«PASS» INITIATIQUE POUR UNE INTEGRATION A LA VIE ADULTE
La région naturelle de la Casamance est riche d’une certaine tradition d’organisation de manifestations culturelles. Preuve en a été donnée avec la communauté Bayotte, localisée au niveau de sept villages de la commune de Nyassia, et qui a lancé il y a quelques jours ses activités d’initiation communément appelée «Bukut» en diola et «Cambathiou» en Bayotte. Une manifestation qui remonte à la nuit des temps, empreinte de rituels et d’épreuves initiatiques. Ces actes culturels et cultuels vivants et vivifiants sont le reflet d’une croyance qui constitue une part importante et fondamentale de la vie personnelle de tout initié, mais qui est aussi une composante dominante et sensible de la vie sociale.
Le Bukut ! Cette cérémonie qui remonte à la nuit des temps constitue en pays diola une dimension essentielle de l’épanouissement des êtres humains, des individus, des sociétés, de leur identité et de leur projet commun. Et c’est à travers une telle activité culturelle que les communautés font le choix de faire revivre intensément les valeurs culturelles léguées par leurs ancêtres. La zone de Nyassia, un des sanctuaires des traditions culturelles et cultuelles diolas et terre de prédilection du peuple Bayotte, n’a pas dérogé à la règle. Et c’est au niveau de cette commune que les valeurs culturelles, legs des ancêtres, sont présentement vécues et célébrées à travers le Bukut lancé le 16 août dernier au niveau de sept villages de la commune de Nyassia. «Le Bukut a une importance capitale en Casamance. Et c’est vérifié à travers la présence de tous les fils du terroir. Quelle que ce soit leur situation sociale, ils doivent tous se conformer aux mêmes rites», explique Lucien Sagna, chef de village d’Etomé. Avec cet événement, tous les ressortissants des sept villages concernés, notamment les futurs initiés, quels que soient leur éloignement et leurs occupations, sont obligés de venir pendant quelques semaines pour participer aux différentes étapes et rites cérémoniaux du bukut.
Des cérémonies ponctuées par des rituels et manifestations privés organisées dans le village. «Les futurs initiés qui sont préparés à travers un rituel, qui s’applique impérativement à tous, sont rasés pour la circonstance. Et sans ce rituel qui prépare et protège les futurs candidats à l’initiation, on ne peut pas être initié», souligne Lucien Sagna. Hubert Sagna, initié en 1976, a rendu grâce à dieu pour lui avoir permis, 45 ans après, d’assister au Bukut de cette année où il a pu accompagner son fils dans le bois sacré. Son fils, qui à l’instar des centaines de futurs initiés du Peuple Bayotte, va se familiariser pendant quelques semaines avec les règles d’éthique et de déontologie de la société diola. «Tous les futurs initiés vont s’imprégner des interdits et des permis et vont se voir inculquer le culte du travail, de la solidarité, du partage, de la défense du patrimoine et de la patrie diola», a laissé entendre Hubert Sagna. Toutes ces valeurs humaines qui seront inculquées aux jeunes initiés vont leur permettre demain d’intégrer, grâce au «Pass» initiatique, la vie adulte, de gérer et de sécuriser la société et le legs des ancêtres.
Une retraite de plus d’un mois dans le bois sacré
Avec le Cambathiou, il s’agit pour le Peuple Bayotte de renforcer son sentiment communautaire, et pour les futurs initiés, d’acquérir les enseignements nécessaires dans le bois sacré pour leur consécration à la vie communautaire. Des futurs initiés qui se sont d’ailleurs singularisés lors de leur entrée par leur port vestimentaire : le pagne noué autour du corps et rabattu sur la tête. Pour la circonstance, ils étaient accompagnés dans leur périple initiatique par une foule nombreuse, composée pour l’essentiel d’initiés aguerris, reconnaissables par leur déguisement, leur masque, des perles autour du cou et munis d’accessoires évocateurs du passé ancestral, tout en brandissant qui des couteaux, qui des armes et des lances et d’autres s’exerçant au maniement de fusils ou de canons traditionnels. Une manière pour eux également d’exalter, à travers des rites et des danses guerrières, l’instinct d’agressivité, de prouver leur bravoure et célébrer et magnifier ces valeurs et éléments culturels incrustés en eux par leurs parents. C’est ainsi toute la dimension des festivités du Bukut dont la durée en pays bayotte s’étend sur plusieurs semaines. «Les futurs initiés seront ainsi en retraite pendant 45 jours pour accomplir leur initiation. Dans le temps, ils pouvaient rester dans leur case pendant trois mois, mais avec le contexte qui est tout autre, la période d’initiation est aujourd’hui réduite», renseigne Lucien Sagna. Le chef de village d’Etomé précise que tout dépendra toutefois des sages qui vont décider en dernier ressort de la sortie des initiés du bois sacré.