SUPRÊME PHILANTHROPIE
Puiser dans les deniers publics, spéculer avec le domaine public, cultiver la corruption autour des marchés publics, font, toute honte bue, les sources de fortune des plus nantis de chez nous
Mark Zuckerberg, un prophète de notre ère. À 31 ans, ce multimilliardaire en dollars, toujours en tee-shirt et sneakers aux pieds, est prophète de la religion Facebook, dont il refuse de communiquer le nombre total d'adhérents, se contentant de réclamer 2 milliards de membres actifs- beaucoup plus qu'aucune religion révélée ne compte. Rien que pour cela, une œuvre si bien inspirée et menée de main de maître au rang de succès mondial par quelqu'un d'à peine vingt cinq ans à l'époque, fait de ce jeune homme un modèle pour toute sa génération, à travers le monde.
Adhérer à Facebook revient à contracter de nouvelles habitudes, contraint en cela par le virus de la connexion quotidienne, voire permanente, qui l'accompagne et toutes les sujétions qui vont avec. Ainsi les adeptes vouent un culte à cette connectique mise à leur disposition par Facebook de Mark Zuckerberg, qui leur permet de développer des relations à distance, d'échanger entre eux et partager des moments de leur vie, avec une liberté contagieuse incomparable à celle qu'offre les relations de proximité et même familiales.
Nous sommes 7 milliards sur cette planète, quand plus de deux milliards d'individus de tous âges forment une communauté connectée dont les membres s'adonnent fidèlement aux mêmes activités quotidiennes, simultanément, cela change la vision et le cours de l'humanité toute entière. En cela les réseaux sociaux, pris ensembles, s'apparentent à une religion. Malgré tout Mark Zuckerberg qui en est le pionnier regarde le monde changer sous son impulsion, les milliards s'accumulés dans ses comptes, tandis que lui demeure le même- toujours le même habit (au sens figuré comme au sens propre) et la même simplicité de mise. Il se fait oublier, jusqu'au moment où, porteur d'une inspiration divine censée élever les paradigmes des valeurs humaines, il se distingue de nouveau par un acte inédit qui le rappelle à notre bon souvenir.
Le dernier de la liste, posé à la naissance de sa première fille il y a quelques jours : la décision prise à cette occasion de céder, pour le reste de sa vie, 99% de ses parts de Facebook, valant actuellement 45 milliards de dollars, à une fondation philanthropique à créer, pour la promotion d'un monde meilleur et l'égalité des chances de tous les enfants de cette planète. Devant une telle grandeur d'âme, provenant d'un si jeune homme, il y a certes pour nous des enseignements à en tirer.
Pour moi le record établi par ce geste du plus jeune des fortunés a davantage à voir avec l'essor de paradigmes, qu'à la philanthropie et c'est là une conviction que je tire d'un de ses principes qu'il a eu à exprimer : "Vivre comme si la peur n'existait pas". Parce qu'il est vrai qu'il n'est pas le premier milliardaire à plaider pour une philanthropie extrême. Avant lui Warren Buffet avait entamé dès 2006 la cession graduelle de toutes ses parts dans des œuvres de charité. Ensemble avec le couple Bill et Melinda Gates, réputés pour le caractère extrême de leurs charités, ils avaient en 2010 lancé une campagne de donations, à laquelle avaient fini par souscrire plus de 130 milliardaires en dollars, de 14 pays différents. Seulement, Bill Gates (60 ans) pourrait être le père de Mark Zuckerberg, Warren Buffet (85 ans) son grand-père : c'est cette différence d'âge entre ces pionniers et le patron de Facebook, qui donne un cachet plus symbolique à son action que le simple fait de les avoir surpassés par le pourcentage de ses parts cédées.
Ce geste devrait nous parler à nous Sénégalais. Cette manne financière viendra assurément financer nos impuissances chroniques, postées en requêtes permanentes de sollicitations à l'adresse des donneurs ; alors dans l'attente de cette immanquable obole, ne ratons pas l'occasion de bien méditer le sens prééminent de cet acte pédagogique.
Commençons par distinguer et louer ce qui est louable et constant d'où que cela vienne. Nos prêcheurs, stars du petit écran ou des tentes qui, pour dire le moins, embarrassent insolemment la voie publique, doivent revoir leurs copies et arrêter de nous faire croire que nous, Sénégalais, incarnons le bien et le blanc le mal ; que le paradis est pour le pauvre et l'enfer pour le riche ; que la foi religieuse est l'antithèse du progrès scientifique et technologique. Comme si les riches s'étaient enrichis et les savants avaient acquis leurs connaissances à l'insu et en dépit de la toute puissance divine.
Pourquoi ne réfléchissent-ils pas sur une chose : le changement des habitudes et de ce qui en est la cause directe ? Quand par exemple vous allez à la mosquée le vendredi, vous entendez depuis quelques années, l'imam demander avant de commencer la prière, d'éteindre les téléphones portables : c'est dire combien nos habitudes ont changé grâce à une technologie importée. Même l'Imam ne se passe plus de son portable, voire son Ipad. Du moment que ces changements sont inéluctables, adaptons un discours cohérent et soyons véridiques.
Ici chez nous, ce sont des pères de familles entre l'âge de Gates et Buffet, honorés d'un statut privilégié, qui détournent des milliards de francs Cfa des deniers publics et les mettent à la disposition de leurs femmes et enfants, qui les dilapident ostensiblement. Ici, des religieux notoires croupissent en prison pour escroquerie, après nous avoir berné de sermons légendaires bons à leur attirer des millions de subsides. Chez nous des plus jeunes que Zuckerberg chipent des millions de francs, des caches de leurs parents délinquants, pour les flamber dans les boites de nuits. Nos milliardaires les plus excentriques n'ont eu comme activité lucrative que la politique.
Puiser dans les deniers publics, spéculer indûment et sans scrupules avec le foncier réputé le plus prisé du domaine public, cultiver ignoblement la corruption autour des marchés publics, des droits et services administratifs, font, toute honte bue, les sources de fortune des plus nantis de chez nous. Rien qui fasse avancer la société, au contraire, tout pour en précipiter la ruine.
Quel contraste ! De ce coté rien que pour de l'ostentation, l'argent est une obsession que l'on poursuit pathologiquement et abominablement jusqu'à 99 ans, voire plus, quand le sort le veut bien. De l'autre coté, dans la communauté des gens dont l'humilité et la simplicité n'accordent la moindre place à l'ostentation dans leur esprit, contribuer de par son imagination, son audace et ses efforts à la promotion d'un monde meilleur et plus équitable est érigé en une culture, objet et sujet de tous les sacrifices. Autant dire que si Satan a pu créer ou impacter quelques créatures, ces derniers ne sont pas de ceux là. Seul Dieu a pu créer et inspirer de si nobles créatures, modèles utiles à l'humanité.
À l'heure où je suis en train d'écrire cet article j'apprends que Zuckerberg vient encore de s'illustrer par un autre acte en rapport avec le terrorisme islamiste et les propos du candidat Donald Trump, qui propose de bannir les musulmans d'entrer aux Etats-Unis : il vient d'exprimer sa solidarité aux musulmans du monde qui souffrent de l'instrumentalisation de leur religion et de discriminations consécutives. Contrairement à Trump, Zuckerberg dit qu'il n'y a pas de place pour la haine et la discrimination sur cette planète; c'est ce que ses parents juifs lui ont enseigné.
Ce que nous pouvons retenir à travers cela, tous ces comportements qui plombent notre société, comparativement à ceux qui la font progresser, est que Satan est à chercher dans les coins et recoins des cœurs et esprits, qu'il a fini de corrompre, quels que soient la religion, la race, la classe sociale ou le genre de l'individu.