"LA RÉPARATION DE L'ESCLAVAGE DEMEURE UN DROIT", SELON CHRISTIANE TAUBIRA
La responsabilité « n’est pas que dans le passé, elle est contemporaine, elle est à la charge de ceux et celles qui détiennent le pouvoir aujourd’hui », estime l'ancienne ministre française et femme de lettres
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Plusieurs fois ministre et députée, Christiane Taubira est surtout connue comme femme politique, un tribun hors pair. Mais elle est surtout une femme de Lettres. C’est avec cette double casquette qu’elle était l’invitée des Ateliers de la pensée à Dakar (30 octobre-2 novembre). Dans un discours mêlant politique et poétique, elle a répété sa conviction au sujet de l’esclavage, « le seul crime contre l’humanité dont on ne reconnaît pas le principe même de la réparation », alors que pour tous les autres crimes contre l’humanité ce principe a été mis sur la table. En 1804 en Haïti, aux Etats-Unis en 1865, entre l’Allemagne et Israël après la Seconde guerre mondiale, entre les Etats-Unis et les citoyens japonais, entre le Japon et la Corée…
Or, pour la traite négrière et l’esclavage, c’est le principe même de la réparation qui est contesté. Si le crime est « irréparable – la seule réparation possible exige une temporalité et cette temporalité, c’était le moment même du crime, et elle a été assurée par ceux et celles qui ont subi le crime – elle proclame, pour ma part, que le droit à la réparation demeure. « Il est une créance infinie sur l’humanité toute entière comme le génocide amérindien », poursuit-elle.
Qui répare qui ?
Du point de vue du droit, on n’a plus de coupables en face et que ce crime (l’esclavage) est imputable aux appareils d’Etat et que de toute façon le crime est prescrit. En revanche, la responsabilité « n’est pas que dans le passé, elle est contemporaine, elle est à la charge de ceux et celles qui détiennent le pouvoir aujourd’hui ».
Alors que le simple fait d’évoquer le principe de la réparation au sujet de l’esclavage, crée une véritable « panique » dans le camp des anciens oppresseurs, pensant à l’aspect matériel et financier, Taubira assure, avec panache, ironie et souvent mépris, que « ce n’est même pas la question essentielle ». A ses yeux, la question est d’abord éthique, philosophique.
Cependant, plutôt que d’en appeler à la compassion, à la sympathie des anciens oppresseurs, « il nous faut rester ensemble et porter ensemble toutes les fragilités du monde », invite l’ancienne Garde des Sceaux français.
Au final, « nous aussi nous réparons, parce que nous avons sublimé le malheur absolu, nous sommes les survivants obstinés, pugnaces, nous sommes surtout les résilients magnifiques. Et parce que nous nous sommes réparés, nous sommes capables de réparer le monde », conclut-elle.