QUI A PEUR D’ALLER AUX LOCALES ?
La hantise du camp présidentiel, de plus en plus impopulaire, de se disloquer, les pousse à reporter ces élections, qu’ils pourraient coupler avec les législatives, à la faveur d’une dissolution anticipée de l’Assemblée
La logique politique aurait voulu, qu’un pouvoir censé avoir été plébiscité, dès le premier tour de la dernière élection présidentielle, à hauteur de 58%, soit pressé de retourner aux urnes, pour remporter, tout aussi brillamment les élections municipales initialement prévues en juin dernier et reportées, une première fois, au mois de décembre 2019.
Curieusement, le moins qu’on puisse dire, avec ce nouveau report en Mars 2021, est que la coalition présidentielle ne semble pas du tout pressée, même en l’absence d’intempéries, d’organiser ces élections, qui pourtant, pourraient servir à clouer le bec à tous ces opposants sceptiques sur les performances électorales du pouvoir APR – BENNO.
En tout cas, le plébiscite à la dernière présidentielle, patiemment concocté, reposant sur diverses combines politiciennes (élimination d’adversaires politiques, parrainage citoyen, fichier électoral tronqué, corruption électorale, martèlement médiatique, dépenses somptuaires...) a eu paradoxalement comme résultat, une réduction drastique de la marge de manœuvre d’un pouvoir essoufflé, qui a tôt fait d’appeler au dialogue.
Il est vrai, que la détérioration indiscutable de la situation économique et les exigences des officines financières internationales, ont mis au-devant de la scène la nécessité de la décrispation et de la pacification du climat sociopolitique. Il s’y ajoute la pression de forces sociales diverses, particulièrement celle de la classe maraboutique, qui a conduit aux retrouvailles de Massalikul Djinane et à la grâce du maire Khalifa Sall.
Il est clair, cependant, que la coalition Benno Bokk Yakaar, dont l’horizon politique, depuis 2012, se limitait à l’obtention d’un second mandat, est dorénavant obligé de se réajuster, si elle veut survivre politiquement.
Jusque-là, le président de l’APR, avait relégué au second plan, derrière un épais nuage de propagande mensongère (PSE, CMU, BSF...), des questions aussi essentielles que le développement socio-économique de la Nation, la structuration de son parti et la coordination de sa Coalition.
Tant et si bien que la pseudo-victoire à la dernière présidentielle résulte davantage de la superposition de prouesses électorales cloisonnées, obtenues par la fraude et la corruption, que d’une dynamique globale autour de visions et de programmes, encore moins de convergences idéologiques.
Au total, Benno Bokk Yakaar est devenu, encore plus qu’auparavant, un conglomérat hétéroclite sans aucune cohésion politique, ce qui constitue une des pires prémisses pour la participation à des élections locales, sur lesquelles les appareils centraux des partis ont le moins de contrôle. On risque, en effet, d’assister, encore une fois, à une démultiplication des listes issues du camp présidentiel, annonciatrice de défaites électorales inéluctables, qui pourraient constituer le chant de cygne d’un régime en fin de cycle.
Déjà, des remous se font jour au sein de l’APR, avec des protestations véhémentes de militants originels estimant être laissés en rade, au moment où on fait la part belle à des transhumants de la vingt-cinquième heure. On note des bisbilles entre les candidats potentiels de la majorité présidentielle aspirant à diriger les mêmes collectivités territoriales, d’autant que l’unité de façade au sommet est loin de refléter la rivalité féroce des responsables locaux de Benno, à la base, issus de partis différents.
On comprend, dès lors, les lenteurs observées dans le déroulement du dialogue politique et le sabotage programmé du dialogue national, toujours au point mort.
En réalité, en appelant au dialogue, le président Macky Sall, loin d’être motivé par la quête de véritables solutions à la crise sociopolitique manifeste, dans laquelle sa politique a plongé notre pays, cherche plutôt à stabiliser son pouvoir vacillant, en usant d’une double stratégie.
Il s’agit d’abord, de s’ouvrir à de nouvelles forces de l’opposition, dont certaines se caractérisent, soit par leur bienveillance aussi subite que suspecte à son endroit, soit par leur naïveté affligeante, tout en tentant d’isoler les pôles les plus intransigeants.
Il y a également cette volonté de mettre au pas aussi bien les militants de l’APR, privés de leurs droits à une expression libre et sans entrave que ses alliés aussi gloutons que dociles, en les dissuadant, par tous les moyens, de s’émanciper du giron présidentiel, comme on l’a vu avec les récentes nominations de militants socialistes.
C’est cette hantise du camp présidentiel, de plus en plus impopulaire, de se disloquer et de perdre le pouvoir, qui les pousse à reporter les élections municipales, qu’ils pourraient, le cas échéant, coupler avec les législatives, à la faveur d’une dissolution anticipée de l’Assemblée Nationale.
En cas de besoin, certaines personnalités du pouvoir n’excluraient même pas – comme nous le constatons dans des pays voisins - l’hypothèse d’un troisième mandat illégal et anticonstitutionnel pour leur mentor, seul apte à gérer la mosaïque maffieuse, qui nous gouverne actuellement.
Malheureusement, l’opposition politique perd de vue les enjeux de pouvoir, privilégiant fondamentalement sa fonction de lanceur d’alerte et se laissant divertir par des procédures judiciaires aussi stériles qu’improductives dans un régime de gangsters et de prédateurs.
Ce faisant, les différents pôles d’opposition sous-estiment les tâches de rassemblement et de mobilisation populaire autour de programmes portant sur les droits aussi bien politiques que socio-économiques des citoyens de notre pays.
C’est pourtant la seule voie pour leur faire reprendre l’initiative face à Macky Sall.