LE MANQUE DE TRANSPARENCE DÉCRIÉ DANS LA GESTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES
Les ressources halieutiques au large des côtes sénégalaises sont naturellement abondantes. Mais aujourd’hui, elles sont menacées par une pêche non réglementée caractérisée par de nombreux accords illicites
Au Sénégal, les ressources halieutiques sont aujourd’hui surexploitées. La surpêche, la pêche, celles non déclarée et/ou non réglementée (Inn) et l’implantation des industries de farine et d’huile de poisson constituent des menaces pour notre écosystème entrainant ainsi une crise sans précédent des stocks. Selon les acteurs du secteur, la persistance de ces mauvaises pratiques de pêche est causée par un manque réel de politiques d’une gouvernance transparente de ces ressources.
Les ressources halieutiques au large des côtes sénégalaises sont naturellement abondantes. Mais aujourd’hui, elles sont menacées par une pêche non réglementée caractérisée par de nombreux accords illicites avec des navires étrangers qui s’adonnent à de mauvaises pratiques de pêches. Ce qui représente une menace pour la sécurité alimentaire des Sénégalais. Les acteurs qui évoluent dans le secteur de la pêche artisanale relèvent un manque réel de politique d’une gouvernance transparente de ces ressources. «La gouvernance des ressources halieutiques souffre d’une application stricte des textes. Aujourd’hui, nous n’avons aucune garantie du ministère de la pêche et de l’économie maritime d’une bonne gestion de ces ressources. Rien n’est fait. La recherche ne travaille pas et la politique de pêche est mal gérée et mal orientée. Il n’y a pas aujourd’hui une réelle définition des politiques de pêche. Parce que sans la recherche, il n’y a pas de développement. Il n’y a pas non plus une évaluation exacte des stocks », déplore Mamadou Diop Thioune, coordonnateur du comité national du dialogue social de la pèche aquaculture et ressources offshore et ; par ailleurs porte-parole de l’interprofession de la pêche artisanale. Il note ainsi un manque de transparence dans l’octroi des licences de pêches à des navires étrangers qui surexploitent nos ressources halieutiques. «Nous avons été assaillis par une présence inexplicable des bateaux qui pêchent sans pouvoir justifier l’octroi de la licence. Parce que la commission et le ministère public n’ont pas délibéré. La pression qui est faite sur les ressources classiques qui sont aujourd’hui menacées, est forte. La surexploitation concerne surtout les espèces démersales côtières. Elle s’est maintenant aggravée pour les petits pélagiques notamment les sardinelles», indique-t-il.
L’IMPLANTATION DES FARINES DE POISSON, UNE GRANDE MENACE
Les acteurs de la pêche sont aussi indignés par la prolifération des usines de farine et d’- huile de poissons au Sénégal. Selon eux, l’implantation de ces usines a des conséquences désastreuses sur les pêcheurs, les mareyeurs et les femmes transformatrices de produits halieutiques. «Comment expliquer le fait que des usines de farine de poisson soient installées sur un simple avis de l’Apix, du ministre du commerce et d’autres ministères sans l’avis du ministère de la pêche qui est concernée ? Il faut 5 tonnes de poissons frais pour avoir une tonne de farine de poissons. Le métier de transformation des produits halieutiques risque de disparaitre. Parce que ce qui devrait être réservé à la transformation est destiné aux usines de farines de poissons. La farine de poisson va nourrir des animaux en lieu et place des hommes», déplore M. Thioune. Un cri de cœur partagé par Dr Aliou Ba, manageur de la campagne Océan à l’Ong Green Peace Afrique. «On constate actuellement qu’il n’y a plus de ressources et les prix de ces ressources ont grimpé ces derniers temps. Nous ne comprenons pas pourquoi ces ressources sont utilisées pour produire de la farine et de l’huile de poisson pour aller nourrir d’autres animaux, alors que les populations de l’Afrique de l’Ouest et du Sénégal en ont besoin pour leur sécurité alimentaire. Nous sommes surpris de voir qu’il y a encore deux autres usines de farine de poisson qui sont opérées au Sénégal. Il s’agit de l’usine de Cayar et celle de Sandiara, alors que l’Etat avait promis de geler les nouvelles licences pour ces usines», a-t-il fait savoir. A titre d’illustration, il informe que jeudi dernier, l’Ong Green Peace a intercepté un bateau qui a quitté l’Afrique de l’Ouest avec l’huile de poissons à destination de l’Europe. Ces acteurs qui déplorent tous, la non application des textes réglementaires et des documents stratégiques appellent ainsi l’Etat du Sénégal à faire en sorte que ce pillage des ressources aux larges de nos côtes s’arrête le plus rapidement possible. «On avait demandé pour plus de transparence dans la gestion des ressources que l’Etat publie la liste des navires qui sont en train d’opérer au Sénégal. On n’a toujours pas cette liste. Donc, il y a un problème sérieux de transparence dans la gestion des ressources. Et ça c’est quelque chose qui va en défaveur de la gestion durable des ressources en Afrique de l’Ouest. Nous pensons que les Etats doivent faire plus d’efforts dans la transparence et aussi arrêter ces industries de farine et d’huile de poisson en Afrique de l’Ouest», a lancé Dr Aliou Ba. Toutefois, Mamadou Diop Thioune reconnait que l’Etat du Sénégal a mis en place des mécanismes qui favorisent la cogestion à travers la mise en place d’un Conseil national consultatif des pêches maritimes (CNCPM) et des Conseils locaux de la pêche artisanale (CLPA).
L’ETAT S’ENGAGE A TRAVERS LE PROJET «GOUVERNANCE DES PECHES AU SENEGAL»
Au mois de mai dernier le ministère de la Pêche et de l’Économie maritime, à travers la Direction de la Protection et de la Surveillance des Pêches (DPSP), en collaboration avec le Partenariat régional pour la conservation de la zone côtière et marine en Afrique de l’Ouest (PRCM), s’était engagé à œuvrer dans le cadre du projet «Gouvernance des pêches au Sénégal». Ce projet est financé par la Fondation Oceans 5 à hauteur 1.163.944 dollars, soit plus de 763 millions de francs CFA pour une durée de 3 ans. Il vise à renforcer efficacement et durablement la capacité du Sénégal à lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée notamment en améliorant la transparence dans le secteur de la pêche, l’application de la législation liée à la pêche et le renforcement des capacités des parties prenantes présentes dans le pays. Ce projet vient en appui aux efforts déjà consentis par l’Etat à travers les mesures prises pour réguler l’accès aux ressources halieutiques et faire face à la pêche illégale dans la transparence, en mettant un accent particulier sur l’implication des acteurs à la gestion des pêches.