SUR LA CESSION DE LA BICIS AU GROUPE SUNU
C’est le lieu de nous réjouir qu’un compatriote, rôdé au monde de la finance, ait pris le risque d’acquérir la majorité des actions de la BICIS, banque phare du panorama bancaire de notre pays et filiale d’un des plus grands groupes bancaires du monde
Longtemps évoqué depuis près d’un an dans la presse économique internationale, le changement d’actionnaire de référence à la BICIS (Banque internationale pour le commerce et l’Industrie du Sénégal) vient d’être acté avec la cession de la filiale sénégalaise de la BNP à un assureur, le Groupe Sunu assurance crée et dirigé par le Sénégalais Pathé Dione.
C’est le lieu de nous réjouir qu’un compatriote, rôdé au monde de la finance, ait pris le risque d’acquérir la majorité des actions de la BICIS, banque phare du panorama bancaire de notre pays et filiale d’un des plus grands groupes bancaires du monde. Son interview à Financial Afrik a permis d’en savoir plus sur ce dirigeant d’entreprise qui semble allier acharnement au travail, sens de l’opportunité et humilité. Son groupe, Sunu, a été créé en 1998 et comprend 28 sociétés d’assurance après avoir absorbé 6 filiales d’Allianz, une banque (SUNU Bank Togo), une société de microfinance, une société de gestion santé.
Il est présent dans 15 pays d’Afrique subsaharienne francophone et anglophone : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, RDC, Sénégal, Togo, et son total bilan consolidé serait d’environ 852 milliards de Fcfa.
Cette cession au groupe SUNU est précédée d’un long partenariat avec la BNP en Afrique dans le domaine de la bancassurance, notamment en Côte d’Ivoire, pays dans lequel le groupe de Pathé Dione est l’assureur attitré de la BICICI dont il détient 18 % du capital social, et où il serait leader en matière d’assurance-vie avec plus de 30 % de parts de marché.
Le groupe SUNU est également annoncé favori pour l’acquisition des parts de la BNP dans le capital de la BICICI, ce qui pourrait augurer d’un modèle économique ayant pour finalité d’utiliser le canal bancaire, très fourni en clientèle potentielle, pour distribuer des produits de bancassurance plus compétitifs sur le marché africain.
« Notre premier objectif est d’offrir des solutions financières complètes avec un réseau de banques et de sociétés d’assurances plus proche des entreprises et des populations. La Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie du Sénégal est une belle opportunité de réaliser cette ambition au Sénégal et dans la sous-région », précise à ce propos l’acquéreur.
Cette opération se fait dans un contexte évolutif. En effet, le métier bancaire évolue à grands pas, et la concurrence est rude. La vitesse de changement observée est à relier aux exigences d’une clientèle jeune et connectée. L’heure est aux banques en ligne à effectifs et réseaux physiques quasi inexistants.
Les Fintechs utilisatrices des nouvelles technologies en matière financière concurrencent les banques sur les services classiques, à savoir les ouvertures de comptes, le paiement de factures et le transfert d’argent national et international (envoi et réception).
Des links sont même établis entre des banques et des Fintech (Wave/UBA) au profit du même client laissant esquisser les contours de la banque de demain en Afrique.
Concernant la BICIS, on ne peut pas dire qu’elle ait mené jusque-là une politique d’extension de son réseau d’agences comme ça a été les cas pour la Société Générale.
Elle est toujours apparue comme une banque concentrée sur un portefeuille de gros clients et de commerçants et particuliers à amples mouvements de comptes, contrairement à la Société Générale de Banque et l’ex Crédit Lyonnais et la CBAO rachetés par le groupe marocain Attijari, davantage portés sur la collecte de dépôts via un réseau d’agences étendu.
Nous pensons utile de rappeler que l’investissement privé en banque ne diffère en rien de l’investissement dans un autre secteur. L’objectif poursuivi demeure le même : « rentabiliser » afin de dégager des marges aptes à couvrir les charges et assurer un retour sur investissement. Les banques sont cependant soumises à plusieurs types de contrôles.
Le contrôle sur la progression de l’activité et les résultats annuels obtenus est effectué en interne et, en dernière instance, par les conseils d’administration sur mandat des actionnaires.
Les banques reçoivent les dépôts de leur clientèle qu’elles transforment pour partie en crédit, en les prêtant aux acteurs économiques, et perçoivent ainsi une marge d’intermédiation constituant leur chiffre d’affaires (compte non tenu des commissions diverses perçues pour les nombreux services rendus).
Le risque de transformation peut se manifester à travers des crédits irrécouvrables et entraîner des pertes potentielles d’exploitation. Les managers sont donc sensibles au sort des crédits consentis parce que déterminants pour la suite de leurs carrières.
L’équation à plusieurs inconnues du financement des PME
Il y a également le contrôle de l’Etat du fait de l’impact de cette activité d’intermédiation sur l’ensemble de l’économie. Ce contrôle est exercé par la Banque centrale (BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest), notamment en matière de distribution de crédits, dans le souci de protection des déposants et de la marche sans entraves de l’économie.
De ce double contrôle, il résulte que les dirigeants de banques sont comptables des résultats de leur gestion vis-à-vis de leurs actionnaires mais également vis-àvis des Banques centrales par rapport aux normes de gestion instituées.
Les nouvelles normes de Bale 3 imposées aux banques européennes depuis la crise financière de 2007/2008 témoignent du durcissement progressif de la règlementation bancaire en matière de crédit, avec l’exigence d’un surcroît de fonds propres par rapport aux risques.
Adoptées par les banques centrales africaines, la BCEAO en particulier, sans pour autant que les banques soient actuellement exposées au risque de liquidité et de solvabilité, elles ont pour effet négatif de davantage évincer les entreprises petites et moyennes du crédit bancaire, sans que celles-ci, à l’instar de celles de l’Europe puissent, se tourner vers d’autres sources de financement.
L’effet de ce contrôle renforcé est que les banques s’orientent progressivement vers les emplois de trésorerie réputés « sûrs » et liquides, en l’occurrence l’acquisition de titres publics (obligations d’Etat et autres bons du Trésor), les prêts aux salariés et le financement de fonds de roulement.
Cela pour dire que le financement des PME africaines via le secteur bancaire privé relève d’une équation à plusieurs inconnues du fait de l’aversion des banques pour ce risque, et des dispositifs de contrôle de ces dernières par nos banques centrales, alors que les besoins de financement, à relier aux stade de développement des économies, sont différents.
Face à un marché bancaire étroit et une concurrence avérée, aux nouvelles exigences d’un marché qui change mais aussi aux normes prudentielles renforcées, il est compréhensible d’assister au retrait progressif des banques européennes et à l’arrivée de nouvelles banques africaines pilotées par des professionnels.
On peut en effet constater que, des banques françaises des années 80 à savoir le Crédit lyonnais, la BIAO, la BICIS, la SGBS, il ne reste plus que la SGS (ex-SGBS), et que, depuis lors, aucune filiale de banque européenne n’a demandé un agrément pour s’installer dans nos pays.
Si ce retrait pouvait aboutir à un renforcement de la prise de risque, cela serait bénéfique à nos PME. Il reviendrait dès lors à nos banques centrales de desserrer l’étau en étant moins « prudentielles ».
Pour finir, la perspective d’une faillite bancaire doit être considérée comme le versant d’une politique volontariste de financement des entreprises.
Après la crise des subprimes et à la suite de Lehman Brothers, près de 400 banques ont fait faillite aux Etats-Unis. Malgré cela, le système bancaire américain continue tout de même à fonctionner.
Il en résulte que dans la configuration règlementaire actuelle, les créations de nouvelles banques ou le rachat de banques étrangères par des nationaux ne sauraient régler la question du financement de l’économie.
SUNU Bank est une entité privée qui a un modèle d’affaires précis dont il attend le renforcement de ses marges et de son activité. On ne saurait lui en demander plus.
Cela ne nous rend pas moins militants d’une implication de nos compatriotes dans la création de banques à l’instar des capitalistes d’autres pays.
Nous souhaitons donc bonne chance à SUNU Groupe pour cette prise de risque tout en appelant les Etats à mettre en place des dispositifs pérennes pour le financement des PME africaines.