LA RÉVOCATION D'UN MAIRE
Dans le droit en vigueur, la seule disposition qui peut fonder la révocation d’un maire est l’article 135 qui exige une condamnation pour crime et non une condamnation pour délit encore moins pour faute grave
Relisons attentivement l’article 135 du Code général des Collectivités territoriales : le premier alinéa de cet article parle de la révocation d’un maire condamné pour crime et non d’un maire condamné pour délit au sens de l’article 1er alinéa 2 du Code pénal
L’article 140 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités territoriales (CGCT) énumère huit fautes susceptibles d’entrainer l’application de l’article 135 de la loi précitée. L’application de l’article 135 du CGCT revient à mettre en œuvre les sanctions administratives prévues par les alinéas 1 et 2 de cet article :
1°/ la révocation : « Lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit » (alinéa 1er) ;
2°/ la suspension : « Les maires et adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par un arrêté du ministre chargé des Collectivités locales pour un temps qui n’excède pas un mois et qui ne peut être porté à trois mois que par décret » (alinéa 2).
Avant de poursuivre, il importe tout d’abord de préciser que le CGCT n’établit aucune corrélation entre ces deux sanctions. Ensuite, lorsque le législateur dispose que la révocation est de droit, cela signifie qu’elle s’impose et qu’il n’y a donc pas de place pour l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par le président de la République.
De l’analyse combinée des articles 135 et 140 du CGCT, nous déduisons que la sanction administrative à prendre dans le cas des fautes listées à l’article 140 (nous disons bien « fautes » puisque c’est le terme employé par le législateur) ne peut résulter que de l’application du deuxième alinéa de l’article 135, à savoir la procédure pouvant aboutir à la suspension, et non de l’application du premier alinéa du même article. En effet, le premier alinéa de l’article 135 exige pour la révocation de droit une condamnation pour crime qui n’est pas mentionnée parmi les fautes citées dans l’article 140. Cette position est confortée par les dispositions de l’article 146 du Code des Collectivités locales (CCL) de 1996, reprises en des termes analogues par l’article 140 du CGCT de 2013. L’article 146 du CCL renvoyait aux dispositions de l’article 141 devenu l’article 135 alinéas 2 et suivants du CGCT actuellement en vigueur. Ainsi, la seule nouveauté dans l’article 135 de l’actuel CGCT porte sur la disposition prévue au premier alinéa qui n’existait pas dans le Code de 1996 (article 141).
Lorsque l’alinéa 1er de l’article 135 du CGCT dispose que la révocation d’un maire ou de tout autre conseiller municipal est de droit lorsque ce dernier est condamné pour crime, le mot « crime » ne peut avoir que le sens que lui donne l’article premier du Code pénal sauf à considérer que les rédacteurs du CGCT, les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale ayant examiné le projet de loi n° 21/2013 et les députés ayant voté le CGCT méconnaissent la distinction d’une part entre un « crime » et un « délit » et d’autre part entre un « crime » et une « faute de gestion ».
Selon l’article premier du Code pénal, « l’infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit » et « l’infraction que les lois punissent d’une peine afflictive ou infamante est un crime ».
Si la volonté du législateur était d’instituer une révocation de droit pour toute infraction pénale (hors contravention), le premier alinéa de l’article 135 aurait dû être rédigé de la manière suivante : « Lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime ou pour délit, sa révocation est de droit ». Quant au deuxième alinéa de l’article 135, il aurait dû être rédigé en corrélation avec l’article 140.
Dans le droit en vigueur, la seule disposition qui, dans le CGCT, peut fonder la révocation d’un maire est l’article 135 qui exige une condamnation pour crime et non une condamnation pour délit encore moins pour faute grave. En définitive, l’article 135 du CGCT, rédigé de manière lacunaire, ne peut servir de fondement légal à la révocation d’un maire condamné pour un délit au sens de l’article premier alinéa 2 du Code pénal.
Mamadou Abdoulaye Sow est inspecteur principal du Trésor à la retraite