LE FLÉAU DE LA PRÉCARITÉ SECOUE LA PRESSE
Une étude de la CJRS dresse un constat peu reluisant des conditions de travail des journalistes au Sénégal : contrats précaires, salaires insuffisants, absence quasi-totale de protection sociale
Contrat, rémunération, cotisations sociales, couverture maladie : la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) a dressé un tableau peu reluisant des conditions de travail des journalistes dans une étude rendue publique à l’occasion de la Journée de la liberté de la presse célébrée ce vendredi.
Plus de 200 jeunes professionnels ont répondu au questionnaire sur la nature de leurs contrats, le niveau de leurs rémunérations, le respect des cotisations à l’IPRES et à la Caisse de sécurité sociale, selon l’étude dont l’APS a eu connaissance.
‘’La plupart se contentent du minimum : des salaires à la fin du mois. Et même là, c’est la croix et la bannière pour ceux qui en ont. Beaucoup sont dans le bénévolat le plus triste, souvent obligés de dépendre des subsides immorales que leur donne indument certains organisateurs d’activités et qu’on appelle pompeusement perdiem’’, lit-on dans le rapport.
Sur 216 travailleurs des médias interrogés, 23,1% disent avoir des contrats à durée indéterminée (CDI) contre 22,2% de CDD), soit au total 45,3%. 17,1% ont soutenu avoir des contrats de prestation contre 11,1% de stagiaires. Les 26,4% n’ont aucun lien contractuel avec leurs employeurs, détaille l’étude.
‘’L’étude montre également que parmi ceux qui disent avoir des contrats, il y en a qui n’ont pas d’exemplaires de leurs contrats. Sur les 183 personnes ayant répondu à la question, seuls 33% disent détenir un exemplaire de leurs contrats de travail, contre 61,7% qui n’en ont pas. Les autres n’ont pas de réponse’’, mentionne le rapport.
L’enquête a révélé que 31,5% des travailleurs ayant répondu au questionnaire n’ont pas de salaire. 68,5% bénéficient d’une rémunération.
Selon l’étude, ‘’très peu d’entreprises respectent les barèmes prévus par la Convention collective’’, alors que ‘’c’est la croix et la bannière dans beaucoup d’organes de presse’’ pour percevoir son salaire.
Les résultats de l’enquête indiquent que 18,5% des personnes interrogées ont des rémunérations en deçà de 75000 francs ; 14,8% entre 75000 et 100000 francs ; 14,8 entre 100000 et 150000 francs ; 10,2% entre 150000 et 200000 FCFA.
Les travailleurs ayant un salaire dépassant la barre des 300000 francs sont estimés à 7,9%, tandis que ceux qui ne relèvent d’aucune de ces catégories sont autour de 20,4%.
Selon l’étude, ‘’la plupart des personnes ayant participé à l’enquête sont des reporters, soit plus de 77% ; 9,3% ont dit être des rédacteurs en chef’’.
Sur la régularité du paiement des salaires, 54,2% de l’échantillon ont répondu qu’ils sont payés au-delà du 8 du mois. Environ 45% perçoivent avant cette échéance conformément à la législation.
L’étude relève que 77,7% des personnes enquêtées disent n’avoir pas de bulletins de salaires contre 22,3%.
Elle note que dans les entreprises de presse, ‘’les obligations sociales ressemblent plutôt à un luxe hors de portée de la plupart des reporters’’.
Sur les 215 personnes interrogées, ‘’86% disent ne pas être pris en charge par leur entreprise quand ils sont malades’’ et n’ont pas de numéro IPRES.
La CJRS souligne que les professionnels des médias, ‘’mal payés, dépourvus de toutes couvertures sociales, font partie de ceux qui travaillent le plus et les moins protégés’’.
L’enquête montre qu’environ 34% seulement travaillent 8 heures par jour ; 30,7% entre 8 et 10 heures ; 34,4% plus de 10 heures de temps de travail par jour.
Sur le plan syndical, l’étude a également montré que ‘’le droit de syndiquer est un véritable luxe dans le milieu de la presse’’.
En effet, seuls 14,9% disent être affiliés au SYNPICS, qui est la principale organisation de défense des reporters. En revanche, 23,3% ont répondu qu’il existe une section SYNPICS dans leurs rédactions.
Pour corriger ce tableau, la CJRS recommande, entre autres, de ‘’veiller à l’effectivité des règles prévues par le Code de la presse pour toute entreprise dans le secteur’’ et d’exiger la transparence dans la gouvernance des entreprises de presse.
Elle demande la création d’un environnement propice pour le développement des médias ; la mise en en place d’une fiscalité adaptée et allégée pour le secteur de la presse ; la multiplication des visites de contrôle de l’Inspection du travail et du contrôle social dans les entreprises de presse.
La CJRS demande de ‘’fermer tout simplement les entreprises qui ne parviennent pas à respecter un minimum de conditions exigées par la législation en vigueur, malgré le soutien de l’Etat’’ et de ‘’mettre fin à la concurrence déloyale entre de pseudo entreprises qui n’ont aucune obligation et d’autres qui s’efforcent d’être en conformité avec les lois, ainsi que les règles d’éthique et de déontologie’’.
La CJRS, créée il y a 20 ans, se présente comme une association à but non lucratif dirigée par un Bureau exécutif national sous la supervision du Comité directeur et est représenté à l’intérieur du pays par des cellules zonales (Nord, Sud, Est, Ouest et Centre).
Elle a objectif principal de ‘’renforcer les capacités des reporters sur toute l’étendue du territoire, à travers des sessions de formations continue et des bourses’’ qu’elle offre à ses membres.