu, lui aussi, d’avoir fait une bonne affaire, le propriétaire du salon de location explique que son business consiste à acheter « toutes sortes de cheveux, avant de les louer aux femmes ». Les prix qui dépendent du temps durant lequel la cliente jugera bon de parader avec la perruque, varient entre 15.000 et 50.000 FCFA.
Pour disposer d’une perruque, la cliente peut payer rubis sur l’ongle ou donner une avance, plus le dépôt d’une pièce d’identité qu’elle récupèrera après paiement du reliquat de la location.
Selon les loueurs de perruques rencontrés, ces précautions sont plus que nécessaires car beaucoup de femmes, habitées par la hantise d’être belles, ne jouent pas franc jeu dans leur quête d’une tête bien apprêtée.
Ass Malick Gadiagua, commerçant au marché HLM 5 de Dakar, jure la main sur le cœur que certaines des femmes qui prennent d’assaut sa boutique à l’occasion des fêtes (Tabaski, Korité ou fin d’année), ont les mains baladeuses.
« Parfois, certaines viennent ici et à les voir bien habillées tu penses qu’elles ont des millions dans leur portemonnaie. Que nenni ! Elles n’ont rien et, à défaut, elles ont une petite somme et veulent acheter des cheveux naturels qui coûtent 300.000 FCFA. Si tu ne fais pas attention elles vont te voler », se désole Ass Malick.
Pape Diagne, commerçant au marché Tilène de Dakar, confirme les dires de son collègue des HLM, en avouant avoir lui-même était victime d’une arnaque ourdie par une de ses clientes et dont le dénouement a eu lieu à la police. Après avoir vendu à une jeune fille une perruque de cheveux naturels au prix de 300.000 FCFA, quelle a été sa surprise de la voir débarquer dans sa boutique 48h plus tard pour lui réclamer son argent, au motif que Pape l’avait flouée en lui vendant une perruque fabriquée avec des cheveux synthétiques.
Heureusement pour le commerçant, sa cliente avait mis au parfum de son plan sa sœur laquelle, pas d’accord avec sa démarche, l’avait enregistrée à son insu avant d’avertir Pape Diagne.
« Une fois à la police ; j’ai fait écouter l’enregistrement à l’enquêteur » qui a ainsi débouté l’arnaqueuse de sa plainte, souligne le commerçant, devenu depuis lors très méfiants à l’égard de certaines de ses clientes.
Parlant sous le couvert de l’anonymat, ce commissaire de police reconnait qu’il a eu à recevoir « beaucoup de plaintes portant sur des vols ou des abus de confiance concernant les cheveux naturels ». « Récemment, ajoute-t-il, j’ai déféré au parquet pour vol de cheveux naturels deux femmes, l’une était en état de grossesse très avancée et l’autre avait un bébé de quatre mois».
Toutefois, souligne le commissaire, « nous utilisons, parfois, la médiation pour régler certains conflits, surtout quand le commerçant vend à son client des cheveux de mauvaise qualité ou bien lorsque la cliente n’a pas pu payer à la date convenue ».
Heureusement, il n’y a pas que l’arnaque pour se faire belle. Imaginatives en diables, beaucoup de femmes ont mis en place des tontines pour se procurer la ou les perruques de leur rêve.
« Dans notre service, nous cotisons à chaque fin de mois 20.000 FCFA chacune, puis on achète une perruque pour l’une d’entre nous et ainsi de suite jusqu’à ce que tout le monde obtienne sa perruque », explique Léontine Ndiaye, secrétaire dans une entreprise de place.
Celles qui ne travaillent pas peuvent confier à leur commerçant la gestion d’une tontine de cheveux naturels alimentée par des cotisations périodiques. A ce propos, le commerçant Mamadou Sène reconnait avoir un groupe de filles qui cotisent chaque jour 5000 FCFA jusqu’à concurrence du prix d’une bonne perruque qu’il se fait le plaisir de leur vendre à tour de rôle.