LA PROMENADE DU DIMANCHE
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - J’aime ce parcours le long de la « plus belle corniche du monde ». Celle qui aurait dû… l’être si elle avait été aménagée avec une vraie vision. Il en est de même de la côte ouest outrageusement privatisée
Jour 33
Mon cours de patrimoine est plus de la sensibilisation. J’aime prendre mes étudiants par la main et leur mettre le nez sur ce qu’ils ne voient pas souvent comme il le faudrait : « regarder autrement », sans quoi il est difficile, voire impossible, de façonner, refaçonner son environnement. Donc nous faisons beaucoup de terrain.
C. oblige, je fais travailler leur imaginaire pour certains, et quel bon exercice qui les force à aller au plus loin de leur mémoire leur permet de produire des utopies et j’avoue être parfois surprise, agréablement même surprise.
D’autres travaillent sur les architectures du XXème siècle au Sénégal qui pourraient être classées comme remarquables et hier en regardant le travail présenté, je me suis retrouvée devant un immeuble a priori inconnu – immeuble de la FAO, avenue de la République, datant de 1947 - et pourtant je la connais cette avenue !
Alors, j’ai fait passer mon parcours/courses de la journée sur cette avenue. Je n’ai trouvé qu’un immeuble ressemblant, avec le même gabarit, que j’ai cependant photographié question de le comparer à la photo de mon étudiant. Puis j’ai pensé qu’il avait peut-être été démoli. Mais tenace, je suis retournée tout à l’heure et cette fois-ci j’ai pris l’avenue dans l’autre sens. Eh oui, c’était bien cet immeuble avec une façade sur rue (celle que j’ai vue ce matin) et une façade sur cour qui est visible lorsque l’on vient de l’autre côté.
Le « regarder autrement » que j’inculque aux étudiants prend ici tout son sens.
Eh oui, la vision que l’on a d’une rue est différente qu’on l’aborde d’un côté ou de l’autre côté.
Ah, le rangement du temps C. a vraiment du bon. Je découvre des petites « perles » et là j’ai retrouvé le livret reçu à la fin de mes nombreux stages de yoga « art de vivre ». C’était en 2008, et avec un groupe de copines, nous avons accueilli un yogi venu d’Abidjan nous initier à cette technique qui allie méditation et respiration.
J’ai passé de très bons moments durant cette année. J’ai même fait, toujours avec ce même groupe de copines, une « retraite du silence » ! Eh oui, nous avons passé à Mbodiène trois jours sans parler, enfin presque ! J’avoue le soir avoir un peu triché. Je partageais la chambre avec Mamilou et nous n’étions pas assez « groupies », donc on a un peu papoté, un peu rekkk !
Dans le livre, je lis : « le Paradis n’est pas à l’extérieur, il est en toi » dixit Sri Sri Ravi Shankar…
En fait, il y avait, me semble-t-il, comme un petit souffle d’embrigadement dans ces stages qui devaient nous mener en Inde dans les « Grands Messes » de yoga.
Hum, j’ai pris la mesure comme les copines d’ailleurs, de faire mes exercices toute seule et chez moi. Enfin, je l’ai fait longtemps puis j’ai oublié.
Et là en ce moment depuis C., l’objet du programme Art de Vivre me parle :« ramener l’esprit à l’instant présent, à la réalité dans laquelle se déroule la vie, s’établir dans le soi plutôt que demeurer reclus dans le moi … ». Alors je m’y mets, avec beaucoup d’exigence et avec un grand plaisir.
Jour 34
Ah mes voisins les « mendiants du coin du feu » que j’entends pratiquement tous les soirs se disputer et avant qu’ils ne rentrent … chez eux, c’est-à-dire 3 coins plus loin pour certains.
Depuis hier c’est un peu plus tôt, vers 16 h que le ton monte, Ramadan oblige ! Violents échanges verbaux, insultes, tiraillements et même bagarres. Il arrive qu’ils en viennent aux mains. Il me fallait aller à la recherche du pourquoi de tant de révolte. Comme je ne leur parle pas, les gardiens m’ont renseignée : « ils se partagent le butin ! »
Apparemment, il y a une certaine somme de l’aumône reçue dans la journée qui est mise en commun. Et en ce temps de Ramadan, certaines mauvaises consciences sont généreuses, planquées derrière les vitres noires fumées de leurs berlines. Les mendiants autour, telles des mouches agglutinées sur un pot de miel que j’aperçois du haut de ma terrasse. Difficile de croire que cette situation change … maintenant !
D’ailleurs, il circule tant d’histoires autour de la « fortune » des mendiants. Tiens, celle du mendiant quelque part aux alentours d’une mosquée des HLM, au fil du temps et des générosités des gens allant et venant à la Mosquée, qui a fini par construire un immeuble à côté de la Mosquée. Ou encore celle de la mendiante qui, en fin d’après-midi, va régulièrement déposer une « tonne de piécettes » dans son compte en banque … Pourquoi cela devrait-il changer ?
La promenade du dimanche sur la corniche est toujours un plaisir, surtout par un matin comme aujourd’hui. Peu de soleil, mais un ciel bien dégagé, de beaux nuages blancs, pratiquement aucune voiture croisée et donc sans pollution.
Très peu de monde sur le parcours, mais tous avec des masques. Marcher plusieurs kilomètres et à vive allure quand durant la semaine on ne fait que des petits pas dans la maison, le luxe !
J’aime ce parcours le long de la « plus belle corniche du monde ». Enfin, celle qui aurait dû, aurait pu … l’être si elle avait été aménagée avec une vraie vision et d’ailleurs, il en est de même de la côte ouest, la grande comme la petite, naturellement belle et outrageusement privatisée, que dis-je … vampirisée.
Du temps de « Air Afrique », mon ami Claude, pilote ivoirien de cette mythique et défunte compagnie, se faisait par temps clair le plaisir de survoler cette côte, de Saint-Louis à Yoff à basse altitude. Il partageait avec les passagers la vue avec force commentaires de ce qu’il disait être le plus beau littoral jamais rencontré !
Le film « le grand chef » avec Fernandel sur lequel je tombe en zappant. Le comble de la drôlerie ! Sûrement pour me dédommager de la Senelec qui, durant près de 2 heures dans l’après-midi, nous aura privés de courant pendant que je regardais pour la nième fois et avec toujours autant de plaisir « le corniaud », avec Louis de Funès et Bourvil. Une si longue coupure, un dimanche en avril ? Je crains pour les mois à venir !
Jour 35
Papi Viou discutant tout à l’heure avec « Pièce unique » à propos d’une de mes chroniques lui dit : « elle a pris ma place ». J’aurais pu être flattée, mais que nenni ! Je suis inquiète, car s’il y a quelqu’un qui sait écrire c’est bien lui, et depuis si longtemps …
Je l’invite, je l’incite très sérieusement et je sais que je ne suis pas la seule à le dire … il doit écrire pour de vrai !
Un roman : « je n’ai pas d’idée, pas d’imagination ! » Un essai : « j’y pense, on verra çà peut-être un jour » ! Au moins un grand retour sur tous les éditos déjà écrits depuis si longtemps qui feraient un vrai livre : … « je ne les ai même pas archivés ! »
Je sais qu’il y a matière à produire et beaucoup même, dans tout ce que Viou a écrit et bien écrit depuis si longtemps.
Ah si, j’oubliais, il a écrit un essai il y a quelques années : « Y’en a marre, chroniques d’une jeunesse insurgée », publié par l’Harmattan et qui a même été traduit en … japonais !
Moi qui rêvais d’être la femme de… ! Mais je ne désespère pas, je compte bien l’avoir à l’usure et surtout c’est du gâchis de ne pas le voir écrire autre chose que des articles pour un des meilleurs quotidiens certes, mais à peine lu aujourd’hui au Sénégal ?
Son alter ego Baba nous a aussi régalés avec des chroniques succulentes et d’ailleurs, « le Ramadan de Baba » en fait partie. À eux deux, on a de quoi s’enrichir enfin, mais ils ne le savent pas. Ils ne veulent pas le savoir en fait !
La grande information aujourd’hui au Sénégal a tourné autour de deux imbéciles à Louga que la police a arrêtés et déférés. Ces voyous passaient par des chemins détournés pour faire du transport « clando » dans les heures interdites. Ils l’ont bien entendu fait plusieurs fois, plusieurs jours … imaginez les dégâts.
J’espère qu’ils vont quand même être dépistés avant d’entrer dans la prison de Louga qui doit être comme de nombreuses prisons d’ici remplies plus que de nature. Encore des dégâts en perspective.
Je repense à l’hôpital Principal de Dakar qui n’a pensé à interdire les visites aux malades que lorsqu’un soignant a été contaminé par un visiteur ! Grave erreur et sûrement parce que le côté social en ce moment est pris avec des pincettes, avec délicatesse Histoire de « clando » (clandestin pour les non-initiés), à mourir de rire, car ici à Dakar et je suppose partout dans le pays, ce sont eux qui gèrent le quotidien du grand nombre des personnes qui utilisent les transports en commun.
Superbement organisés, au nez et à la barbe des flics, ils ont pignon sur rue, avec des rabatteurs qui orientent le chaland … Ils sont incontournables et même pris en compte dans les statistiques au niveau des structures étatiques qui gèrent l’exécutif du transport inter urbain et qui cherchent et trouvent ? Des solutions innovantes !
Le clando dans la plus grande légalité ! Alors pas étonnant que ces clandos lougatois soient passés et repassés là où il ne fallait pas et durant plusieurs jours.
Aujourd’hui c’est la sainte Zita. Je ne connais pas de Zita, je ne savais même pas qu’il y avait une sainte avec ce nom-là ou alors une erreur d’orthographie du calendrier que j’ai sous les yeux, Zita pour Rita ? loool.
Alors bonne fête à toutes les Zita de la terre et pendant que j’y suis bonne fête à tous les saints passés depuis le début de mes chroniques, c’est-à-dire depuis mardi 24 mars 2020, jour de la sainte … Catherine.
À vous toutes et tous une bise…, Loulette désolée, j’espère surtout que le 25 août nous ne serons plus confinés alors on anticipe …
Bonne fête !
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS
Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE
Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID
Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID
Épisode 5 : SOUVENIRS DES INDÉPENDANCES
Épisode 6 : LES CONSÉQUENCES INATTENDUES DU COVID
Épisode 8 : POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE
Épisode 10 : DEVOIR DE TRANSPARENCE
Épisode 12 : DAKAR ET LA RAOULTMANIA