QUAND LE DÉSORDRE DICTE SA LOI
L’affaire de trafic de visas et des passeports diplomatiques qui met en cause des activistes du mouvement Y en marre et des députés de la majorité n’est pas nouvelle au Sénégal
L’affaire de trafic de visas et des passeports diplomatiques qui met en cause des activistes du mouvement Y en marre et des députés de la majorité n’est pas chose nouvelle au Sénégal. Pis, ce genre de «scandale» impliquant des célébrités ou hautes autorités et politiques occupent souvent les devants de l’actualité du fait des répercutions de ces manquements. Des citoyens et même des personnes de nationalités étrangères n’ayant pas droit à ce titre de voyage «prestigieux» en ont bénéficié ou en bénéficient dans des conditions douteuses. D’ailleurs, l’Union européenne (UE) et le gouvernement américain avaient eu à signaler, pour le déplorer, la pagaille qui entoure l’obtention du passeport diplomatique sénégalais.
Simon et Kilifeu du mouvement Y en a marre sont entre les mains de la justice. La cause, le trafic présumé de visas dans lequel ils seraient impliqués. Deux députés de la majorité au pouvoir sont aussi cités dans des faits similaires ; une magouille sur les passeports diplomatiques sénégalais.
En effet, les histoires de trafic de visa sont récurrentes. Celles qui occupent souvent les devants de l’actualité sont celle dans lesquelles des célébrités sont cités et/ou traduits en justice. Artistes, autorités, politiques, bref, des personnalités insoupçonnées sont souvent indexés. Des Sénégalais sont en permanence grugés. Le passeport diplomatique, quant à lui, défraie la chronique du fait de détention abusive, avec notamment des nationaux et étrangers qui en disposent alors qu’ils n’en ont pas droit. Et ce n’est pas nouveau.
En atteste, aux premières heures de son élection, le président de la République, Macky Sall, avait décidé de le retirer à des détenteurs qui n’en n’avaient pas droit. Tout comme le passeport de service. Une décision qui avait fait grand bruit au temps. Il y a aussi cette alerte de l’Union européenne (UE), en 2018, qui voulait instaurer le système de visas aux Sénégalais détenteurs de passeports diplomatiques. Les pays européens voulaient voter une loi qui obligerait tout Sénégalais en possession d’un passeport diplomatique de chercher un visa. Le refus des députés espagnols avaient mis un frein à cette réforme.
Les pays de l’UE voulaient instaurer le système de visa à cause de la «pagaille» constatée dans la délivrance de ce titre de voyage prestigieux chez les Sénégalais. La Police de l’Air et des Frontières de plusieurs pays de l’UE avait constaté une affluence, avec l’arrivée sur leurs sols de famille dont les membres avaient un passeport diplomatique. Auparavant, les autorités américaines avaient pris des mesures contre des Sénégalais. Des plaintes dans les hôpitaux et autres structures publiques ont amené les Américains à douter du sésame sénégalais.
En mai 2019, le quotidien Enquête révélait l’octroi de 200 passeports diplomatiques à des non ayants droit notamment durant la phase transitoire entre la réélection de Macky Sall, à l’issue du scrutin du 24 février, et la formation du nouveau gouvernement, le 7 avril 2019. Une liste de 100 personnes dont les passeports diplomatiques devraient être retirés avait été donnée à la Police de l’Air. Pourtant, la détention du passeport diplomatique au Sénégal est règlementée.
Seuls les membres du gouvernement, ceux du Sénat, de l’Assemblée nationale, du Conseil Economique et Social et Environnemental, les diplomates (Conseillers des affaires étrangères et Chanceliers), les Hauts magistrats (Président de la Cour suprême, du Conseil d'Etat) ainsi que les fonctionnaires sénégalais en service dans les organisations internationales ont droit à ce type de passeports. Le mouvement Y en a marre, un des pionniers de l’activisme au Sénégal vit ses heures les plus sombres, avec l’implication de deux de ses membres dans une affaire de trafic de visa. Déjà secoué par les financements reçus de Lamine Diack, ancien président de l’athlétisme mondial, IAAF, ayant été citée dans les fonds russes, certains des activistes doivent avoir des arguments solides pour se tirer d’affaire.
Pour rappel, le mouvement Y en a marre a joué un rôle majeur lors de l’élection présidentielle de 2012 et continue sa partition dans la conscientisation des populations surtout jeunes à citoyenneté ou contrôle citoyen de l’action des gouvernants, élus et autres autorités gérant des deniers publics ou dont les décisions ou actions impactent directement les populations.