ÉGAL ET LIBRE ACCÈS AUX MÉDIAS PUBLICS : DISTORSIONS À LA PELLE !
Pendant que les autres candidats sont occupés à passer tout leur temps au Conseil constitutionnel, qui pour contester un parrainage non pris en compte, qui pour contester la légalité de la candidature de l’autre concurrent, celui du pouvoir déroule.
Par Ibrahima Anne
Pendant que les autres candidats sont occupés à passer tout leur temps au Conseil constitutionnel, qui pour contester un parrainage non pris en compte, qui pour contester la légalité de la candidature de l’autre concurrent (Tiens, tiens !!!), celui du pouvoir déroule. Et la Société nationale de Radiotélévision sénégalaise, créée en 1992 (loi no 92-02 du 6 janvier 1992), largement subventionnée sur les fonds publics, sert la Majorité : le candidat Amadou Bâ et son «directeur de campagne», le Président Macky Sall, himself.
Depuis qu’il a été critiqué sur son style, trop mou au goût de Souleymane Jules Diop ou de Bibi Baldé, le Premier ministre est comme dopé et ne se prive plus d’antenne…et d’écran. Toutes les occasions sont bonnes pour occuper l’espace médiatique. La semaine passée, le PM-candidat était dans le Sud où les inaugurations et lancements de travaux se sont succédé. Candidat comme les autres, mais pas tout à faire comme les autres, Bâ profite de son statut de Premier ministre pour dérouler ses activités et se mettre sous les projecteurs avec le vernis «activités gouvernementales» qui lui permet d’échapper aux oukases du Cnra et de bénéficier d’un traitement médiatique grandeur nature, notamment par les médias du service public.
Son «directeur de campagne» occupe le reste de l’espace. Dimanche passé, ce sont quasiment plus de six heures de direct que le président de la République sortant et chef de file de Benno Bokk Yakaar s’est offertes pour l’inauguration du Bus rapid transit (Brt). Mardi, le chef de l’Etat faisait le bilan de ses actions sur l’équité sociale avec les structures qu’il a créées que sont le Pudc, le Puma, la Cmu et autres Promovilles.
Vendredi, «Kor Marème» était à Saint-Louis pour l’inauguration de la nouvelle agence de la Bceao. Cela pue propagande déguisée à mille kilomètres à la ronde ! Alors, au «20 heures» de la Rts, si ce n’est pas le PR, «directeur de campagne», c’est le PM-candidat. Le Cnra qui ne se prive pourtant jamais une occasion pour rabrouer voire taper sur les médias privés, coupables des gestes supra, fait le dos rond. Se contentant de rappeler les règles, comme dans son communiqué publié en milieu de semaine dernière.
Revient ainsi en surface un débat que l’on croyait vieillot sur l’accès équitable des partis politiques aux médias, d’Etat notamment. Une vieille rengaine des années 90 qui ornait les «cahiers de doléances» de l’opposition d’alors tout comme le fichier électoral est la tasse de thé de l’actuelle opposition. Un grand bond en arrière et une résurgence d’exigences futiles au moment où les enjeux en débat devaient porter sur la gouvernance des ressources pétrolières, gazières et minières, la sécurité nationale pour un pays ceinturé par des Etats soit gangrénés par le narcotrafic et/ou ayant à leur tête des juntes militaires.
S’y ajoute que notre pays est la porte d’entrée du Sahel noyauté par la pieuvre terroriste. Mais, non ! On est dans le divertissement (entertainment, pour parler comme les Anglais). Hélas, d’ici aux élections et même après, l’opposition va continuer à dénoncer les règles pendant que le jeu se déroule sous ses yeux. Et le pouvoir va poursuivre la propagande autour de ses réalisations avec la complicité de la Rts, bien de tous, mais au service de quelques-uns. Au nez et à la barbe de Babacar Diagne et compagnie qui, eux, vont continuer à menacer, sur un ton comminatoire et paternaliste, les médias privés (les pauvres !) qui, seuls, devraient mériter le regard du gendarme de l’audiovisuel.