«LE PUDC EST EN FAILLITE»
Mamadou Lamine Diallo, leader du mouvement Tekki
Le président du mouvement Tekki décortique les faiblesses de la macroéconomie du Sénégal qui ont entrainé une accumulation d’arriérés intérieurs estimés à 200 milliards. Conséquence : les entreprises mettent la clé sous le paillasson à cause de la dette contractée par l’Etat. Le député Mamadou Diallo révèle à «L’As» que le Programme d’Urgence de Développement Communautaire (Pudc) est en faillite à cause de la somme de 25 milliards due aux entreprises. Dans cet entretien, le parlementaire évoque le problème du parrainage, du pétrole et des réformes proposées par le mouvement Tekki.
Actuellement, l’actualité politique est marquée par la collecte de signatures pour le parrainage. Où en êtes-vous avec cette campagne ?
Le parrainage est un sabotage de notre démocratie instauré par le Président Macky Sall, malheureusement avec la bénédiction d’une partie de la société civile qui s’est toujours battue pour l’approfondissement de la démocratie. Nous sommes en face d’un parrainage anarchique qui n’a jamais été testé même dans les localités. Aujourd’hui, nous assistons à l’achat de signatures pour le parrainage. Le tarif de la signature est de 2.000 F. C’est une honte pour notre démocratie. Les Sénégalais ne se rendent pas compte de l’importance de leurs actes. Selon nos estimations en fin octobre, nous allons boucler le parrainage. C’est au mois de novembre que nous allons faire le contrôle de l’ensemble des fiches pour éviter des erreurs. Ce n’est pas dans notre culture de remettre sa carte d’identité, parce que les gens cachent leur date de naissance. Si je suis élu chef de l’Etat, je supprime le parrainage.
Pourquoi dites-vous qu’une partie de la société civile est complice de l’instauration du parrainage ?
L’idée du parrainage a été développée par la société civile depuis très longtemps. A l’époque, le nombre de signature était de 10.000 pour les candidats indépendants. D’ailleurs, l’argument de Macky Sall pour instaurer le parrainage, c’était de mettre sur le même pied les candidats indépendants et ceux portés par des partis politiques.
Or, la Constitution ne le dit pas. On ne peut pas avoir une démocratie des indépendants. Les partis politiques sont nécessaires au fonctionnement de la démocratie, même si ça ne marche pas dans les partis politiques. Il y a une pléthore de partis qui ne sont plus là pour l’éducation des jeunes, pour faire des propositions de programmes…
Ce sont souvent des entreprises politiques. Il faut réformer les partis politiques, mais cela ne doit pas se faire, en instaurant l’anarchie. Il casse les partis politiques. D’ailleurs, l’Apr n’est pas un parti politique et Bennoo Bokk Yakkaar est un club de retraités. Et systématiquement, le Président Sall détruit les partis. On peut citer le Parti socialiste (Ps), l’Afp, La LD, Tekki et le Pds. Les quarante (40) millions qu’il nous coûte par jour, il les utilise pour casser les partis politiques.
Ne vous sentez pas seul dans le débat économique avec vos contributions tous les mardis?
Je ne me sens pas seul, parce que les militants du mouvement Tekki ainsi que les étudiants me suivent. Si Macky Sall et son gouvernement refusent le débat économique qu’ils ont demandé, moi j’informe mon peuple. Le Sénégal a un seul problème, c’est l’économie. S’il y en a d’autres, ce sont des sous problèmes de ce grand problème qui se traduit par le chômage massif des jeunes. C’est la raison pour laquelle je suis candidat à l’élection présidentielle. Pour nous, un problème, c’est une solution. Il faut une refondation institutionnelle.
D’ailleurs, l’intelligence collective des Assises nationales qui avait proposé cela et j’en faisais partie. Le système politique mis en place par le Président Senghor a atteint ses limites et il faut avoir le courage de le reconnaître.
Ce système est caractérisé par l’excès de pouvoirs du président de la République. Il faut renforcer l’Assemblée nationale pour qu’elle contrôle l’Exécutif. Pour cela, je propose la suppression de scrutin majoritaire aux élections législatives parce que c’est antidémocratique. Il faut un système d’élections des députés plus démocratique. Il faut encadrer les fonds politiques du chef de l’Etat, parce que huit milliards Fcfa, c’est trop.
Ce dont le Président a besoin pour les fonds secrets, ce sont des centaines de millions. Le reste, c’est pour entretenir la corruption de notre démocratie. L’Inspection générale d’Etat ne doit pas être une arme du chef de l’Etat pour faire chanter des gens. Cet organe doit être détaché de la Présidence de la République.
Pour une justice indépendante et responsable, le président de la République doit quitter le Conseil supérieur de la Magistrature (Csm) pour éviter qu’il terrorise les magistrats. Il faut un système plus équilibré dans les institutions. Il faut dépolitiser l’administration parce qu’il est inadmissible que des millions soient payés à des directeurs alors qu’ils sont toujours dans les localités en train de faire de la politique. Ils ne travaillent pas.
Pour les postes stratégiques, il faut un appel à candidature. L’autre volet de la solution, c’est l’industrialisation. Il est temps de savoir fabriquer des clous au Sénégal. L’industrialisation est la seule solution au chômage. Tout ce qu’on propose, ce sont des palliatifs. Or le traitement social du chômage, c’est l’industrialisation.
On pourrait amorcer l’industrialisation avec l’exploitation du pétrole et du gaz
Pour exploiter le pétrole et le gaz, il faut une bonne politique fiscale. Les textes ne sont pas adaptés. Et le code pétrolier est trop favorable aux industries. Il nous faut une bonne politique industrielle et des ressources humaines. Le pétrole et le gaz doivent contribuer à l’industrialisation.
Et Macky Sall s’empresse de donner tous nos blocs alors qu’il devait le bloquer le temps qu’on adopte le nouveau code pétrolier. Il est en train de vendanger nos ressources. Je me demande si les dés ne sont pas pipés. Je ne serai pas surpris que les Chinois ou les Turques gagnent ces blocs. Le pétrole doit servir à la politique industrielle. C’est la seule façon d’éviter la malédiction du pétrole. C’est à cause du pétrole que Macky Sall a renoncé à la réduction de son mandat.
Pourquoi vous vous s’intéressez autant à la question du pétrole ?
C’est pour éviter la malédiction du pétrole. Vous avez vu la succession de chefs d’Etat européens au Sénégal ces derniers temps. Mais, ce n’est pas pour les beaux yeux de Macky Sall. Il y a des intérêts stratégiques en jeu. Par exemple, le gaz est très important pour l’Allemagne qui l’importe de la Russie. Donc, la Russie surveille le Sénégal pour savoir si notre pays veut approvisionner l’Allemagne en gaz. Ce sont des questions qui méritent des réflexions.
On note une évolution des dépenses au mois d’août et le rétrécissement des dépenses d’investissements. Cela vous surprend ?
La gestion macro économique du Président Macky Sall ne marche pas. L’indicateur, ce sont les arriérés intérieurs qui sont différents de la dette intérieure. La dette intérieure, c’est lorsqu’on a un contrat. Il y a par exemple les obligations de l’Etat, les bons du trésor, ou les découverts bancaires. Par contre, les arriérés intérieurs sont un cancer ; c’est lorsque les entreprises font une prestation pour l’Etat et que ce dernier ne les paie pas. C’est cela qui est grave. C’est l’indicateur clé de la macroéconomie.
Or, le gouvernement continue d’accumuler des arriérés intérieurs de 200 milliards qu’il avait toujours niés avant de l’avouer. Avec toutes les promesses faites par Macky Sall, c’est normal que la masse salariale augmente.
Naturellement, comme les recettes ne suivent pas à cause du pris du brut qui augmente, forcement le déficit va se creuser (Ndlr, 52 milliards de plus au mois d’août). Malheureusement, le gouvernement ne traite que de l’économie moderne. Or, 50% de notre économie est constituée du secteur informel et pourtant personne ne s’en occupe. Si le gouvernement n’augmente la productivité du secteur informel, il ne s’en sortira jamais.
Pourquoi l’Etat refuse de solder les arriérés intérieurs, alors que des entreprises sont en train de mettre la clé sous le paillasson à cause de cette dette ?
C’est à cause de la mauvaise gestion macroéconomique. En effet, le gouvernement ne fait pas de l’économie, mais plutôt de la coopération internationale. Tous les jours, on voit le ministre de l’Economie et des Finances signer des contrats avec les Etats-Unis, la Bid, la Bad, Badea etc. C’est de la coopération internationale et non de l’économie. Pourtant lorsque Macky Sall arrivait au pouvoir, la conjoncture était favorable. Durant cette période, les recettes étaient plus importantes. Il fallait prévoir un retournement de conjoncture.
Malheureusement, ils se sont mis à dépenser à tout va. Par exemple, je vous annonce que le Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC) est en faillite. Sur les 100 milliards, il y a au moins 25 milliards d’impayés. Je ne suis pas sûr que le PNUD va rester. Peut être qu’ils vont prendre l’argent prêté récemment par la BAD pour payer les arriérés d’abord.
C’est pourquoi, ils étaient très nerveux quand Me Alioune Badara Cissé a parlé des problèmes de Ranerou. Les ajustements se font par les arriérés intérieurs. Le gouvernement peut ajuster les dépenses et les recettes en accumulant les arriérés intérieurs et en sacrifiant les entreprises. Cette situation va continuer parce que le prix du brut va flamber.
Vous posez souvent le débat sur la double nationalité de nos dirigeants. qu’est-ce qui explique cette démarche de votre part?
J’ai des problèmes, quand des Sénégalais qui occupent des postes de responsabilités vont chercher des nationalités à l’étranger. Ce n’est pas normal. Il y en a beaucoup dans le gouvernement. On va les démasquer, parce qu’ils ne travaillent pas pour le pays.
Vous faites allusion au Premier ministre ?
Je ne sais pas. Mais lorsque je les interpelle sur la question, ils s’énervent et m’insultent.