TEMOIGNAGES DE FEMMES TRAUMATISÉES
« Mon mari m’a abandonné parce que je travaille »
Dans le cadre de la journée mondiale de la population organisée à Kolda, une visite de terrain a été faite dans la commune de Saré Yoba Djéga qui accueille le plus grand marché de la zone. Des femmes traumatisées dans leur ménage et dans la vie s’ouvrent au Témoin.
Jeudi 12 juillet. Saré Yoba Djéga accueille du monde. en ce jour de Louma ou marché hebdomadaire, le village est pris d’assaut par une population venue un peu partout de la sous – région et principalement des villages environnants de la guinée Bissau. Le marché hebdomadaire de cette commune qui se trouve à 30 kms de Kolda, polarise plusieurs villages et ceux de la guinée Bissau. Saré Yoba a le deuxième plus grand marché hebdomadaire de la Casamance après Diaobé. La vie est bien animée en cette matinée. Le ciel fait grise mine avec les nuages qui l’enveloppent. La pluie menace. Il n’empêche, les habitants et autres commerçants s’activent dans leurs business. avec ce marché hebdomadaire dit «louma», la prostitution clandestine se développe à un rythme exponentiel. Une zone où les mariages précoces et les grossesses non désirées sont également courants avec des unions qui se dénouent souvent dans la souffrance. Tranche de vies de femmes sur qui le destin n’a pas été tendre...
Khalimatou Diamanka : « Mon mari m’a abandonné parce que je travaille »
Khalimatou Diamanka, le sourire aux lèvres, fait des va-et-vient entre la cour du district sanitaire et les bureaux des employés de ce centre qui accueille chaque jour son lot de malades. La dame, teint clair, dentition immaculée, revient sur son mariage. « Je me suis mariée alors que j’étais presque une gamine. Je faisais en ce moment le CM2. C’est un jour, au retour de l’école, que j’ai trouvé à la maison une ambiance peu habituelle. Mon père s’y trouvait avec quelques –un de de ses amis dont des vieux et des visages que je découvrais pour la première fois. Ma mère était assise en retrait, loin des hommes. Elle m’a fixé et m’a demandé de ne pas me rebeller. Car, disait-elle, toutes messœurs sont passées par là. J’ai compris que quelque chose se tramait». Ce jour-là, Khalimatou a automatiquement compris. Comme si elle revivait encore cette soirée funeste, son visage se renferme. Quand elle a compris ce qui se tramait, elle est entrée dans la chambre de sa maman en versant de chaudes larmes. « Y a rien de mal à ça. Il faut obéir à ton père », furent les mots de consolation de sa mère. elle-même s’évitant des ennuis en cas du refus de Khalimatou. Dans la chambre, son père l’y trouva et lui tint ce discours qui ne pouvait souffrir d’aucune contestation. « Je t’ai donnée en mariage à un tel ». Quelques jours après, la gamine qu’elle était rejoint le domicile conjugal dans le village Demba Sounkarou. «Quand j’ai rejoint mon mari, il n’a pu me toucher à cause de mon jeune âge. Durant plus de deux mois, il n’est pas parvenu à ses fins. Je refusais complètement de coucher avec lui. J’ai enduré par la suite pendant 8 ans. Je n’ai pas eu la chance d’avoir des enfants » raconte-t-elle, des moments de sa vie conjugale. Dans la maison, elles étaient toutes des femmes au foyer et ne s’occupaient que des travaux domestiques. « J’ai commencé à prendre conscience de ma situation. J’ai trouvé un travail comme matrone dans le district sanitaire. Mon mari m’avait déconseillé de ne pas travailler. J’ai refusé. Il m’a alors intimé l’ordre de quitter sa maison. Depuis lors, je suis rentrée chez moi. A ma grande surprise, mon père n’a rien dit et a pris ma défense. Après un mois, mon mari s’est remarié. Mais, nous sommes toujours unis par le mariage », dit- elle sur ce différend qui a conduit presque à son divorce non consommé. Khalimatou confie qu’elle ne compte plus retourner chez son mari.
Ramatoulaye Thiam : « Je me suis mariée à l’âge de 13 ans. Mes cinq enfants n’ont pas un espacement de plus d’un an »
Ramatoulaye Thiam a presque vécu le même calvaire, même si elle s’est mariée à l’âge de 13 ans avec un fainéant de mari. Un homme qui attendait tout d’elle. Rama était celle qui gérait la dépense quotidienne et autres. « J’ai eu 5 enfants qui n’ont pas un espacement de plus d’un an. Mon mari était un fainéant qui ne faisait rien dans la vie à part manger et dormir. Son jeu favori, c’était de me faire l’amour en toutes circonstances. Lorsqu’il me mariait, je n’avais même pas les seins développés. A chaque fois que j’accouchais, il ne me donnait pas de répit pour me reposer. J’ai compris qu’avec cet homme, je risquais de me pourrir la vie », conte Ramatoulaye qui a divorcé et dont l’ainée a obtenu son baccalauréat depuis deux ans. « Ma fille ainée est née en 1989. Elle a réussi son bac. J’ai juré que mes enfants ne vivront plus ces moments difficiles que j’ai vécus avec leur papa. Ils le savent et se battent pour ne pas tomber dans ces travers de la vie », fait-elle savoir. Rama est surnommée dans la zone «l’amie des enfants». elle est devenue une volontaire qui s’active à la sensibilisation des enfants pour que ces mariages précoces et grossesses non désirées cessent. « Nous sommes dans la sensibilisation des populations. C’est notre combat. On y arrive parce qu’on constate que dans la zone, les mariages précoces et les grossesses non désirées deviennent de plus en plus rares », explique-t-elle.
Kadiatou : « gamine, un vieux m’emmenait en brousse…. »
Kadiatou confie, quant à elle, avoir subi très tôt les sévices des hommes. « Les garçons m’ont trompé très tôt. J’ai eu mes premières expériences sexuelles à l’âge de 12 ans. Aujourd’hui, j’ai 20 ans. Mais heureusement que j’ai fait une planification familiale. A vrai dire, on détruit tôt les jeunes filles dans ces villages. Surtout ceux qui viennent d’autres zones au moment du louma. Un vieux m’emmenait en brousse. Pour me faire taire et ne pas ébruiter ses sales œuvres, il me donnait des pièces de monnaie. Mais, aujourd’hui, c’est fini avec ces abus sexuels. Car, je suis devenue mâture et j’ai compris leurs mauvaises intentions », dit-elle, regrettant cette partie de sa vie. Le maire de la commune Kéba Diop, conscient de la situation difficile des femmes avec ces mortalités maternelles, estime qu’avec leur plaidoyer, la contrée va bénéficier d’un centre de santé.