UNE ENVELOPPE, MILLE EQUATIONS
S’il est vrai que tout soutien est la bienvenue en cette période de disette, force est de reconnaître que le flou reste entier sur le profil des bénéficiaires de l'aide de l'Etat aux acteurs culturels
Une cagnotte de 2,5 milliards de francs CFA pour soutenir les acteurs culturels sérieusement impactés par la fermeture des lieux de spectacle en raison de la riposte contre la Covid. S’il est vrai que tout soutien est la bienvenue en cette période de disette, force est de reconnaître que le flou reste entier sur le profil des bénéficiaires. Acteurs et tutelle se renvoient la patate chaude de la répartition.
2,5 milliards de francs CFA. C’est le montant que le chef de l’état a décidé d’allouer aux acteurs culturels. Un soutien octroyé au lendemain des manifestations des acteurs qui protestaient contre l’interdiction des rassemblements. «Le chef de l’Etat m’a demandé mercredi de mettre à votre disposition une enveloppe de 2,5 milliards de francs CFA en guise d’aide. Il ne s’agit pas encore une fois d’un remboursement. Je vous rappelle que la santé des Sénégalais reste la priorité des priorités», déclarait le ministre de la Culture et de la Communication à l’issue d’une rencontre avec les acteurs.
FLOU AUTOUR DES AYANTS DROIT
2,5 milliards de francs cfa. A première vue, le montant peut sembler important. Mais qui doit en bénéficier ? Qui est acteur culturel ? Le ministre lui semble préférer laisser aux acteurs y répondre. «Je recommande aux acteurs culturels de réfléchir à une clé de répartition du fonds d’aide qui leur est destiné», a-til lancé aux acteurs. Et de leur côté, l’heure est à la prudence. Dans un communiqué, la Coalition des acteurs culturels (Cam), comme pour dégager ses responsabilités, estimait que «la meilleure solution c’est de ne pas donner l’argent aux associations. La Cam et ses alliés demandent au ministre de la Culture et de la communication que la gestion et la distribution de cette subvention restent sous la responsabilité directe du ministère de la Culture». Aujourd’hui le flou est entier. On parle de 5000 danseurs, même si le chiffre peut sembler abusé, il en dit beaucoup sur le manque d’organisation de ce secteur. Pour rappel, lors de la première vague, l’état avait mis 3 milliards pour soutenir les acteurs.
A l’époque, le mode de répartition suscitait des interrogations. Par exemple, 100 millions de FCFA ont été alloués aux communicateurs traditionnels. Journaliste culturelle et critique de cinéma. Oumy Régina Sambou est convaincue qu’il n’y a pas une seule clé de répartition qui vaille. Selon elle, cette enveloppe devrait plutôt servir à la structuration du secteur de la culture. «C’est le seul moyen de la rentabiliser. Personnellement, je ne vois aucune grille de répartition pertinente», estime-t-elle.
FOU MALADE «POURQUOI NOUS AVONS LAISSE LA PATATE CHAUDE AU MINISTERE»
Pour Malal Talla alias Fou Malade, par ailleurs membre de la Sodav, l’enveloppe de 2,5 milliards de francs cfa ne règle pas le problème. En effet, selon le rappeur, depuis que la fermeture des lieux de spectacle a été annoncée, beaucoup qui se réclament acteurs culturels s’agitent alors que depuis belles lurettes, ils n’ont produit aucun spectacle. «C’est pourquoi nous, de la coalition des acteurs de la musique avons dit au ministère de lui-même s’occuper du dispatching. Nous sommes contre cette manière de procéder. Le moyen utilisé n’est pas le bon. On y voit des acteurs culturels qui ne sont pas actifs. Il y a qui n’ont pas de spectacle depuis des années. Est-ce qu’ils ont le droit de réclamer autant que Dip, Viviane, Waly... qui sont tout le temps en activité», s’interroge-t-il. Selon Malal, s’il y a désordre, c’est en partie parce qu’on ne sait pas qui est acteur culturel et qui ne l’est pas. «Celui qui fait le Bongo peut se lever et demander sa part, personne n’y pourra rien. C’est pourquoi le statut de l’artiste va permettre de régler une bonne partie du problème», espère-t-il.
LA COALITION DES ACTEURS DE LA MUSIQUE RECLAME PLUTOT UN AUDIT DES FONDS PASSES
C’est à croire que l’affaire est loin d’être réglée. En effet, la Coalition des Acteurs de la musique (CAM) et Alliés qui regroupe une quarantaine d’organisations et structures de la culture qui se sont réunis ce dimanche pour définir la conduite à tenir a plutôt Mis de l’huile sur le feu. Dans un communiqué, elle révèle qu’après avoir mené plusieurs démarches, pour une issue heureuse, elle a été finalement écartée. « Le mercredi 23 décembre 2020, la CAM et ses Alliés tenaient un sit-in à la place de la Nation pour dénoncer l’injustice faite aux acteurs du spectacle vivant.
Ensuite le 24 décembre 2020, le ministre de la Culture invite la CAM et ses Alliés pour leur annoncer une aide de 2,5 milliards accordée par M. Le Président de la République. Deux jours plus tard, une délégation de la CAM est reçue par le Directeur de Cabinet du chef de l’Etat en compagnie du conseiller culturel à la présidence pour travailler ensemble sur une sortie de crise engendrée par la pandémie», dit le communiqué. Mais, poursuit le document, le 31 décembre 2020, les membres du comité de pilotage et les représentants des sous-secteurs de la culture sont invités pêle-mêle à la Maison de la Presse pour une réunion de partage et d’informations sur l’aide octroyée aux acteurs culturels. Une réunion à laquelle la Coalition et ses Alliés ont été zappés. « Est-ce parce que nous avions clairement déclaré dès le 24 décembre que nous n’entendions pas que l’argent soit distribué aux responsables d’organisations professionnelles mais plutôt que l’aide arrive à qui de droit ?», s’interrogent les acteurs.
Ainsi, pour la Cam, il faut un audit de la gestion des premiers fonds de 3 milliards octroyés en juin dernier, la mise à l’écart des organisations reconnues coupables de malversations, la gestion par le ministère de la culture du fonds de 2.5 milliards par le biais d’une banque ou tout autre organisme assermenté, la mise en place d’un comité paritaire de veille et de contrôle «dans lequel nous demandons notre droit de siège en tant que Coalition regroupant des organisations de tous les secteurs pour suivre la bonne distribution des fonds destinés à parts égales à chaque acteur culturel».