LA CÉSARIENNE, NÉCESSITÉ OU EFFET DE MODE ?
Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne - Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile
L’ère des césariennes. Ce n’est pas un abus de langage. Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne. Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile au Sénégal.
Fatou Mbaye, trouvée à un arrêt d’autobus, tient son nourrisson dans les bras. Elle vient de sortir de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye. L’expression faciale voile la fierté d’avoir donné la vie. Elle affiche un entrain contrastant avec l’intervention chirurgicale qu’elle a subie. «Les césariennes, j’ignore pourquoi, sont devenues fréquentes. Après le respect de toutes les consultations prénatales, au bout du compte, j’ai accouché par césarienne », raconte la dame.
Ndèye Amy Sakho porte, elle, son bébé sur le dos. Elle avance, d’un pas discret, vers l’arrêt d’autobus. Cette femme de teint clair a accouché par voie basse. Mais, elle s’étonne que beaucoup de femmes subissent une intervention chirurgicale pour donner naissance. Dans la banlieue, d’autres personnes ont aussi constaté la fréquence de cette pratique. Comme par enchantement, beaucoup de bébés naissent par accouchement artificiel. Mame Diarra Fall, hésitante au premier contact, délivre une analyse similaire à celle de nos deux précédentes interlocutrices. « J’ai l’impression qu’il y a plus d’accouchements par césarienne que par voie basse. Il faut reconnaître que ce sont parfois les femmes qui l’exigent », confesse-t-elle. Au quai de débarquement de Hann village, le rivage grouille de monde. Les femmes marchandent les prix des poissons fraichement débarqués des embarcations. Yacine Wade, une vieille dame, s’éloigne de cette effervescence. Elle attend d’autres pêcheurs. Elle ne regarde pas plus loin pour expliquer la fréquence des accouchements artificiels. « De nos jours, il y a trop de problèmes sociaux au sein des familles. Lorsque vous baignez dans cette situation durant toute votre grossesse, il y a de fortes chances que vous ayez des problèmes lors de l’accouchement », analyse-t-elle.
Au bord de cette plage, où ne cessent de déferler des vagues, la brise transporte d’autres idées et apportent d’autres arguments. Mbodj Sow, plus jeune, ne rame pas à contre-courant de la vieille. Mais, elle nous plonge dans la modernité. Elle associe les complications évoquées par notre précédente interlocutrice lors de l’accouchement à l’usage des contraceptifs. « Auparavant, c’était rare d’entendre qu’une femme a accouché par césarienne. Aujourd’hui, c’est presque devenu normal. Je pense que c’est le planning familial qui est à l’origine de la fréquence des césariennes. Aussi, il est plus facile d’accoucher sans complications en étant plus jeune que lorsque l’on dépasse la trentaine », confie-t-elle.
Dans des postes de santé,comme celui de Yarakh, l’occurrence n’émeut pas les praticiens. La césarienne a sauvé des vies. La technique a fait chuter les taux de mortalité maternelle et infantile.
Les sages-femmes rencontrées veulent que l’on regarde plus ces aspects que la fréquence. Toutefois, cette fréquence est aussi symptomatique de l’accessibilité à cette pratique médicale. Le Sénégal a rendu gratuites les césariennes dans le cadre de la Couverture maladie universelle (Cmu).
TENDANCES : LES CÉSARIENNES DE CONVENANCE TIRÉES PAR LE NIVEAU DE VIE
Le requérant d’une prestation médicale a le droit de choisir son protocole de traitement. Les femmes jouissent de plus en plus de ce droit lors de l’accouchement : c’est la mode des accouchements de convenance.
Les césariennes de convenance sont un effet de mode dans les pays développés. Certaines femmes qui ont un certain niveau de vie optent pour l’accouchement artificiel. Elles se payent le luxe de se soustraire de la souffrance liée à l’accouchement par voie basse. « Il y a des femmes au niveau de vie élevé qui demandent presque, de façon systématique, d’accoucher par césarienne », rapporte le gynécologue Sédouma Yatéra, par ailleurs médecin-chef de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye.
Au Sénégal, dans des structures de santé comme Roi Baudouin, les femmes n’exigent pas pour le moment le recours à l’intervention chirurgicale pour donner naissance. Par contre, des intellectuelles ayant un certain pouvoir d’achat ont la liberté de faire le choix dans des cliniques. « Nous n’avons pas encore noté de femmes qui prennent la décision de recourir à une césarienne. Par contre, elles se rendent le plus souvent dans des cliniques pour cela », informe le gynécologue.
La fréquence des taux d’accouchement par césarienne est associée à la typologie de la population, à leur pouvoir d’achat. Le recours à cette technique est fréquent aussi bien dans les pays développés que dans ceux en voie de développement. Lorsqu’elle est médicalement justifiée, elle peut sauver des vies. Par contre, l’Oms n’a pas encore démontré que l’accouchement par césarienne, lorsqu’elle n’est pas nécessaire, a des effets bénéfiques. Pour l’Oms, « la priorité ne devrait pas être d’atteindre un taux spécifique, mais de tout mettre en œuvre pour pratiquer une césarienne chez toutes les femmes qui en ont besoin ».
ZOOM SUR… HOPITAL ROI BAUDOUIN : UNE RÉPUTATION BÂTIE SUR LE RECOURS ADÉQUAT À LA CÉSARIENNE
L’hôpital de niveau 1 Roi Baudouin change de statut et conserve sa bonne réputation. Le recours à la césarienne y a entraîné la baisse de la mortalité maternelle et néonatale. Un indicateur : sur 7000 accouchements en 2015, seuls 7 décès maternels ont été enregistrés. Et ces cas n’ont pas été suivis dans cette structure sanitaire.
Le temps est suspendu à la salle des post-opérées de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin situé à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise. Deux femmes sont dans les couloirs. A travers la porte entre-ouverte, on aperçoit des sages-femmes assises. Derrière elles, des piles de papiers sont disposées sur des étagères. La plus âgée nous ouvre la salle. Celles qui viennent de subir la césarienne sont toutes allongées. Deux d’entre-elles se sont réveillées. L’une, Nogaye Guissé, affiche le sourire ; une de sage-femme soulève son nourrisson. « Oui, je me porte bien. Tout s’est bien passée », confesse la dame sur un ton encore empreint de fatigue.
Au fond, à l’angle opposé, Absa Sène pousse aussi un ouf. Son bébé dans les bras, elle laisse apparaître des traits de soulagement. Le temps de la peur est derrière elle. Mais, elle se rappelle encore de la décision des praticiens de faire recours à cette technique. « Lorsqu’on m’a annoncé que je devais faire la césarienne, j’avais peur. Mais finalement, ce n’est pas si compliqué. L’essentiel, c’est d’être bien portant et que l’enfant soit né dans les meilleures conditions », partage Mme Sène.
Ce compartiment est particulièrement calme. L’envers du décor au hall des salles de consultations et d’échographie. Ici, il n’y a pas de places assises sur les bancs attenants aux murs. Sur les bancs en bois jouxtant les 4 murs, des femmes, certaines la mine triste, sont visiblement impatientes. D’autres se plaisent à regarder les émissions matinales diffusées sur un écran suspendu.
Quelques unes sont debout ou s’adossent au mur près de la porte de la salle d’échographie. La maternité de Roi Baudouin conserve sa bonne réputation en matière de prise en charge des accouchements. « Entre les mois de juillet et novembre, nous sommes souvent débordés. Et lorsque nous évacuons les femmes vers d’autres structures où elles ne sont pas prises en charge, nous recevons des critiques. C’est un gros problème », informe le gynécologue Sédouma Yatéra.
Jusqu’à midi, les deux halls des salles de consultations refusent du monde. Cet Etablissement public de santé a bâti, au fil des années, sa réputation sur la prise en charge des bébés prématurés, les accouchements par césarienne. Le flambeau est entretenu, suscitant l’espoir dans un milieu défavorisé. « Sur 7000 accouchements en 2015, nous avons eu 7 décès. La pratique de la césarienne a contribué à la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin », affirme le Dr Yatéra.
Dans les couloirs, les sages-femmes échangent avec d’anciennes malades. La distance entre les praticiens et les malades semble s’effacer. Les allées sont aménagées et ornées de bois disposés en forme d’œuvre. Des plantes ornementales peuplent les jardins. Mais, l’embellissement va envahir les salles d’accouchement. Le décor devant, avant tout, avoir une incidence positive sur la prise en charge des femmes. « Nous allons humaniser les salles d’accouchement. Pour le bloc opératoire, nous venons de recevoir un équipement », révèle la directrice du centre hospitalier, Ramata Danfakha Bâ. La ruée vers Roi Baudouin ne date pas de l’effectivité de la gratuité des césariennes. Cette structure sanitaire, avec l’aide des partenaires, avait conçu des tarifs forfaitaires pour les césariennes avec une contrepartie des aides des partenaires. « Nous recevons des femmes, rapporte le gynécologue, qui nous viennent de Thiès, Rufisque et des autres parties de Dakar ». Le défi est de maintenir le cap.
RAMATA DANFAKHA BA : « LES GENS NE PRENNENT PLUS DE RISQUES »
L’administratrice du centre hospitalier Roi Baudouin de Guédiawaye analyse la fréquence des césariennes par la culture de la prévention des conséquences néfastes et pour la femme et pour l’enfant. « Les gens ne prennent plus de risques, parce que si les accouchements durent, cela peut avoir des conséquences pour la femme et l’enfant », explique Mme Bâ qui s’est d’ailleurs félicitée de la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin.
TRAJECTOIRE OU EN VEDETTE : HAWA CISSOKHO, SAGE-FEMME, UNE GARDIENNE DU TEMPLE SENSIBLE À L’ÉVOLUTION DE LA SCIENCE
Dans les couloirs de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin, Hawa Cissokho traine humblement sa silhouette qui en dit long sur son humilité. Pourtant c’est l’une des plus anciennes sages-femmes de l’établissement. Elle fait partie de la vieille garde ouverte à l’évolution des techniques des accouchements.
Hawa Cissokho regagne, presque sur la pointe des pieds, le gynécologue Sédouma Yatéra qui se dirige vers les salles des post-opérées. Le médecin la salue de façon amicale. La dame est souriante. Depuis une trentaine d’années, cette praticienne essaie de transmettre de l’entrain aux femmes qui arrivent dans cet hôpital parfois le visage fardé de frustration. L’entretien avec elle peut se résumer à revisiter l’histoire des accouchements au fil des années à Roi Baudouin. Elle campe sur les valeurs élémentaires de l’exercice de leur profession. « Une sage-femme doit être accueillante. Elle doit se mettre à la place de la femme qu’elle reçoit. Elle essaie de la comprendre », confie Mme Cissokho. Elle n’infléchit pas sur ses principes. Par contre, elle est ouverte aux flux de l’évolution des techniques et des sciences dans le domaine de la médecine.
L’un des plus anciens agents de Roi Baudouin nous plonge, avec humilité, dans l’histoire de la prise en charge des accouchements dans cette structure sanitaire. « Il y a eu toujours des affluences pour les accouchements. Je rappelle que, bien avant la gratuité, nous avons eu un forfait. Et des femmes venaient pour en bénéficier. C’est une structure sanitaire qui est connue pour son expérience en matière de prise en charge des accouchements ; même les taximen connaissent bien Roi Baudouin », explique-t-elle en souriant.
Des années 80 à nos jours, admet-elle, il y a une grande différence. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes qui accouchent par césarienne. L’expérience inspire la sagesse, la prudence.
Hawa Cissokho parle doucement. Elle pèse et soupèse ses idées avant de les transmettre. Son débit lent est certainement symptomatique de sa timidité. Ce qui est clair, sa disponibilité ne fait pas l’ombre d’un doute. En plus d’avoir accepté l’interview presque sans protocole, elle nous conduira à la salle des post-opérées où elle rassure des dames à accepter d’échanger avec nous.
Dans sa blouse rose, un foulard voile sa tête. Elle sort de sa timidité lorsqu’on prête à toutes les sages-femmes des comportements peu catholiques. « Je pense qu’il faut relativiser. Les sages-femmes font beaucoup de sacrifices. Elles essaient d’offrir le meilleur d’elles-mêmes pour répondre aux besoins des femmes. Parfois elles sont débordées, elles sont surchargées sur le plan du travail. Les populations doivent les comprendre», analyse cette native du quartier Pont de Tambacounda. D’ailleurs, c’est dans cette ville que Hawa Cissokho est tombée sur le charme de ce métier en lisant le journal « Bingo ». « La passion du métier m’est venue en lisant le journal « Bingo » où une sage-femme de Dansi Camara racontait son travail. J’étais émerveillée. Je voulais être à sa place. C’est ainsi qu’en classe de Première je me suis présentée au concours d’entrée à l’Ecole des sages-femmes », se remémore-t-elle.
La passion nourrit cette dame qui est contente de soulager ses camarades. « Après les accouchements, certaines nous demandent ce qu’elles peuvent faire pour nous. Je leur réponds que votre paix intérieure est largement suffisante », dévoile la sage-femme dont la vocation est restée intacte malgré des décennies passées dans les maternités.
LA PAROLE À… DR SEDOUMA YATERA, MEDECIN-CHEF DE LA MATERNITE DU ROI BAUDOUIN : « L’AUGMENTATION DES CÉSARIENNES DOIT SERVIR À BAISSER LES MORTALITÉS MATERNELLE ET INFANTILE »
L’augmentation de la prévalence des césariennes doit servir à baisser la mortalité maternelle et infantile. C’est l’esprit que le gynécologue de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye, Dr Sédouma Yatéra, confère à l’inflation de cette technique médicale. Dans cet entretien, il révèle que les césariennes ont influencé la baisse des taux de mortalité maternelle et néonatale dans cette structure sanitaire.
L’hôpital Roi Baudouin a enregistré une baisse de la mortalité maternelle. Quels sont les facteurs qui ont été déterminants ?
Nous avons une longue tradition de prise en charge des accouchements de manière générale et des césariennes en particulier. Cela, depuis que l’établissement était un centre de santé. Nous enregistrons entre 4000 et 6000 accouchements par an. Pour l’année 2015, sur 4235 accouchements, il y a eu 1100 césariennes. Lorsqu’on le fait le ratio, on se retrouve avec un taux de césarienne qui tourne autour de 22 et 25 %. Mais, il convient de préciser qu’il y a des césariennes qui sont obligatoires. Pour ces cas, nous ne pouvons pas ne pas recourir à l’intervention chirurgicale. En fait, nous prenons en compte les indications liées soit à l’enfant, soit à la pathologie de la mère, et nous classons cette dernière dans la catégorie des césariennes de prudence. Pour ces cas-là, nous jugeons entre l’état maternel et l’état fœtal pour voir si c’est mieux de faire une césarienne pour sauver l’enfant ou encore voir est-ce que l’acte chirurgical ne va pas éviter que les complications de la mère n’évoluent vers une complication.
Est-ce qu’il y a une augmentation des césariennes au Sénégal ?
Il y a une inflation, une tendance à une augmentation des césariennes. Au cours des dix dernières années, l’OMS a établi une fourchette de 10 à 15% de taux de césarienne par rapport au nombre total des accouchements. Ces normes de l’Oms sont dépassées depuis longtemps dans les pays développés. Si nous prenons le cas de la France, elle avait un taux de césarienne de 10 %. C’était dans les années 80. En 2015, son taux est de 22%. La France avait la prévalence la plus faible en Europe. Le Royaume-Uni est à 33%. Dans l’Amérique du Nord, c’est la flambée. Le taux oscille entre 34 à 36%. Il y a des pays où des exemples sont frappants. Le Brésil est à 47 % de taux de césarienne alors qu’en Turquie, une femme sur deux accouche par césarienne. Au Sénégal, une étude réalisée par le Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec dans les établissements sanitaires où la césarienne était pratiquée avait révélé une moyenne de 31% avec des extrêmes tournant entre 26 à 35%.
Est-ce que cette augmentation des césariennes a une influence sur la baisse de la mortalité maternelle et infantile ?
Il faut retenir que l’augmentation de la prévalence des césariennes n’est pas mauvaise si elle doit contribuer à baisser le taux de mortalité maternelle et néonatale. Le but recherché à travers la césarienne, c’est de baisser le taux de mortalité. Par contre, nous devons éviter que cette flambée n’influe sur la réduction de la mortalité.
Au Sénégal, selon l’EDS 5 (Enquête démographique et de santé), nous sommes à 392 décès pour 100.000 naissances vivantes. L’Afrique de l’Ouest est la région qui a le taux le plus élevé au monde. Au total, 1020 femmes décèdent sur 100.000 femmes qui accouchent chaque année, alors que ce ratio est de 36 femmes pour 100.000 naissances vivantes pour toute l’Europe. Comparaison n’est pas raison, mais il y a une grande différence. Le gap est énorme. Donc, nous avons besoin de cette pratique pour sauver davantage de vies. A Roi Baudouin, on a une longue tradition de la gratuité. Depuis 2004-2005, nous avons mis en place un kit forfaitaire pour les accouchements par voie basse et un autre pour la césarienne. Maintenant nous avons la politique de gratuité qui a facilité l’accessibilité. Je dois dire que la Cmu compense l’établissement après la présentation des états. Je dois aussi préciser que cette accessibilité est plus liée aux indications médicales qu’à l’accessibilité financière.
Lorsqu’une femme ne peut pas accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, quelles sont les conséquences auxquelles elle est exposée ?
Si elle ne peut accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, elle court le risque de rupture de son utérus. Parce qu’il y a des contractions. L’enfant ne peut pas passer par le bassin osseux. Il y a un conflit entre l’enfant et le bassin maternel. L’utérus ne va pas supporter les contractions. Il va se rompre. Et il y aura des conséquences comme l’hémorragie qui est la première cause de mortalité lors des accouchements au Sénégal. La deuxième cause, c’est l’hypertension artérielle et les autres complications. Si la femme a une hypertension artérielle, elle convulse, c’est-à-dire qu’elle fait des crises. Et si vous ne faites pas la césarienne dans l’immédiat, elle continuera à saigner, son placenta va décoller et s’en suivront des complications qui peuvent emporter l’enfant. La césarienne doit être faite au bon moment pour prévenir des conséquences fatales aussi bien pour l’enfant que pour la mère.
PAR AILLEURS… SAVOIRS ENDOGENES ET GESTION DES GROSSESSES : LE SECRET D’INVERSER LES CAS COMPLIQUÉS
Les détentrices des savoirs endogènes ont le secret d’inverser des cas de grossesse devant déboucher sur un accouchement césarisé. Fatou Cissé fait partie de celles qui ont réussi à soustraire des femmes des accouchements artificiels. Toutefois, elle n’a pas la solution à tous les cas.
Elles sont dans leur coin. Elles refusent de se mettre au-devant de la scène. A la Cité Fadia comme à Grand Yoff en face de l’arène Adrien Senghor, les femmes détentrices de savoirs endogènes gardent jalousement leurs secrets. Elles puisent dans leur riche patrimoine pour soigner des nourrissons et bien gérer des grossesses compliquées. « J’ai réussi à inverser certains processus d’accouchement par césarienne », confesse Fatou Cissé. Elle ne se glorifie pas de ses pouvoirs. A chaque cas inversé, elle est emplie de satisfactions. Le soulagement de ces dames traumatisées qui se présentent chez-elle est une fin en soi. La rentabilité financière n’est pas une primauté pour cette dame qui commence à blanchir sous le harnais. Mais, elle n’a pas la réponse à tout. « Je ne peux rien faire contre certains cas. Je conseille à la femme de se rendre à l’hôpital. Il y a aussi le fait que l’accouchement par césarienne peut intervenir au dernier jour avant l’accouchement », fait remarquer la conservatrice des savoirs endogènes. Elle a indexé au passage le régime alimentaire des femmes enceintes qui boivent abondamment de lait, s’alimentent avec beaucoup de viandes et de la pâtisserie qui font grossir l’enfant dans le ventre. « Je dis toujours aux femmes de prendre moins de lait, de pain et tous les aliments pouvant favoriser la prise de poids du bébé. Si ce dernier grossit dans le ventre, il est évident qu’il y aura toutes les chances que la femme accouche par césarienne », s’exprime la dame. Mme Cissé, appelée « mère jaboot », prodigue des conseils pour prévenir les accouchements artificiels. Elle regrette l’absence de collaboration entre les détentrices de savoirs endogènes et les professionnels de santé. « Les médecins nous dénient des compétences de bien prendre en charge des bébés et des grossesses. Or beaucoup de femmes viennent nous voir et sont satisfaites de notre travail », note-t-elle.
Du reste, les détentrices des savoirs endogènes jouissent encore d’une grande confiance auprès de beaucoup de femmes. La modernité n’a pas encore enterré le recours aux pratiques coutumières y compris dans de grandes villes comme Dakar.
ACCOUCHEMENT : LA CHIRURGIE PEUT S’IMPOSER À TOUT MOMENT ET EN TOUTE URGENCE
Deux modes d’accouchement, mêmes risques. Le gynécologue Cheikh Atab Badji minimise la différence des risques entre les deux voies de donner la vie. Au juste, il remet sur la table la probabilité de changer d’option pour un processus d’accouchement par voie naturelle déjà enclenché. « En cas de bonne maîtrise de la technique, les risques sont grosso-modo les mêmes que pour l’accouchement par voie basse. Par contre, le risque majeur de tout accouchement par voie basse, c’est de ne pas pouvoir disposer, dans un rayon acceptable, d’une unité de césarienne en cas de besoin. Car un accouchement par voie basse est en nature imprévisible. Et le recours à la chirurgie peut s’imposer à tout moment et en toute urgence », avertit-il.
UNE CONDITION POUR FAIRE 5 CÉSARIENNES
Contrairement aux idées reçues, une femme est en mesure d’accoucher par césarienne à cinq reprises et non deux fois. Mais, il faudrait qu’elle espace ses maternités. « Une femme peut subir 5 césariennes à condition que celles-ci soient espacées », précise le Dr Sédouma Yatéra. Toutefois, deux césariennes consécutives ouvrent la porte aux accouchements par voie haute. Autrement dit, il est déconseillé aux praticiens d’exposer une femme en voulant qu’elle donne la vie par la voie basse. Les deux premières césariennes consécutives ont des conséquences sur la physiologie de l’utérus. « Il y a des césariennes liées à la cause fœtale. C’est lorsque la femme porte dans son ventre un enfant de 4 à 4,5 kilogrammes. Si on fait le rapport entre le poids et les dimensions du bassin et que l’on se rende compte qu’elle ne peut pas accoucher par voie basse, on est tenu de l’opérer », indique le gynécologue.
Par la suite, il énumère les conséquences qui peuvent survenir en cas de non-respect de ces prescriptions. « Une femme qui a été opérée deux fois de suite pour césarienne ne pourra accoucher que par césarienne pour le reste de ses grossesses. Parce que l’utérus a été cicatrisé deux fois et s’est fragilisé. Il ne faudra pas l’exposer à des contractions qui peuvent être à l’origine de complications pouvant être fatales à l’enfant et à sa mère », avertit le spécialiste.
AVIS D’EXPERT… DR CHEIKH ATAB BADJI, OBSTETRICIEN : « LA CÉSARIENNE EST UNE ARME CONTRE LA FATALITÉ »
Le gynécologue-obstétricien Cheikh Atab Badji fait l’éloge du recours à la césarienne qui reste l’alternative dans bien des cas pour sauver la vie de la mère ou du bébé. Il s’éloigne naturellement de la dramatisation de l’augmentation des césariennes. Cette technique médicale est, à son avis, une arme aux mains des obstétriciens pour vaincre la fatalité imposée par certains cas de grossesse lors des accouchements.
Cheikh Atab Badji se fait l’avocat du recours à la césarienne. Il met en avant la primauté pour sauver des vies. Le gynécologue-obstétricien tranche donc, de façon nette, entre l’accouchement naturel avec des conséquences inattendues et celui artificiel sans séquelle aucune pour la mère et l’enfant. « Que vaudrait un accouchement par voie basse dont le produit est un mort-né, ou un décès maternel, ou une fistuleuse ? » s’interroge Dr Badji. Il répond par cette exclamation : « Un gros drame social ! »
Le spécialiste vante ainsi les bienfaits d’un acte chirurgical à présenter sous un angle plus social. D’autant plus que la césarienne pèse de tout son poids dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. « La peur, pour ne pas parler de diabolisation de la césarienne, moyen de recours ultime de sauvetage maternel et fœtal, arme fatale du gynécologue-obstétricien contre la fatalité, doit bénéficier d’une bonne presse afin de sauver cette frange importante de femmes victimes de leur ignorance ou des préjugés », dit Cheikh Atab Badji qui conseille de recourir à cette technique en toute connaissance et responsabilité.
Il voit ainsi une once de logique dans la hausse de la prévalence. A vrai dire, l’accroissement de la population des femmes en âge de procréer induit inéluctablement une augmentation des besoins en soins en maternité. « La hausse de la fréquence de la césarienne est un phénomène tout à fait normal. Elle est tout simplement liée à l’augmentation de la démographie, donc à la population en âge de procréation, et logiquement à la hausse du besoin de césarienne. Il est bon de rappeler, en insistant, que la césarienne est un acte médico-chirurgical qui a pour but de sauver le bébé et/ou la mère », rappelle le spécialiste.
En toute objectivité, s’exprime-t-il, la hausse de la césarienne doit être corrélée à la baisse du taux de mortalité néonatale, c’est-à-dire celui des mort-nés à la naissance. Le gynécologue relativise, dès lors, l’observation d’une ascension du recours à cette technique médicale. Il fonde son argument sur la non-satisfaction des besoins dans beaucoup de zones du monde rural où les femmes continuent de perdre la vie en donnant la vie. « Malgré cette impression de hausse du nombre de césarienne en valeur absolue, en valeur relative, le taux est encore très faible, car beaucoup de femmes meurent encore, surtout en milieu rural, en donnant la vie pour causes évitables, notamment le défaut d’accès à l’offre de services de la césarienne », note Dr Badji.
Des recours fondés sur des exigences médicales
Il objecte le rapport entre la maîtrise de cette technique médicale et une hausse de la prévalence. Pour lui, ces actes médicaux sont fondés sur les indications médicales. « La maîtrise de la technique opératoire ne saurait justifier en aucun cas un recours non motivé. La césarienne obéit à ce qu’on appelle des indications, c’est-à-dire des situations en face desquelles elle s’impose. Dans les cas où elle s’impose, elle devient obligatoire, car la vie de la mère est directement menacée », indique le gynécologue.
Son argument est corroboré par des exemples. Il ne voit pas d’autres options que l’accouchement artificiel de la femme qui a une petite taille avec un petit bassin que ne saurait traverser un bébé de poids normal. Dans ce cas précis, affirme-t-il, l’accouchement par voie basse est impossible et toute tentative dans ce sens entraîne une déchirure de l’utérus de la femme, une hémorragie interne massive, une mort rapide du bébé et, fort probablement, celle de la maman en dehors d’une intervention rapide. En outre, l’expérience a montré que même les femmes qui ont donné la vie par voie basse à plusieurs reprises ne sont pas à l’abri d’un accouchement artificiel. « Les femmes ayant antérieurement une ou plusieurs fois accouché par voie basse peuvent se retrouver avec un gros enfant dans le ventre. Ici, les risques chez la mère et le bébé sont identiques au cas précédent. Bref, il y a plusieurs indications de césarienne obligatoire », poursuit le spécialiste des soins obstétricaux.
Dans d’autres cas, l’accouchement artificiel est motivé par le souci de sauver l’enfant. En fait, physiquement, la femme peut accoucher par voie basse. Toutefois, la probabilité de la mort du bébé à la naissance ou une situation de « détresse avancée » avec une admission à la crèche pour les soins intensifs incite les praticiens de santé à ne pas prendre des risques. « Nous mettrons également dans ce registre les cas de césarienne de prudence où l’accoucheur, en parfaite connaissance des aléas de tout accouchement par voie basse, prend l’option de sortir le bébé par voie haute pour ne pas prendre de risque. C’est le cas des grossesses dites « précieuses ». Comme exemple, nous donnerons la femme de la quarantaine, presque aux abords de la ménopause, qui fait sa première grossesse soit du fait d’une longue stérilité, soit d’un mariage tardif, situation devenue fréquente, car les femmes se marient de plus en plus tardivement », détaille le gynécologue.
Les spécialistes font aussi recours à cette technique pour les femmes au seuil de la ménopause et qui n’ont pas beaucoup de chances d’avoir plusieurs grossesses. L’obstétricien, confie Cheikh Attab Badji, se dit qu’il est plus prudent de sécuriser cette naissance par césarienne, car une prochaine chance reste biologiquement peu probable.
L’heure des naissances sécurisées
L’argument du gynécologue-obstétricien sent l’invite à suivre l’évolution du temps. Il ne sert à rien d’exposer la femme aux complications et à faire souffrir le bébé. « L’époque n’est plus celle des accouchements par voie basse coûte que coûte au risque de s’en sortir avec des séquelles comme des fistules ou les souffrances du bébé. L’heure de la qualité des naissances a sonné avec l’issue d’un bon produit de conception, d’un enfant qui naît sans grand dommage », déclare Dr Cheikh Atab Badji. Pour lui, cette technique médicale reste le remède de cheval contre les complications liées à l’accouchement et aussi « l’arme » inespérée pour combattre les mortalités liées à la naissance. C’est pour toutes ces raisons que la société doit avoir un regard positif sur l’augmentation des césariennes. « Il faut concevoir la césarienne comme une solution et non un problème. Beaucoup de vies de mères et de bébés tombent parce que ces braves femmes n’ont pas la chance de bénéficier de la césarienne. La question doit porter plutôt sur comment faire pour que la femme puisse bénéficier de la césarienne en cas de besoin. C’est cela qui permet de gagner la bataille contre la mortalité maternelle », oriente-t-il.
RENDEZ-VOUS AVEC… PR CHEIKH NIANG, SOCIO-ANTROPOLOGUE A L’UCAD : « IL Y A UN ÉCHEC DANS LA PRÉPARATION PHYSIQUE DE LA FEMME »
Dans son bureau-bibliothèque au Brgm (Bureau des recherches géologiques et minières) de l’Ucad, le socio-anthropologue Cheikh Niang nous expose d’emblée 4 livres qui brossent le sujet des accouchements. En se fondant sur les auteurs et sur les travaux, le chercheur fait une analyse sans complaisance de la délivrance artificielle. La hausse de cette dernière est la résultante de l’échec de la préparation physique et physiologique de la femme à subir l’exercice initiatique.
Professeur, dans le cadre de vos recherches, vous vous êtes intéressés aux questions liées à la santé comme la maternité. Quelle analyse faites-vous de l’augmentation des accouchements par césarienne au Sénégal ?
Il y a d’abord le fait que ce n’est pas un accouchement naturel. Il n’est certainement pas sans conséquence sur le corps de la femme et sur son vécu d’une manière générale. Mais, pour comprendre le phénomène, il faut le contextualiser et voir par quel processus on est arrivé à cet état de fait. A l’échelle internationale, nous avons des taux d’acception complètement différents au Brésil, en Hollande, en Suède… Je pense qu’il y a un engouement, une tendance à accepter la césarienne du fait qu’il y a une préparation, des influences de la promotion et de sa médiatisation. Donc, il y a une sorte de conditionnement. Ensuite, l’image de la césarienne qui a été projetée est celle d’une pratique médicale pratiquement sans risque. On n’a pas suscité la vigilance, la suspicion sur la césarienne. En plus, il y a le fait qu’elle est réservée à une catégorie de la population considérée plus ou moins éduquée et privilégiée. Or si nous reposons le problème sur un autre angle, nous pouvons bien promouvoir l’accouchement par voie naturelle. Mais, cela suppose un suivi qui va bien au-delà de la grossesse.
Pouvez-vous être plus explicite sur le suivi qui va au-delà de la grossesse ?
Si nous regardons dans des cultures africaines, la préparation à l’accouchement commence dès l’enfance. Cette phase de préparation et ce processus de socialisation ne sont pas reconnus par les systèmes officiels.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Si nous regardons dans la littérature anthropologique, de façon spécifique l’anthropologie physique, l’accouchement est un produit social. Des changements ont commencé à s’opérer dès le paléolithique. L’Homo sapiens a pris la posture debout. Il s’est posé un problème de délivrance. Cette posture debout de l’homme va être accompagnée de l’augmentation de la taille du cerveau alors que la place de l’utérus va changer. Ce processus n’est pas suivi par l’augmentation de la taille de l’utérus. L’augmentation du cerveau n’est pas accompagnée par l’élargissement de l’utérus. C’est pour cela que les femmes africaines ont travaillé depuis des millénaires à résoudre ce problème. Il fallait conditionner la femme, la préparer physiquement dès la naissance, développer certaines parties de son corps et travailler sur les techniques d’accouchement, notamment la posture accroupie. Lorsqu’on parle d’accouchement, on dit que l’enfant est tombé. C’est comme un fruit mûr qui tombe. Et il y a une personne qui vient le ramasser. Il est attiré vers le bas par l’attraction universelle. Il y avait une préparation physique et physiologique de la femme pour faciliter l’accouchement. C’est un long processus. Je peux aussi ajouter que durant la grossesse, l’un des défis, c’est le contrôle de la respiration. La femme va subir des pressions. Elle sera formée pour qu’elle puisse contrôler sa respiration par la pratique du puisage, le fait de piler. Les vieilles femmes ont réussi à cultiver les interdits alimentaires. La femme enceinte est tenue de ne pas prendre des aliments qui la font grossir et fait grossir le fœtus. En somme, il y a beaucoup d’exercices physiques auxquels elle était soumise et qui l’aidaient le jour de la délivrance. Mais, on a reproché au système traditionnel de surmener des femmes. Ces reproches sont formulés par le système dit moderne.
A travers cette analyse, on peut comprendre pourquoi la femme traditionnelle n’est pas encline à favoriser la césarienne. Parce que quelque part, la femme sort diminuée de l’accouchement artificiel. La césarienne, c’est aussi l’échec de la préparation physique et physiologique, de sa capacité à connaître son corps, à l’écouter, à faire des diètes alimentaires. Le phénomène ne doit pas être perçu comme un indicateur de performance, mais un échec de la préparation physique de la femme. C’est un échec de ce qu’on devait faire avant et pendant la grossesse. La césarienne devrait être la toute dernière opération à faire lorsqu’on n’a pas le choix, lorsqu’il faut sauver des vies. Elle ne doit pas servir à soustraire la femme des douleurs.
Pouvons-nous déduire que la construction de l’image de cette pratique médicale s’est faite au détriment de nos savoirs endogènes ?
D’une manière générale, la « modernité » est construite sur la base de la dévalorisation de nos savoirs traditionnels. On ridiculise les pratiques de préparation et les méthodes traditionnelles de délivrance des sociétés africaines. On considère ces organisations comme primitives. En fait, cela prolonge les rapports culturels politiques projetés dans des sciences médicales. Les sciences biomédicales ne sont pas neutres. Elles portent une charge coloniale. C’est précisément contre cela qu’il faut se réorganiser et montrer qu’il faudrait les améliorer du point de leur opérationnalisation, mais ils sont pertinents du point de vue des concepts. La « modernité » a été construite en dévalorisant notre héritage, notre savoir traditionnel et des héritages non européens. Nous avons un système qui évolue dans une société en crise en prenant le parti pris de ce qui domine. Ce n’est pas étonnant que l’Afrique reste le continent qui a le taux de mortalité le plus élevé au monde. Aujourd’hui tout doit être débattu et de manière approfondie.
Beaucoup de femmes accouchent par césarienne. Est-ce qu’il n’y a pas un effet de mimétisme ?
Les sociétés ne sont pas homogènes. Certaines femmes éduquées ont tendance à préférer la césarienne. Elles peuvent, dans une certaine mesure, influencer d’autres parce que dans une société, il y a souvent une quête de modèles. On veut souvent imiter les comportements auxquels on aspire. Cette influence peut être observée chez la catégorie intermédiaire, c’est-à-dire chez celles qui ont un niveau d’études moyen. Par contre, il est fort probable que plus le niveau d’instruction est élevé et moins elles vont accepter la césarienne. Les deux extrêmes vont se toucher. Mais, cela ne suffit pas pour enclencher la manière de voir les choses.
TRANCHE D’HISTOIRE… HOPITAL ROI BAUDOUIN : LE BÉBÉ DE LA COOPÉRATION BELGE
Créé au début des années 80, l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye est le berceau de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans la banlieue dakaroise. Il ne faut pas y voir un lien avec le Roi Baudouin qui était orphelin de mère à l’âge de 5 ans et l’enfant mort-né de la Reine Fabiola en février 1962 et ses deux fausses couches.
L’hôpital Roi Baudouin a été fabriqué de toute pièce par les Belges. L’ancien centre de santé de référence était la limite du quartier de Guédiawaye. C’était dans les années 1980. L’établissement qui dépendait du grand département de Pikine avait une vocation précise. « Le centre de santé de référence a été construit et équipé par la Coopération technique belge. Les médecins étaient des Belges, les infirmiers et les sages-femmes étaient des Sénégalais », informe Ndiamé Sow qui avait travaillé dans le grand district de Pikine.
Implanté dans un milieu défavorisé, l’établissement avait une mission de dimension sociale et sanitaire. L’accessibilité financière et géographique aux soins de santé des habitants de cette partie de Dakar avait guidé le choix du site et fondé sa mise en place. « Roi Baudouin a été réalisé dans le but de faciliter l’accès aux soins, la lutte contre les maladies hydriques. L’établissement avait une longue tradition dans ce domaine. Mais, la structure s’est distinguée, depuis sa création, dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile », rapporte M. Sow.
La dimension particulière accordée à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile peut rappeler la perte de la mère du parrain et les fausses couches de la reine Dona Fabiola de Moya.
Cette bonne réputation a été conservée au fil des années. Les Belges avaient préparé les praticiens sénégalais à prendre leur destin en main. Juste avant la fin de la coopération, les sages-femmes et les infirmiers avaient pris le soin de former des Sénégalais. « Avant la fin de la coopération, entre 1992 et 1993, les Belges ont formé tous les sages-femmes et les infirmiers du département de Pikine dans un grand institut de formation en Belgique. Ils ont reçu des formations en médecine tropicale et en santé publique », raconte Ndiamé Sow.
L’espacement des naissances et la lutte contre la malnutrition faisaient partie des axes d’intervention prioritaires du centre de santé érigé en hôpital de niveau 1 à la faveur de l’application des revendications des organisations syndicales. C’est le décret n°2010-774 du 15 juin 2010 qui a changé le statut de Roi Baudouin en même temps ceux de Youssouf Mbargane de Rufisque, de l’Institut d’hygiène et de Santé (ex-Polyclinique), de Ndamatou de Touba ainsi que des centres de santé de Tivaouane, Mbour, Linguère, Kaffrine, Richard-Toll et Sédhiou.