LA VIOLENCE VERBALE EN PRÉLUDE À LA PRÉSIDENTIELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans l’arène politique, on insulte, on invective - Et volent les gros mots et les propos déplacés - Il faut peut-être compter sur la capacité des populations à s’arrêter au bord du précipice pour que le pays ne tombe dans le chaos
Dans l’arène politique sénégalaise, on insulte et on invective… Et volent les gros mots et les propos déplacés. Le tombereau le plus récent c’est le clip « Saï saï » (coquin, sournois) des rappeurs du groupe Keur Gui, un texte fort violent contre Macky Sall, président de la République, candidat à sa propre succession. Le pamphlet, en wolof, est un condensé de ce que les opposants dénomment « la mauvaise gouvernance de Macky Sall ». La charge est si violente et sans concession que sur les réseaux sociaux circulent des rumeurs sur la convocation des rappeurs à la Division des investigations criminelles, alors que des défenseurs de la liberté d’expression objectent la liberté de création de ces artistes.
Et ces avanies provenant de part et d’autre ne rassurent guère quant à une sérénité de la précampagne électorale démarrée le 4 janvier 2019. Et la campagne électorale est à venir…
Le propos malheureux du premier ministre Mahamad Boun Abdallah Dionne parlant de « libéraux sauvages » (sic) a servi de détonateur, provoquant une réplique de Me Amadou Sall du PDS qui, sur sa page Facebook, se fait encore plus violent. « Boun Abdallah Dione insulte Abdoulaye Wade, secrétaire général national du PDS, et tout le monde se tait. Il insulte Karim Wade, candidat du PDS, et personne ne dit rien. Il s’en prend maintenant au PDS dont les militants sont qualifiés de sauvages. Lorsque ceux qu’ils traitent de sauvages réagiront à la hauteur de l’insulte qui leur est faite, que personne en ce moment-là ne vienne faire dans la complaisance en parlant de paix et de débats civilisés. Le débat civilisé commence maintenant ou il ne commencera jamais. Mais puisque au commencement était l’insulte, alors à l’insulte on répondra et la réponse fera très très mal à ces lâches qui n’ont que l’injure à la bouche. »
Et cette réplique au Premier ministre Dionne n’aura pas été la seule, puisque ce dernier a été prise à partie par Babacar Gaye (PDS) qui le traite de « roturier », alors que Mme Aïda Mbodj dira que « le sauvage c’est ton patron » (seu patron mooy sauvage). Et la presse, goguenarde, semble compter les coups et rapporter les propos du genre « Les libéraux chargent Boun Dionne : "C’est un PM mal poli, mal éduqué" »
Sur les réseaux sociaux comme Facebook, des abonnés se font aussi caustiques. Tel ce certain Kader Seck qui estime que « nous avons affaire à un bandit prêt à récidiver, qui est voleur et violeur de nos ressources et de notre constitution. Nous devons lui dire NON et lui faire savoir que Reubeuss sera du luxe dans quelques semaines. » Et cet autre facebooker tient une philippique du même style et avec les mêmes mots : « Nous avons tous en face de nous, un Saï Saï. Et ce Saï Saï-là, a décidé de passer au premier tour et par tous les moyens. »
De temps à autre, des voix, qui se veulent raisonnables, envoient des messages d’apaisement à destination des rappeurs. « Votre posture de porteurs de voix vous donne l'occasion de se présenter en sentinelles face aux « dérives du pouvoir ».'' Vous avez également le privilège de la liberté d'expression consacrée par notre constitution dont vous faites usage démesurément.
Mais, à mon humble avis, l'insulte n'augure aucune race ni une ethnie encore moins une République. L'insulteur n'apporte ni une connaissance ni un enseignement et n'est que le reflet d'un comportement dégradé d'un insoumis inculte et dont la maturité ne dépasse la pointe de ses orteils. (…) Le président de la République mérite le respect de tout citoyen. Vouloir porter atteinte à sa réputation, à son honneur ou sa dignité, c'est déshonorer l'Etat, la constitution qu'il incarne mais aussi à la nation. (…) Vouloir s'ériger en « soldats du peuple » ne vous offre pas le luxe de l'insulter encore moins de porter atteinte à la première institution de notre République. (…) Ayons un comportement citoyen digne d'un fils du Sénégal, cultivons la paix autour de nous car le seul combat qui vaille et qui mérite d'être mené est celui qui est démocratique. »
En juillet 2017, peu avant les législatives, la tension et les déclarations incendiaires furent telles que Me El Hadj Diouf avertit que « s’il y a report des élections législatives, il y aura une guerre civile au Sénégal ».
Il faut, peut-être, croiser les doigts et compter sur la capacité des Sénégalais à s’arrêter au bord du précipice pour que le Sénégal ne tombe pas dans le vide et le chaos.