LES RÉSERVES DU MAGISTRATS IBRAHIMA DEME
Invité de l’émission «Jury du dimanche» sur «iradio», le juge démissionnaire a dénoncé le caractère solitaire de la réforme concernant la suppression du poste de Premier ministre (PM)
Invité de l’émission «Jury du dimanche» sur «iradio», le juge démissionnaire Ibrahima Hamidou Dème a dénoncé le caractère solitaire de la réforme concernant la suppression du poste de Premier ministre (PM). Le président du mouvement «Ensemble» demande tout simplement le report d’un tel projet de loi qui, à l’en croire, va installer un grand désordre dans le fonctionnement de l’Administration.
Le juge démissionnaire Ibrahima Hamidou Dème s’est prononcé sur la suppression du poste du Premier ministre. Il dit ne pas comprendre qu’un tel projet de loi soit présenté brusquement dans l’espace public sans au préalable que le chef de l’Etat le mentionne dans son programme de campagne ou que l’opinion publique en exprime le désir. Ainsi, le président du mouvement «Ensemble» estime que c’est une initiative solitaire du chef de l’Etat qui, sans nul doute, ne rencontre pas l’adhésion de toute la majorité présidentielle. «De toutes les manières, nous persistons à dire que c’est une réforme majeure. Et on doit pouvoir y associer l’ensemble des forces vives de la nation. Macky Sall doit avoir une conception moins partisane de la gestion du pays. Il doit prendre de la hauteur et dépasser cette conception partisane de l’Etat», plaide-t-il avant d’inviter le chef de l’Etat à reporter son projet de réforme et à profiter d’une large concertation nationale pour la poser en même temps que d’autres questions aussi importantes pour la vitalité de notre démocratie. Il se dit convaincu que cette réforme va renforcer les pouvoirs du président de la République, en plus d’installer un grand désordre dans le fonctionnement de l’Administration.
«Dans le fonctionnement interne de l’administration, nous étions habitués dans la répartition du service à l’existence du PM qui était un peu accompagné par un secrétariat général du Gouvernement. Maintenant, il faut voir quel sera le rôle du secrétariat général du Gouvernement ? Est ce que le Président aura un rapport direct avec le secrétariat général du Gouvernement qui prépare l’ordre du jour du Conseil, qui assure le secrétariat du Conseil et qui initie tous les textes législatifs», s’interroge-t il. Toujours selon lui, cette réforme aura également des incidences sur le pourvoir législatif puisqu’il n’y aura plus de déclaration de politique générale, ni de motion de censure contre le gouvernement. «L’Assemblée nationale n’aura plus de contrôle sur l’Exécutif», précise-t-il avant de signaler que cette réforme va encore renforcer les pouvoirs du président de la République. «Ses prérogatives ont été toujours jugées comme étant exorbitantes. Mais avec cette réforme, il va devenir un super Président», déplore-t il.
Quid du chef de l’Etat qui parle de recentrage de l’Etat par le haut ? Ibrahima Hamidou Dème trouve paradoxal le fait de féliciter son Premier ministre et de revenir pour dire qu’il n’y a pas d’efficacité. «C’est un aveu d’échec», clame le président du mouvement «Ensemble». A l’en croire, la conception moderne du pouvoir veut qu’on délègue de plus en plus les missions, que le président de la République soit l’arbitre et qu’il ne gouverne pas directement. Mais avec cette réforme, tranche-t-il, c’est l’efficacité gouvernementale qui va prendre un coup.
IBRAHIMA HAMIDOU DEME : «IL Y A UN MALAISE DANS LA MAGISTRATURE»
Parlant par ailleurs de l’Indépendance de la Justice, il déplore un manque de volonté politique de l’Exécutif ; mais également une responsabilité des acteurs de la Justice qui n’assument pas leur rôle. Et surtout, dit-il, les « chefs de cour» notamment le premier président de la Cour suprême qui incarne le pouvoir judiciaire. «Je suis étonné que depuis quelques années, on n’entend plus de conflits. Dans une démocratie, il faut bien un conflit entre les pouvoirs. Pour défendre l’honneur de la Justice, il faut se heurter au pouvoir exécutif et surtout au président de la République», déclare-t-il en demandant plus de protections des magistrats qui font honneur à la magistrature. «Il faut que nos chefs reprennent le flambeau qui leur a été donné par nos prédécesseurs. Malheureusement, on n’entend pas les chefs. Or, c’est à eux de protéger les magistrats.» Il s’émeut du fait que le chef de parquet de Mbour ait été relevé pour avoir accompli son travail et poursuivi un membre du régime qui avait subtilisé des cartes d’identités. En raison de tout cela, il considère qu’il y a un malaise dans la magistrature notamment chez les jeunes qui vivent d’énormes frustrations. Il s’est désolé également du fait que des magistrats reconnus pour leur probité soient écartés. A cet effet, il cite EL Hadj Malick Sow et Habibatou Diallo écartés depuis quelques temps.
Appelant à plus d’ouverture du Conseil Supérieur de la Magistrature, il soutient toutefois que ce n’est pas la composition qui pose problème ; mais plutôt le fonctionnement. «Il faut mettre à compétition les postes», dit-il en demandant de s’inspirer de ce qui se fait en termes de transparence au niveau des affectations des enseignants.