FACE AU CAUCHEMAR LE PEN, LES ÉLECTEURS D'ORIGINE AFRICAINE DOIVENT VOTER MACRON
Compte tenu du danger que représente pour les 3 à 5 millions de Français d’origine africaine ou maghrébine la mise en œuvre du programme de Marine Le Pen, le vote en faveur d’Emmanuel Macron s’impose comme une évidence
Que pèse, en France, le corps électoral d’origine africaine ? Entre 5 % et 6 %, selon les démographes et, si l’on se fie aux résultats du sondage IFOP pour Jeune Afrique publié fin mars, la majorité des Français d’origine africaine se sont vraisemblablement exprimés le 10 avril en faveur de Jean-Luc Mélenchon, dont on sait qu’il n’a pas donné d’autre consigne à ses électeurs que de s’abstenir de voter pour Marine Le Pen au second tour.
Notre spécificité – bien qu’installé en France, JA n’est pas un média français mais panafricain et multiculturel – a presque toujours induit de notre part une obligation de réserve, même si ne pas être pour ne signifiait pas que nous nous interdisions d’être contre : contre Valéry Giscard d’Estaing en 1981, contre Le Pen père et fille en 2002 et 2017. Cette fois, les choses sont différentes. Face à la perspective, pour la première fois, réelle et sérieuse, de voir la candidate d’extrême droite l’emporter au soir du 24 avril 2022, face aux risques multiples que représente pour les 3 à 5 millions de Français d’origine africaine la possibilité de mise en œuvre d’un programme d’exclusion et de discrimination, le vote en faveur d’Emmanuel Macron s’impose comme une évidence – et cela quelles que soient les réserves, voire les réactions d’allergie, qu’inspirent la politique et la personnalité du président sortant.
Priorité et préférence nationales
Il y a dix ans, en 2012, à l’occasion d’un entretien réalisé pour La Revue à la demande de Béchir Ben Yahmed, j’avais longuement rencontré une Marine Le Pen en pleine cure de dédiabolisation. Je l’avais sentie extrêmement entraînée à recevoir des gens qui venaient voir la « blonde immonde » et repartaient en la jugeant tout à fait fréquentable. Très préparée, avec un discours lisse et consensuel, mais aussi des démons qui ne demandaient qu’à ressurgir même si les identifier et les repérer était un exercice beaucoup plus difficile qu’avec son père.
Rien ou presque n’a changé depuis, si ce n’est la probabilité d’une accession au pouvoir sur la base cette fois d’un programme précis que les Français d’origine africaine feraient bien de regarder en face tant il les concerne, directement et indirectement. Première mesure annoncée : un référendum sur l’immigration et l’identité dont découlera une politique de priorité et de préférence nationales à multiples tiroirs, tous anxiogènes.
Marine Le Pen veut réduire de 75 % le regroupement familial et les bénéficiaires du droit d’asile – lesquels devront avoir obtenu ce statut non pas à leur arrivée dans l’Hexagone mais auprès des consulats de France à l’étranger, ce qui est proprement surréaliste. Elle veut remettre en question le droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers eux-mêmes nés en France, ainsi que la naturalisation par mariage. Même si elle y a ponctuellement et très discrètement renoncé, il est tout à fait possible que l’interdiction de la double nationalité non européenne, qu’elle qualifiait devant moi de « polygamie patriotique » revienne, une fois élue, sur le devant de la scène.