QUAND LE SOMMET DE LA REPUBLIQUE PREND LA FUITE
Force est de constater que le déballage par des responsables de haut rang de conversations privées dans l’espace public commence à devenir une norme sous l’ère Macky Sall
Depuis quelques jours, le feuilleton Ousmane Sonko-Mansour Faye tient en haleine les Sénégalais. Mais au-delà de cet épisode, force est de constater que le déballage par des responsables de haut rang de conversations privées dans l’espace public commence à devenir une norme sous l’ère Macky Sall. Une déliquescence qui remet en cause les valeurs de la République.
Certains responsables politiques se délectent du fait qu’une conversation privée entre le président de Pastef Ousmane Sonko et un de ses camarades de promotion à l’Ena, Cheikh Issa Sall, de surcroît magistrat, soit étalée sur la place publique. Le directeur général du quotidien national «Le Soleil», Yakham Mbaye, un récidiviste qui assume ses positions concernant l’étalage de conversations privées sur l’espace public, donnant les raisons de son acte, soutient en substance que le «camarade» Mansour Faye a été le seul à l’avoir épaulé lorsqu’il était en disgrâce auprès du Président Macky Sall. Magistrat de profession, Cheikh Issa Sall fait partie d’un corps où la retenue est presque une seconde nature. Sa sortie à charge contre son camarade de promotion a un goût d’inachevé. En tant que magistrat et membre de la Cour des comptes, il était attendu de lui qu’il condamne la fuite de sa conversation privée avec son camarade de promotion pour donner des gages d’objectivité au public.
DR MOUSSA DIAW, ENSEIGNANT EN SCIENCES POLITIQUES «IL Y A LIEU DE FAIRE UNE SELECTION, D’EPURER L’ESPACE POLITIQUE SENEGALAIS»
En outre, il faut rappeler que cette affaire n’est pas un cas isolé sous le règne du Président Macky Sall. Il y a quelques mois, le député Farba Ngom avait balancé en direct, lors d’un entretien dans un site, l’enregistrement d’une conversation entre le même Yakham Mbaye et le vice-président de l’Assemblée nationale Moustapha Cissé Lo. Dans cet élément audio, ce dernier abreuvait le Dg du «Soleil» d’injures qui avaient choqué plus d’un dans le pays. Pour Dr Moussa Diaw, enseignant en sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, il est déplorable que des responsables se prêtent à ce jeu. «On attendait de ces personnalités une capacité à réfléchir sur les enjeux économiques, sur des enjeux politiques et sur les difficultés des Sénégalais pour les sortir de l’ornière. Malheureusement, ils se livrent à un spectacle de bas niveau. Et cela ternit naturellement leur image auprès de l’opinion publique», souligne Dr Diaw.
Selon le politologue, Ousmane Sonko est un opposant qui interpelle souvent le gouvernement, le met devant ses responsabilités et formule des critiques et des propositions par rapport à sa gestion. «Par conséquent, ce qu’on attendait des responsables du régime, surtout des ministres, c’est de répondre aux préoccupations des populations», dit-il avant de mettre en exergue les erreurs de casting du Président Macky Sall sur le choix de ses collaborateurs. «Il y a des personnalités politiques qui ne remplissent pas leurs missions, qui n’ont pas la capacité, le savoir et le profil. On nomme des gens sans prendre en compte leur capacité même de diriger et leur trajectoire», se désole Dr Diaw.
A l’en croire, il y a lieu de faire une sélection, d’épurer l’espace politique sénégalais afin que des hommes responsables puissent gouverner. De l’avis de Dr Moussa Diaw, la stratégie politique consistant à rendre publiques les conversations privées des adversaires ne passera pas. «On est en démocratie et on ne peut pas empêcher aux gens de parler au niveau de l’espace politique, même au niveau des juridictions», fulmine-t-il en ajoutant que les responsables politiques qui font fuiter des conversations privées sont ridicules. «Ce sont des pratiques qui n’honorent pas la démocratie sénégalaise», s’indigne l’enseignant en sciences politiques.