DEUX ANS DE BOUILLONNEMENT POLITICO-SYNDICAL
Législatives de 2017, procès Khalifa Sall, crises sociales à répétition, enlèvements et meurtres d'enfants tous azimuts... Comment le régime de Macky Sall a progressivement perdu pied
C'est le jeudi 7 mai 2009, donc juste au lendemain de la défaite politique du parti démocratique sénégalais aux élections locales de 2009 que le blog de Nioxor Tine est né. Nous allons essayer de passer en revue l’actualité politico-syndicale entre le huitième et le neuvième anniversaire, en vous proposant des liens hypertexte, qui vous renvoient aux différents articles publiés dans la période.
L’année 2017 est surtout marquée par les élections législatives prévues le 30 juillet. Les observateurs auront surtout remarqué l’absence d’offre politique tangible de la part des protagonistes, dont certains donnaient l’impression d’être des "bandits politiques" de grand chemin, d’où le titre évocateur et provocateur: législatives 2017 : têtes de listes ou chefs de gang ?
C’est ce qui explique la pléthore de listes de candidats, qui renvoie à une absence de lisibilité du jeu politique, entretenue à dessein par le pouvoir, pour empêcher une perception adéquate des enjeux sociopolitiques de l’heure. On peut assurément parler de la crise de la démocratie sénégalaise.
Pendant ce temps, les citoyens sénégalais se trouvent dans une situation quasi-apocalyptique, marquée par de graves pénuries d’eau, des ruptures de stock de médicaments et produits médicaux, la hausse des prix des denrées de première nécessité, le développement spectaculaire du grand banditisme (attaques à main armée de banques, multiplication des agressions…), la récurrence des fraudes lors des examens, les inondations précoces et meurtrières consécutives aux toutes premières pluies (Oudalaye). Le blog de Nioxor Tine publie une contribution intitulée : le sénégal entre colère et "choléra" !
Le choix du premier ministre Dionne comme tête de liste par la Coalition Benno Bokk Yakaar, renseigne sur la mainmise de l’Exécutif sur le Parlement et aussi sur un désir de continuité de la politique mise en œuvre jusqu’à présent. Pour l’Opposition, il s’agit assurément de libérer le parlement de la tutelle de l’exécutif !
Le processus électoral se trouve dans une impasse à cause des lenteurs inadmissibles dans la distribution des cartes biométriques, qui ne fait que confirmer les craintes les plus pessimistes de certains observateurs, sur la volonté du président de l’APR et de sa méga-coalition de plus en plus impopulaires, de dévoyer le processus électoral. On peut assurément parler d’état d’urgence électoral, dont le Chef de l’État essaie de se dépêtrer en demandant au Conseil constitutionnel, l’autorisation pour les électeurs, n’ayant pu retirer leur carte biométrique de se servir en sus de leur récépissé de dépôt, de diverses autres pièces, dont certaines périmées, comme la carte d’identité numérique…
A l’issue de la parodie d’élection, les premières leçons d’un non-scrutin sont tirées. Il s’avère indéniablement, que les nombreux dysfonctionnements constatés dans la préparation et le déroulement des élections législatives du 30 Juillet 2017, loin de constituer des couacs de la part d’un ministre de l’Intérieur novice, faisaient partie d’un plan minutieusement ourdi pour remporter une élection que la coalition au pouvoir ne pouvait se permettre de perdre, au vu de la proximité des élections présidentielles de février 2019.
Au-delà des péripéties électorales, il devient de plus en plus évident que, pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve notre système politique, il est urgent de revisiter l’héritage des assises pour apaiser le climat socio-politique ! Il s’agit, entre autres, de revenir à l’esprit de la Charte de Gouvernance Démocratique, de garantir l’équilibre et la séparation des pouvoirs et de gérer les finances publiques au profit des masses populaires.
La démission du gouvernement de la République à l’issue d’élections législatives devrait aller au-delà du simple caractère de rituel républicain. C’est surtout l’occasion de tirer les leçons des résultats du scrutin, qu’on se devrait d’analyser sous toutes les coutures.
La composition du nouveau gouvernement amène les citoyens sénégalais à poser la question suivante :Est-ce un gouvernement de combat ou de dialogue ?
En effet, pendant que le pouvoir de l’APR appelle au dialogue politique, il pose des signaux négatifs allant dans le sens de crisper davantage le jeu politique. La reconduction de l’écrasante majorité de l’ancienne équipe gouvernementale fait douter du désir de conduire une politique novatrice, surtout dans les domaines très sensibles touchant à l’organisation des élections et à la gestion de notre système judiciaire. Au lieu de confier la gestion des élections à une personnalité consensuelle acceptée par l’ensemble de la classe politique, le président de la République y nomme un autre responsable politique de son parti à la place de son controversé prédécesseur. Alors que les conflits répétitifs au niveau du secteur de la Justice laissaient penser qu’on allait prendre des mesures d’apaisement, on y nomme un professeur de droit convaincu de la nécessaire soumission des juges à l’Exécutif et qui s’est illustré, ces dernières années, comme le plus grand pourfendeur des réformes institutionnelles proposées par la Commission Nationale de Réforme des Institutions et allant dans le sens d’un équilibre des différents pouvoirs.
Après la prétendue victoire électorale de la méga-coalition gouvernementale aux dernières élections législatives, on assiste à une zizanie à benno bokk yakaar ? Alors qu’on s’attendait à des scènes d'étreintes mutuelles et fraternelles au sein de Benno Bokk Yakaar, on voit plutôt l’apparition de polémiques insolites entre le parti présidentiel et deux de ses plus grands alliés, à savoir la LD et le PS.
C’est avec un sentiment de colère et d’indignation, que les partis d’opposition entonnent le slogan : libérez l'otage khalifa sall !!! En effet, tous les démocrates de notre pays s’attendaient à ce que la séance inaugurale de la treizième législature tenue le 14 septembre dernier, règle la question de l’immunité parlementaire nouvellement acquise par le député Khalifa Sall, ce qui lui permettrait de bénéficier d’une liberté provisoire et de siéger parmi ses pairs à l’Assemblée Nationale. Mais bientôt va se tenir le procès de khalifa sall, un rival encombrant ! Personne n’est dupe !
Il s’agit d’une nouvelle manifestation des pratiques honnies de l’Exécutif consistant à instrumentaliser certains secteurs de la Justice et des corps de contrôle, ce qui aboutit au caractère sélectif des poursuites judiciaires se traduisant par la latitude qu’a le Chef de l’État, de mettre certains dossiers sous le coude ou d’en transmettre d’autres au procureur de la République.
À l’heure du bilan de fin d’année, il ressort de l’analyse, que 2017 a été l’occasion de confirmer la rupture unilatérale par le chef de l’Etat du contrat de confiance conclu avec le peuple sénégalais. Cela a abouti à la non-tenue de l’élection présidentielle prévue en février dernier et au sabotage du processus de refondation institutionnelle, comme conséquences de la tragi-comédie référendaire du 20 mars 2016. Nous avons affaire à un régime en perte de légitimité, qui aura du mal à rempiler en 2019, à moins de confisquer, une nouvelle fois, le suffrage populaire, comme cela a été le cas lors des dernières législatives. L’opposition est ainsi interpellée en vue de l’élaboration d’un programme commun pour une véritable alternative en 2019 !
Entretemps, on observe, en cette période pré-électorale, une surchauffe du climat social qui ne constitue qu’un retour de bâton plus que mérité pour une bande de coquins et de copains, qui sont censés gouverner ce pays, coupables de n’avoir pas tenu les engagements, auxquels ils avaient, pourtant, librement souscrits. Loin de relever du chantage, ces luttes syndicales partent d’un postulat très simple : les nobles luttes syndicales transcendent les futiles agendas politiciens !, d’autant que rien ne garantit que l’équipe actuelle sera reconduite aux prochaines élections présidentielles.
Après le constat de l’inefficacité des luttes syndicales, – principalement dans les secteurs de l’Education, de la Santé et de la Justice – illustrée par la non-application, durant plusieurs années, d’accords signés par le gouvernement de la République, le mouvement syndical est interpellé. Il lui est demandé de se repositionner comme sentinelle vigilante, ayant son mot à dire sur la définition et la mise en œuvre des politiques publiques. Il doit redevenir une sorte de contre-pouvoir et s’investir pour l’unité syndicale et la grève générale !
En plus de l’agitation sociale évoquée ci-dessus, nos concitoyens ressentent une impression d’insécurité généralisée avec des jeunes garçons égorgés, des fillettes violées, des rapts d’enfants, des attaques au Sud du pays, une recrudescence des accidents de la route, et même des crashs aériens, donnant un tableau lugubre du Sénégal, qui semble être devenu la république des croque-morts, le pays des deuils et des obsèques. Ce climat morbide survient à la veille du sixième anniversaire de la deuxième alternance survenue en 2012 et à un an du deuxième tour de la prochaine élection présidentielle prévu le 17 mars 2019.
L’équipe maffieuse au pouvoir, misant sur les manipulations du processus électoral par un ministre de l’Intérieur partisan, n’envisage, pas le moins du monde, une défaite pourtant très probable, aux prochaines présidentielles. On note, en effet, un état de délabrement avancé des Institutions de notre République devenue plus bananière que jamais, avec une Justice ligotée, un Parlement croupion et une presse sinon bâillonnée, tout au moins domestiquée. S’y ajoutent la fronde sociale, le dévoiement du processus de reddition des comptes mis en évidence par les rapports de Transparency International et ceux de l’ARMP ainsi que des régressions graves en matière de libertés démocratiques, soulignées par Amnesty International. Pire, on a le sentiment d’assister à l’instauration d’un régime fort, qui projette d’enchaîner notre peuple et de le livrer aux multinationales et aux compagnies pétrolières.
L’impression qui se dégage est que la Coalition au pouvoir est incapable de remporter le prochain scrutin, dans un combat à la loyale. Cela amène l’éditorialiste du blog de Nioxor Tine à choisir, pour son billet du 18 mars 2018, le titre suivant : présidentielles 2019 : résultats insuffisants pour passer au premier tour !
Entretemps, la tragédie de la caisse noire de la Ville de Dakar connaissait un nouveau rebondissement marqué par la condamnation arbitraire du maire de Khalifa Sall, essentiellement coupable d’ambition politique légitime et victime de la logique diabolique d’un pouvoir prêt à tout pour obtenir un second mandat.
L’avis de certains thuriféraires de la Coalition présidentielle, qui pensent que l’ère des fraudes électorales est révolue dans notre pays, n’est pas partagé par d’autres acteurs, qui sont convaincus que, bien au contraire, les manœuvres frauduleuses en amont du scrutin semblent gagner en dextérité et en audace. Pour cette fois-ci, les spin-doctors du pouvoir nous ont sortis de leurs chapeaux de charlatans une nouvelle trouvaille, qu’ils considèrent comme la formule-miracle pour faire gagner le président Macky Sall dès le premier tour. De quoi s’agit-il au juste : parrainage, patinage ou dérapage ? Il s’agit du fameux parrainage, une sorte de sauce étrange, dans laquelle, ils envisagent de faire mariner les opposants et qui risque de faire patiner ou déraper leur régime aux abois. L’histoire nous enseigne, cependant, que ces recettes inopérantes de fin de règne, n’ont permis, ni au Président Diouf d’échapper à l’éviction du pouvoir en 2000, ni à son successeur d’obtenir le troisième mandat tant convoité.
L’adoption par une Assemblée Nationale aux ordres, du projet de loi instaurant le parrainage, censé garantir, à la Coalition Benno Bokk Yakaar, une victoire certaine aux présidentielles de 2019 fait peser de lourdes menaces sur la démocratie sénégalaise.
L’argument de la rationalisation du nombre de partis politiques est des plus fallacieux. En effet, l’amélioration du cadre juridique des activités politiques ainsi que l’assainissement des mœurs politiques conduiront au dépérissement de pratiques politiques perverses telles que la location de récépissés de partis.
La meilleure façon de combattre la prolifération des formations politiques est la mise en place d’une Haute Autorité de la Démocratie chargée de veiller à l’adoption de critères pertinents de création des partis politiques et d’exiger que leur fonctionnement soit assujetti à des normes bien définies (états financiers réguliers, respect de la périodicité des congrès…).
Mais la classe politique aura largement le temps de débattre de toutes ces questions, après la défaite inéluctable du candidat de Benno Bokk Yaakar aux présidentielles de 2019.