LE SENS DU CONCEPT «BAJJAN WAX MA»
Entretien avec… Rama Sisokho, styliste
Ramatoulaye Sisokho est une figure connue du stylisme. Curieuse et ouverte, elle est convaincue que le stylisme ne se limite pas seulement à l’habillement.
Vous êtes très présente sur le réseau culturel dakarois ?
Je suis styliste et j’ai été formée à l’Institut de coupe couture et de mode de Dakar. J’ai pratiqué la couture comme tout le monde en faisant des défilés et en réalisant des modèles pour des clients. En un moment donné, je me suis retirée pour pouvoir m’occuper de ma famille. Mais là, je suis revenue autrement.
Vous venez de lancer la mode « Bàjjan wax ma » qui a été très bien accueillie sur les réseaux sociaux. Comment est né ce concept ?
Avec «Bàjjan wax ma », les réseaux sociaux ont massivement et positivement réagi. Le concept a été très bien accueilli. « Bàjjan wax ma », parce qu’elle est la pièce maîtresse de toute éducation en Afrique et même ailleurs. La bàjjan est d’abord une femme doublée d’un homme. Dans le langage wolof, on dit : « Bàjjan mooy Baay ». Cela veut tout dire. Elle est incontournable dans l’éducation. Elle transmet la tradition. Elle est à la fois régulatrice et bouclier pour toute la famille. Donc, vêtue de son habit de femme, elle est aussi mère. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à reprendre de nos jours. Car elles sont toujours d’actualité. La bàjjan nous permet de connaître toutes nos traditions familiales du côté paternel. Donc, elle est à la fois mère et père. Elle est habilitée à nous révéler ce qu’il y a de mieux dans notre tradition et notre culture. C’est un prétexte pour amener les gens à se parler, à se poser les bonnes questions sans pointer du doigt personne. Ce concept parle de toutes les ethnies du Sénégal. Mais aussi de toutes les races qui vivent au Sénégal. « Bàjjan wax ma », c’est aussi le partage, la sensibilisation, sur les comportements relationnels vestimentaires et alimentaires. Il s’agit de vivre en utilisant ce qu’on a pour ne pas dire favoriser le Consommer local.
Vous êtes très active et vous lancez souvent de nouveaux concepts d’où tirez-vous les moyens ?
Je réalise tout avec mes propres fonds. Parce que j’ai l’amour de ce que je fais et c’est ma façon de contribuer au développement de mon pays en apportant ma pierre à l’édifice. Je n’ai pas de subventions qui me soient venues de la Direction des Arts ou du Ministère encore moins ailleurs. Je n’ai pas de mécènes et j’utilise mes fonds propres par amour de ce que je fais. Les subventions seraient bienvenues car tout le monde sait que ce n’est pas facile.
Le secteur est aujourd’hui plus ou moins en léthargie. Il y a une époque où chaque grande styliste avait son événement annuel. Toutes ces manifestations ont pratiquement disparu…. Vous avez une explication ?
Honnêtement, je n’ai pas d’explications. Je salue ces grandes dames de la couture qui continuent de faire la fierté de tout un pays. Même si c’est moins exposé. Peut-être que les choses se passent ailleurs. Cela signifie qu’avant, il n’y avait pas autant de visibilité et les gens étaient obligés de faire recours à ces grands moments pour vendre et montrer au reste du monde ce qu’ils faisaient. Maintenant, avec Internet et les réseaux sociaux, les gens peuvent organiser des défilés de manière virtuelle sans pour autant organiser ces véritables grandes messes. Bien qu’elles étaient très belles et grandioses. Mais actuellement, on peut tout organiser à partir de son salon et toucher le plus grand nombre.
Avec l’avènement des Grands prix du chef de l’État pour les Arts, votre secteur n’a jamais brillé ?
Tout est dans le style. Il ne se lève pas un jour sans qu’une personne ne sorte habillée. Cela fait partie de notre vie et nous ne pouvons pas être laissés en rade. Je reste optimiste et je pense que les choses vont revenir à leur place. On est présent dans la vie de tous les citoyens du monde