COUP DE FORCE À LA PLACE SOWETO
EXCLUSF SENEPLUS - Il faudra bien des arguments solides pour nous convaincre que ce qu’il s’est passé le 12 septembre à l'Assemblée n’est pas un putsch. Le camp présidentiel a montré qu’il n’avait que faire de la volonté des Sénégalais
Contrairement à ce que certains d’entre nous avancent, ce n’est pas seulement l’image du Sénégal qui a été écornée hier à l’Assemblée nationale. Le plus grave est le coup d’État qui y a été perpétré aux yeux de tous par l’immixtion de forces armées dans le cours normal du débat parlementaire. Cette intervention s’est faite alors que la présidente de la séance inaugurale de la quatorzième législature n’avait pas épuisé les voies de dialogue qui s’offrent aux parlementaires lorsque les discussions semblent butées sur l’interprétation à donner à certaines dispositions du règlement intérieur.
La parole de Macky Sall est-elle si peu fiable aux yeux des siens ?
L’obstination des ministres en fonction à rester sur les bancs de l’Assemblée nationale alors qu’ils étaient frappés par les incompatibilités prévues par l’article 109 du règlement de l’Assemblée nationale et les dispositions constitutionnelles a de quoi surprendre sauf si on prend en compte le caractère inconfortable de leurs positions. Ces hommes et femmes étaient face à un dilemme cornélien : démissionner du Parlement sans garantie de reconduction dans un gouvernement qui en principe vit ses derniers jours. Ils ont donc voulu faire de leur problème celui de toute la représentation nationale. Celui qui aurait dû anticiper cette difficulté est le président de la République. Son Premier ministre et son gouvernement devraient être au travail depuis plusieurs jours ou semaines. Malheureusement, en violation de la Constitution et des usages institutionnels, il maintient une équipe dont aucun membre n’a d’assurance sur son avenir. Alors que la situation dans l’hémicycle s’enlisait, les ministres-députés, notamment ceux élus au scrutin majoritaire départemental (Abdoulaye Daouda Diallo, Abdoulaye S. Sow) n’ont pas pris le risque de parier que leur succès politique soit le gage de la reconduction au gouvernement. La démission de ces deux ministres et leurs remplacements par leurs suppléants attitrés auraient vidé le contentieux et montré la bonne volonté du camp présidentiel. Et pour finir, ôter un argument de poids à la contestation des opposants. Malheureusement, ce scénario ne s’est pas réalisé parce que, manifestement dans son camp, nul ne fait confiance à Macky Sall.
De quoi est le nom la présence de forces armées dans l’hémicycle ?
Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal contemporain, des forces armées sont intervenues dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. L’intervention de ce peloton n’a pas consisté à maitriser quelques trublions. Il s’est agi de peser sur le cours des évènements en faisant triompher par la force les positions d’un des protagonistes de la controverse démocratique. Il faudra bien qu’on nous donne des arguments solides pour nous convaincre que ce qu’il s’est passé n’est pas un coup d’État. Hier, le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale a été perturbé. La présidente de la séance inaugurale a outrepassé ses compétences et pris des actes d’autorité violents et illégaux qui portent atteinte au fonctionnement normal du Parlement. Pour des faits moins graves, Mamadou Dia a été condamné pour « tentative de coup d’État ». Il avait ordonné en décembre 1962 à des gendarmes d’empêcher l’accès à la Chambre à des députés. En 2022, la présidente de la séance a ordonné l’occupation de l’hémicycle !
Un pouvoir aux abois
Depuis huit mois, le président Macky Sall a décidé de ne pas appliquer la constitution. Il refuse de nommer un Premier ministre, en revanche, il tient à ce que l’Assemblée nationale élise un président en quelques heures malgré les fortes divergences entre l’opposition et le camp présidentiel sur les qualités d’électeurs de ministres, qui sans démissionner se retrouvent sur le banc des députés. Il est singulier que messieurs Abdoulaye Daouda Diallo et Abdoulaye S. Sow nous expliquent qu’ils sont ministres et pas ministres en même temps. « Être ou ne pas être » ou, pour parler comme William Shakespeare, « To be, or not to be » est une question philosophique, pas politique et encore moins juridique. Le camp présidentiel nous a montré hier qu’il n’avait que faire de la volonté exprimée par les Sénégalais au cours de cette 2022. Deux fois, à l’occasion des élections territoriales et législatives, ils ont clairement dit qu’ils veulent des institutions démocratiques qui fonctionnent selon les principes de l’État de droit. En lieu en place, c’est le « débauchage des maires de l’opposition », des menaces de « délégation spéciale » et la juridisation du débat public.
La journée d’hier a été instructive à plusieurs égards. Il est inutile de revenir sur la stratégie du coup de force permanent du camp présidentiel. L’opposition a montré qu’elle est combattive et s’accroche aux principes. Si les opposants sont des prébendiers comme certains l’avancent, l’attitude la plus rationnelle de leur part aurait été de ne pas faire d’esclandre et laisser la présidence de l’Assemblée nationale à BBY pour partager à leur avantage les postes du bureau. Bravo à eux d’avoir dénoncé avec vigueur BBY.
Autre bonne nouvelle, jusqu’à présent l’opposition reste unie. L’intercoalition YAW/Wallu a boycotté l’élection du président et il n’y a qu’un groupe parlementaire pour les députés de YAW.